Publié le 7 Avril 2017

Je la voyais venir avec ses gros sabots, la Berthe.

- Patrick, j’ai besoin d’un coup de main pour déplacer un meuble !

Un meuble ? Sacrée Berthe ! C’est un chambardement total de son mobilier qui était au menu du jour et, bah, je l’aidais la Berthe. Il y avait pire comme marotte et comme voisine…

 

Au régiment aussi j’étais de corvée. Le Major ne voulait que moi au volant de son véhicule, décrétant que j’avais le coup d’œil pour me faufiler dans les files et déjouer les pièges de la circulation. Une sinécure ? Détrompez-vous ! Entre ce que je voyais et ce que je pourrais vous en dire, il y a un fossé. Pas si sages les rendez-vous galants du Major, même en pleine période de manœuvres…

 

Au bureau ce fut une poudrière prête à sauter quand je découvris les comptes truqués du comptable. Sans vous et vos yeux de lynx, cher Patrick, c’était la faillite assurée et le scandale dans le canton, m’avait avoué le boss. Une prime rondelette reçue en récompense m’avait permis de monter ma propre entreprise. Petite, oui, mais bien à moi…

 

Depuis, je vivais au grand air. Les arbres à élaguer ne manquaient pas dans la région et la grimpe avait toujours été mon sport favori. Le danger ? J’étais équipé d’un matériel d’une sécurité à toute épreuve. Jamais eu le moindre accident ! Je vérifiais tout, me fiant à mon regard aguerri…

 

Comment je suis arrivé ici, aux portes du paradis ? Je ne le sais exactement. J’étais sur un épicéa géant, cela je m’en souviens… Un météore n’aurait pas fait plus de dégât… scalpé, amputé des deux jambes… Comment ? Une caisse tombée d’un avion ?

 

Si vous le dites, Saint Pierre ! Moi, je n’ai rien vu venir !

 

Je peux entrer ?

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Pour Mil et une en avril 2017

 

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Publié le 2 Avril 2017

L'atelier du vitrail - clic

- Faites un vœu, bonne Dame Alpaïde, voici la première aronde se présentant à notre vue.

       - Un vœu ? A quoi me servirait-il ?

Sieur Rohkolen, mon mari, s’en est allé guerroyer au côté de messire Charlemagne, notre empereur. Tout l’hiver, au coin de l’âtre, il piaffait d’impatience de reprendre le cheminement et voici les beaux jours revenus. Que m’importe une aronde, elle ne réjouit pas mon printemps ! Demain, peut-être, serais-je condamnée à porter voile de veuve, noir comme ces plumes d’oiseau…

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A-t-elle pu admirer une dernière fois le ciel, la Jeanne à la tête embronchée ? clic

A-t-elle perçu les cris des hirondelles dérangées dans leur quête incessante et gourmande alors que la fumée du bûcher léchait sa chair tendre en ce joli mois de mai ?

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Un, deux, trois

Quatre cinq

Six sept

Violette

Violette

 

Mais qui a créé cette comptine ?

Se doutait-il qu’elle résonne clic

Au fil des générations

Et de beaux jours de printemps ?

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Les souvenirs s’estompent…

Il y eut beaucoup de 7 mai

 

Un seul a vu la reddition

D’une armée belliqueuse

En la ville des sacres  clic

Dans la campagne alentour

les vignes portant les promesses

D’une récolte digne des grandes années

S’épanouissaient indifférentes

Aux turbulences du Monde

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Printemps de Prague

Mai 1968

Printemps arabe

Bruxelles, 22 mars 2016

L’équinoxe réveille ou annihilie les consciences

Les oiseaux ignorant la folie humaine

Entament leur longue migration

 

Qu’en sera-t-il demain ?

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Pour Mil et une en mai 2013 

(texte légèrement adapté)

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Publié le 26 Mars 2017

 

 

Photo 1 : Gare maritime d’Ostende. Moi, les yeux embrumés pour cause de réveil aux aurores tentant de suivre Thomas, trois ans, curieux et impatient de monter à bord du grand bateau. Si seulement ce bout'chou cessait de slalomer entre les valises et les jambes des nombreux touristes et avait la bonne idée d’accepter de s’asseoir un instant dans la poussette-canne !

Photo 2: Mon mari harnaché de son fidèle sac à dos brandit enfin les tickets P§O, sésame pour la traversée aller-retour de la Manche.

Photo 3 : Ce cliché prit par un ado sympa montre la souriante petite famille regroupée sur le pont du géant avec en toile de fond la ville d’Ostende et son quai des Pêcheurs.

Photo 4 : Thomas dans les bras de son père observe le port dans les jumelles bien trop grandes pour lui. Autour d’eux, étendus sur des banquettes ou à même le sol, de jeunes écossais à moitié ivres s’endorment déjà enroulés dans des sacs de couchage. Surgissant d'un haut-parleur une voix agressive vient d’annoncer le report de l’heure d’appareillage.

Photo 5 : Thomas et moi sommes attablés dans le self-service pour un deuxième petit-déjeuner. Le train Cologne-Ostende ayant quarante-cinq minutes de retard, nous devons attendre les passagers en transit vers l’Angleterre.

Photo 6 : Brouillard ! Il a profité de notre repas pour s’installer sournoisement ; le quai des Pêcheurs est à peine visible. Les retardataires arrivent enfin.

Photo 7 : On pense y deviner l’estacade ou alors est-ce la mer ?

Photo 8 : Thomas bercé par le bourdonnement du moteur de la malle "Princesse Clémentine" s’est endormi dans un fauteuil du salon. Rien à voir sur le pont ! Nous naviguons dans un épais brouillard. L’appareil photo et les jumelles regagnent le sac à dos.

Photo 9 : Débarquement du père et du fils à Douvres. C’est à peine si je les situe dans le viseur de l’appareil photo. Rien vu de la manœuvre d’entrée dans le port. Rien vu des falaises blanches qui me faisaient rêver.

Photo 10 : Thomas cherche son équilibre intrigué par le quai flottant sur lequel nous attendons l’Overcraff pour rentrer à Ostende. En arrière plan, ma mine défaite laisse entrevoir qu’en plus du brouillard il y a de l’orage dans l’air. Normal, je m’étais fait une joie de ces premiers pas en Angleterre et ils se sont arrêtés à côté d’un bus dans lequel s’engouffraient les autres passagers. Mon mari n’ayant pas voulu y monter prétextant qu’avec ce foutu temps nous n’allions pas nous repérer pour retrouver le port éloigné de la ville. "Tu parles anglais toi ?" Et bien non, peste, pas plus que lui je ne pratique la langue de ce fameux William S.

Photo 11 : Moi, le nez plongé dans mon porte-monnaie, j’essaye de ne pas paniquer de me savoir propulsée à grande vitesse au raz d'une mer invisible. Et dire que le matin même je craignais d’avoir emporté trop peu de livres. Pas dépensé un penny !

Photo 12 : Le trio saisi par l’hôtesse de bord. Au centre, Thomas lui demande : "la mer et l’Angleterre c’est que du brouillard ?"

Photo 13 : Arrivée au port de l’Overcraff. Ostende s’offre à la pellicule sous une percée des rayons de soleil. Les aventuriers n’en mènent pas large.

 

Depuis cette ancienne aventure, la vieille estacade en bois a fait place à une nouvelle jetée, les allers-retours des malles ne ponctuent plus les journées et les appareils photos sont numériques...

 

Mais le plaisir de revoir la mer de temps à autre est toujours au rendez-vous !

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Photo d'en tête - Mil et une  - réédition pour Mil et une mars 2017 - clic

Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits

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Publié le 23 Mars 2017

Catastrophe !

Titi, j’ai besoin de toi !

Titi, c’est moi et quand mon pote Renaud m’appelle, je suis là !

Depuis, je colle, je recolle et colle encore des autocollants au dos de bouquins. Je n’en ai jamais eu autant en main ni autour de moi. Normal, je suis au salon du livre.

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La dictature diététique

(Je colle)

Pourquoi ces femmes de tous âges et de tous horizons se réunissent-elles chaque semestre en grand secret dans un endroit différent de la Terre ?

Porter de la fourrure c’est porter la mort, scandent les défenseurs des animaux lors d’une manifestation parisienne qui va dégénérer en drame au moment même où dans la savane africaine des braconniers subissent le sort qu’ils réservaient à un groupe de léopards.

Qui a ordonné leur mort plutôt que leur arrestation ? Pourquoi des éléments perturbateurs ont-ils mis le feu à un rassemblement pacifiste ? Qui sont les Félines ?

Shérazade de Miletune nous emmène à sa suite dans une enquête haletante où le mot NATURE s’écrit en majuscules.

 

Les Félines

(Je colle)

Vague ? Vague à l’âme qui lamine tout sur son passage.

Comment un seul coup de blues peut-il à ce point déterminer nos destins ?

Vous ne sortirez pas indemne de cette lame de fond décortiquant toutes les facettes de l’âme humaine - A lire de toute urgence !

 

Oublier la quatrième de couverture !

Un qui va se faire coller, c’est l’imprimeur. Je ne voudrais pas être à sa place…

En attendant, je boulotte, c’est toujours cela de gagné.

 

La dernière vague

(Je colle)

Peut-on éternellement fausser nos sentiments ? Avec finesse Shérazade de Miletune pose ses pions un à un et nous pousse dans nos derniers retranchements. Accepterons-nous de faire partie de sa multitude de personnages et d’entrer dans le roman ?

Ce récit-jeu est un pur délice de subtilité et d’ironie !

 

Mémoire d’un faussaire

(Je colle)

Ne manger que des aliments verts ou orange - Seules les céréales renferment les éléments de notre bien-être - Jeûner dix jours par mois est le summum du nirvâna - Consommez uniquement des repas liquides… Pourquoi certains ressentent-ils le besoin de suivre ces slogans dictateurs qui tentent de régir nos assiettes ?

Sous les dehors d’une enquête scientifique Shérazade nous plonge en réalité dans une folle histoire d’amour, celle de la cuisine et de ces délices.

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Catastrophe, Titi ! Tu as mélangé les quatrièmes de couverture ! C’est pas possible ! Shérazade de Miletune sera là dans un instant pour une séance de dédicace, je vais me faire virer.

 

Renaud n’en mène pas large et moi, je me fais tout petit, petit…

…petit coup d’œil à droite, petit coup d’œil à gauche, les lecteurs manipulent les livres, intrigués, puis les tendent à l’hôtesse. Quatre d’un coup ! Certains les prennent en photo et s’activent sur leur smartphone.

 

Titi, tu es trop top, tu as déclenché un buzz du tonnerre, ces bouquins seront des collector's, je te le promets !

 

Comblée, Shérazade de Miletune n’y a vu que la patte de génie de Renaud son agent.

Moi, j’ai repris le RER et je suis rentré chez ma mère. 

Demain, demain peut-être, aurai-je enfin un vrai boulot ?

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Pour Mil et une en mars 2017 - clic

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Publié le 18 Mars 2017

Devan coupa le moteur et s’étira longuement. La climatisation défaillante de sa vieille Dodge avait rendu suffocants et pénibles les cent cinquante miles parcourus au travers de la plaine monotone. Là-bas, au loin derrière les montagnes, le Pacifique semblait se deviner à la teinte du ciel et Devan rêva un instant d’une baignade dans ses eaux qui toujours l’attiraient.

 

Quand, son coffret de jeu sous le bras, il pénétra dans le Dante’s Rock, le changement brutal de température le fit tousser et éternuer. Jurer aussi intérieurement contre cette angine laryngée contractée dans l’enfance et qui le fragilisait encore et toujours, l’obligeant à porter des foulards quelle que soit la saison.

Le restoroute était calme à cette heure de l’après-midi, le coup de feu viendrait plus tard quand les routiers, la fringale au ventre, rangeraient côte à côte leurs bahuts, assoiffés eux aussi. Au comptoir, Devan commanda une bière et les lèvres trempées dans la mousse il parcourut la salle du regard. Deux femmes à l’âge incertain papotaient joyeusement en dégustant des bretzels, indifférentes au calumet et aux tambourins suspendus au mur au-dessus d’elles. Mais Devan, sensible depuis toujours à la culture indienne, admira ces objets avec un brin de nostalgie. A deux tables de là, un couple d’amoureux se bécotait, gourmand et peu discret. Aucun cataclysme n’aurait pu, semblait-il, l’empêcher de roucouler de bonheur.


Sa bière terminée Devan regarda sa montre. Quatorze heures quarante-cinq ! Le rendez-vous était fixé à quinze heures. D’ici, Devan pourrait observer l’arrivée de Alo, le jauger avant de se confronter à lui. A quoi ressemblait-il ? Cela faisait six mois qu’ils se combattaient par écran interposé et toujours Alo avait le dessus et remportait les mises. Pourquoi ce joueur lui avait-il lancé le défi de le rencontrer pour faire une partie yeux dans les yeux ?
Pourquoi, lui, Devan, avait-il accepté le face à face qu’il ne pouvait que perdre ? Revenir dans cette région quittée depuis plus de douze ans l’avait-il influencé davantage que le désir de revanche ? Et s’il reprenait la route en sens inverse, qu’il prétextait un empêchement de dernière minute pour excuser sa désertion ? Non ! Lui, l’ancien baroudeur, n’allait pas s’aveulir à la fuite avant la bataille.


Pourtant un malaise s’installait en lui, il devait bouger, nerveux. Dans la véranda, un presque adolescent sirotait d’une main un Milk-shake aux fraises et de l’autre pianotait frénétiquement sur un écran tactile. Devan eut un pincement au cœur quand le garçon se redressa et laissa entrevoir davantage le devant de son tee-shirt sur lequel était inscrit en grandes lettres vermillon "My Name is Alo" Leurs regards se jaugèrent intimidés et pourtant proches, si proches…
Les jambes coupées par l’émotion Devan se retrouva assis face à son clone, à cet ado qui lui ressemblait tellement hormis les yeux si particuliers. Des yeux qui à présent se dirigeaient vers une femme, belle, si belle…


C - 4 Destroyer coulé !
La voix de Donoma résonnait dans la mémoire de Devan. La voix de jadis, quand ils jouaient à d’interminables parties de combat naval, la voix qui a présent disait : voici ton fils, Devan. Alo, voilà ton père !

Elles étaient loin soudain les années de vagabondage, loin les hésitations, les fuites en avant. Le cœur de Devan, depuis trop longtemps miné par ses regrets d’avoir abandonné sa compagne pour parcourir le monde, se trouvait à présent délivré de la lourde herse qui l’entravait et la joie éclata, folle, libératrice.


Et contre ce cœur battant la chamade Devan serra Alo et Donoma, la jolie indienne qui avait su le retrouver via le Net et le guider habilement vers eux !

 

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Pour Mil et une en janvier 2014 - logorallye clic

 

 

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Publié le 11 Mars 2017

Je parie, six sonneries et ça décroche… tu vois, pile six…

Et gna, gna, gna … ouais ! je sais… "… appuyez sur la touche un pour…

 

Trois fois de suite sans les joindre, tu parles si je connais la manoeuvre…

Et gna, gna, gna…. "Pour…" la touche trois, hop ! c’est fait…

Pas vrai, revoilà l’autre débile… si je l’avais en face de moi celui-là ses oreilles s’échaufferaient… Comment c’est possible un discours pareil… ça se veut branché… des machos-misogynes, princes du sous-entendu, oui !

 

Non, mais réécoute-moi ça… "Toutes nos poules sont occupées à caqueter. Dès qu’une se libère, elle est à vous…" et en plus cette musique débile : une poule sur un mur... clic

 

Toutes nos poules ? Imagine ces pauvres filles… pour mériter de quoi s’acheter une cuisse de poulet se faire traiter de poules qui caquettent… et à longueur de journée en plus... ?

"Est à vous"… doivent en recevoir des propositions salaces… Pff ! ça va durer encore longtemps ? Pas que ça à faire moi ! Et cette musique… Et les euros qui s’envolent…

 

"… Dès qu’une"

- Bonjour, puis-je vous aider ?

- Bonjour. Je vous plains sincèrement.

- Ah bon ! Pourquoi ?

- Se faire traiter de poule qui caquette me semble insupportable. Il faut réagir Mademoiselle et mettre le coq au pas.

- ...(Rires gênés)

 

Pas encore sortie du poulailler la pauvre… bande de misogynes et de poulettes naïves…

Et dire qu’il faut gagner sa vie.

 

Cela se passait il y a une dizaine d'années. Les choses ont-elles évolué ???

N'en suis pas sûre !

 

clic 

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Pour Mil et une - mars 2017 - clic

 

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Publié le 5 Mars 2017

Un coq au loin lance un cocorico sonore. Assis à l’ombre de saules têtards Louis l’imagine sans peine, fier et arrogant, parmi sa cour de poules affairées et gloussantes. Depuis quelques minutes il observe avec attention un héron cendré parfaitement immobile au centre du ruisseau. Mais d’autres cris fusent à proximité, un vol de canard annonce bruyamment son passage et l’échassier, dérangé dans son patient affût, s’envole à son tour.

 

Louis se remet en marche et retrouve d’instinct "son" trou à truites. Doucement il immerge son bras droit là où le courant est calme. Sera-t-elle au rendez-vous ? Bien sûr les années ont passé et la belle fario de sa jeunesse a fait place à sa descendance, mais sous ses doigts il ressent soudain le même frétillement que jadis et des picotements d’émotion le gagnent.

 

- Va, ma belle, je ne te veux aucun mal !

 

En passant de prairie en prairie, parsemées ci et là de minuscules mares garnies de nénuphars jaunes, Louis remonte le long du petit cours d’eau qui se rétrécit au fur et à mesure de sa progression. Il en atteint la source au moment où, du clocher du village situé à près de deux kilomètres en aval, tintent quatre coups de cloche portés par le vent léger.

 

Instant hors du temps ! Ici, rien n’a changé, d’entre quelques pierres protectrices, l’eau pure jaillit inlassablement baignant une touffe verte de cresson. En se penchant pour boire dans le creux de sa main, Louis découvre son reflet et lui sourit comme à un ami de longue date.

 

- Toi par contre, tu as pris quelques rides, mon pote ! Et où sont tes cheveux bouclés ?

 

Louis n’a rien d’un Narcisse, il sait que le temps ne se dompte pas… Pourtant c’est le temps de sa jeunesse qu’il est venu retrouver aujourd’hui, le temps fait d’espoir en la vie, le temps des promesses.

 

Au moment de cueillir une botte de cresson dont il se fera un potage à la saveur légèrement piquante il sait au plus profond de lui-même que sa décision est prise et qu’elle sera la bonne.

 

Louis ne cédera pas à l’appel des sirènes ! Son entreprise d’ébénisterie et de marqueterie il ne la vendra pas à une firme internationale au financement vague et nébuleux.

 

Louis restera fidèle à lui-même, un artisan dans l’âme !

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Pour Mil et une en juin 2016 - clic

Toile attribuée au peintre Le Caravage - clic - clic

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Publié le 28 Février 2017

Ce texte est une suite aux écrits suivants : clic - clic - clic 

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

Je vous invite à le parcourir ici : clic

C’est joli les coquillages !

Jaco les lave soigneusement, les sèche dans un grand drap en éponge puis les étale par ordre décroissant sur l’étagère de sa chambre. Ils lui rappellent son séjour à la mer avec les autres pensionnaires de "l’Arc en ciel"

Le matin, la plage était immense et, accompagnés des éducateurs, ils marchaient au bord de l’eau puis la marée montait, montait et la plage rétrécissait.

Jaco a apprécié jouer au ballon sur le sable fin et faire s’élever un cerf-volant dans le ciel. Comme il était fier de lutter contre le vent !

Un jour, le groupe s’était rendu dans un parc d’attraction et Jaco avait, pour la première fois de sa vie, fait un looping sur les montagnes russes. C’était un peu impressionnant mais ce n’est pas ce que Jaco avait le plus apprécié durant ses vacances.

 

Il faudra qu’il raconte tout cela à son frère Marcel quand il viendra lui rendre visite.

Comme d'habitude son frère dira peut-être "mais oui, Jaco, je connais tout cela"

Faut toujours qu’il joue au plus malin, Marcel !

 

De ses gros doigts boudinés Jaco caresse délicatement un coquillage et rigole en douce.

Marcel va être bien surpris et étonné d’apprendre que Jaco est devenu musicien.

Comment s’appelle l’instrument déjà ?

… heu, un orgue de limonade ? Un limon-air ? Un barba-rit.

Jaco a joué un air qu’il connaît bien, c’est donc un limon-air !

Après une dernière caresse il délaisse les coquillages pour ses crayons de couleur, décidé à faire un beau dessin pour Marcel.

 

...un vélo noir, IMMENSE, avec une remorque, puis un gentil monsieur avec une barbe blanche et un chapeau de paille, puis un théâtre installé sur la remorque, puis lui, Jaco, qui tourne la manivelle avec l’autorisation du monsieur, puis la musique qui s’envole du théâtre et, et… c’est difficile de dessiner la musique !

Les notes, c’est comment ? Comme des coquillages ?

Alors Jaco dessine quelques notes-coquillages s’échappant du limon-air.

 

Sûr, ce que Jaco a le plus apprécié pendant ses vacances ce n’est pas le grand huit mais les applaudissements des passants qui ont aimé sa musique.

Marcel sera épaté, c’est certain !

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Mil et une sujet semaine 33/2015 clic - image Mil et une

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Publié le 26 Février 2017

Le ciel se couvre subitement au-dessus de la rue Jeanne d’Arc et le vent se lève, insistant.

Comme affolés, les nuages déversent en un instant une cataracte de gouttes de pluie froide. Armin, surpris par les éléments, court à la recherche d’un abri et quand enfin il pénètre sous un porche, son costume de lin lui colle à la peau et il frémit.

M. Erlin - encanteur

Ouvert de 9 h. à 19 h.

Les yeux d’Armin ont à peine survolé la plaque dorée fixée sur le côté droit de la porte que déjà il s’engouffre dans le bâtiment. Pas question pour lui de risquer d’attraper un rhume sous l’orage et dans les courants d’air !

Que disait la plaque ? Encanteur ?

La sonnerie de l’entrée a retenti depuis un moment quand apparaît, trottinant babouches aux pieds, un homme enturbanné et vêtu d’un costume deux-pièces lie de vin.

Lie de vin ? Armin hésite… lie de vin… mum… coulis de fraise, voilà qui est mieux…

Etrange bonhomme, aussi bizarre que le fatras exposé sur les tables agencées sur le pourtour de la pièce. Une vraie caverne d’Ali Baba que cette boutique ! Ici, un coffre déborde de bijoux argentés, là, un sac à main en cuir fauve astiqué de frais et renfermant une brosse à reluire est accolé à un hibou empaillé depuis des lustres… à gauche un liquide bleuâtre contenu dans un litron se tempère tranquillement au côté de verres de cristal dépareillés… à droite, une série de livres de la collection "Crime de sang" tous écornés et dédicacés d’un beau "A Annabelle" en lettres gothiques espère capter un hypothétique lecteur… au lustre, allumé et dispensant une faible lueur jaunâtre, pendent un gros salami en plastique et deux bouées vertes agrémentées d’une tête de serpent de mer, l’une gonflée au maximum, l’autre quasi moribonde…

Armin, intrigué, circule d’un objet à l’autre et à chaque pas l’eau contenue dans ses chaussures émet un petit "flitch-flatch" qui meuble le silence. Nouveau frémissement…une gerbe de blé étiquetée "Du Sahara" tend vers lui ses épis d’or. Fascination ! Cet or… la belle chevelure d’Elisa… Ses bras se tendent vers cette offrande tant espérée quand un "attention, Mesdames et Messieurs, la vente va commencer" jaillit de la bouche de l’encanteur.

Subjugué, Armin voit M. Erlin s’emparer d’un genre de bâton de pèlerin avec lequel il désigne la gerbe de blé.

- La vente COMMENCE, mise à prix DIX dollars, dix dollars, c’est pas beaucoup, dix dollars, Monsieur… douze ? Douze dollars ! Qui dit mieux ? Une gerbe de blé DU SAHARA ! D’un blond EXEMPTIONNEL ! Treize dollars pour Monsieur. Treize ? Quinze ! Ouiiiiii ? Vingt ? Vingt dollars… vingt, vingt ??? Vingt-cinq, Monsieur est connaisseur !

L’encanteur se démène comme un diable, tantôt face à Armin, tantôt à gauche, tantôt à droite il englue sa proie, ne lui laissant aucun temps mort.

- Allons, vingt-cinq dollars, qui dit mieux pour obtenir la blondeur du Sahara entre ses mains ? Un lot rare, que dis-je, introuvable dans d’autres lieux ! Vingt-cinq, une fois…Trente ? Trente dollars ! Trrente dollars ! Une fois, deux fois… adjugé ! Bravo Monsieur !

Délesté de trente dollars mais enserrant contre son coeur le succédané de la chevelure de son Elisa, Armin se sent pousser des ailes. Oubliés le costume défraîchi, le caractère de cochon de sa belle, son énième scène de ménage, ses menaces incessantes, son départ définitif vers les U.S.A. Dans le ciel flamboyant de Québec, le rouge et le noir s’épousent tendrement.

Demain, demain seulement, Armin ressentira le coup de poing donné par sa désillusion. Demain, le dégrisement aura un goût amer.

Mathieu Erlin, retraité de la marine marchande, sourit en fourrant les trente dollars dans sa poche. A petits pas mesurés il retrouve l’arrière-boutique, échange ses babouches contre ses vieilles mules, dépose son turban sur une chaise et patiemment attend le prochain gogo qui l’aidera, lui aussi, à payer son loyer tout en se débarrassant des broutilles amassées au fil des ans.

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Pour Mil et une en juillet 2013 - clic

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Publié le 19 Février 2017

Maman ! Grâce à elle, j’ai découvert l’univers de la musique classique.

C’était son jardin, son refuge. Elle possédait quelques 33 tours… Oh ! Pas beaucoup mais ils tournaient en boucle les soirs où Papa était retenu à la cave par sa passion du modélisme.

Moi, dans le fauteuil, je lisais.

Elle, assise à la table, tricotait ou brodait.

Et tour à tour, Bach, Haendel, Mozart, Saint-Saëns ou Tchaïkovski nous enrobaient d’arpèges de velours.

Bonheur simple, simple bonheur.

Pour mes dix ans, elle m’emmena au grand théâtre où un quintette à cordes se produisait en concert. Pour cette sortie exceptionnelle elle m’avait confectionné une robe en fin drap bleu ciel et avait crocheté un grand châle ivoire à porter sur la simple robe noire qu’elle revêtait aux grandes occasions.

Juchées tout là-haut dans le poulailler, nous avions une vue d’ensemble de la bonbonnière et si les musiciens nous paraissaient bien petits, la musique, somptueuse, atteignait sans peine notre perchoir.

Je me souviens du visage heureux de Maman ce soir là ! Doucement, elle avait pris ma main et l’avait portée à sa joue.

Pourquoi cette osmose s’était-elle évaporée au fil du temps ?

L’adolescence et ses besoins impérieux m’avaient fait préférer d’autres musiques, d’autres lieux de rencontre ; la vie d’adulte, vertigineuse et urgente, me tenait éloignée de ma ville natale et de Maman, veuve à soixante ans.

"La vie est un morceau de musique. Vis ta partition" me disait-elle.

 

Ce matin, j’ai enregistré ses morceaux préférés et dans sa chambre je les lui ai fait écouter, sa main serrée dans la mienne.

L’osmose était-elle au rendez-vous, la musique l’a t-elle aidée à tracer sa barre de fin ?

 

Du fond de mon brouillard, j’ai besoin d’y croire…

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Peinture de Raoul Dufy - clic  --  Pour Mil et une en octobre 2011

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Publié le 12 Février 2017

Mémé Kiki est vieille mais vi-ei-lle, comme… comme Matu Zalem, c’est Pépé DD qui me l’a dit et Pépé DD sait ce qu’il dit vu qu’il est vieux lui aussi encore plus vieux que Papy, son fils, le père de mon Papa.

Pas facile de s’y retrouver dans ma famille alors Maman a tracé une ligne perpendiculaire, enfin j'crois, avec des noms et des photos de bas en haut. Elle dit que c’est un arbre gynéa-logique. Pépé DD et Mémé Kiki ce sont les racines et moi, je me trouve à la cime.

Gare aux grands vents, a dit Pépé DD, si haut perché tu risques d’être secoué comme pendant une tempête en mer. Pépé DD, c’est un ancien matelot d’eau douce. Avec sa barque il n’a jamais navigué plus loin que le début de l’estuaire mais il veut me faire croire qu’il allait à la pêche aux requins. Je fais semblant de gober ses fables, histoire de respect pour sa qualité d’aïeul.

Mémé Kiki aussi je la respecte même si elle me fait marrer avec ses cheveux rouges qui rebiquent comme les piques d’un hérisson.

                  - Kiki, tu es superbe, vieille mais superbe, lance Pépé DD quand Papy la ramène de                       chez le coiffeur.

Papy fait la grimace et soupire, je crois qu’il a un peu honte des fantaisies de ses parents. Faut dire que Pépé DD est barbu et sa barbe tressée est à elle seule toute une histoire. En douce, j’ai parfois entendu des réflexions dans la famille. Certains prétendent que Mémé Kiki lui a imposé de ne jamais la couper, c’est comme un gage en repentir de l’avoir trompée jadis. D’autres affirment qu’elle cache une mystérieuse cicatrice, souvenir d’une rixe avec un rival.

J’ai dit à mon aïeul que je voudrais connaître son copain Matu Zalem, celui qui est aussi vieux que Mémé Kiki mais il a roulé de gros yeux signe qu’il est contrarié. Il est peut-être jaloux de ce Matu Zalem ? Est-ce lui son concurrent ?

Quand j’ai posé la question à Mémé Kiki, elle a souri de toutes ses rides et m’a dit : Ah ! L’amour, mon petit Arthur ! Il n’y a rien de tel !

J’espère le rencontrer un jour, ce fameux amour, et ajouter des branches à notre arbre gynéa-logique. Peut-être, plus tard, me transformerais-je à mon tour en racine… ?

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Pour Mil et une - semaine 23/2016

Logorallye sur une image originale de P. Levaillant - clic

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Publié le 8 Février 2017

…quarante huit heures de permission, pas une minute de plus sinon c’était la corvée balayage de la cour de la caserne. Le temps m’était compté et le rendez-vous que j’avais donné à Shirley mon seul point de mire. Daddy était venu me cueillir à la gare, Mumm avait repassé ma chemise rouge et mon jean. Adieu uniforme qui gratte, vive la liberté !

 

…j’allais enfin retrouver Bob. Que c’était long six semaines sans le voir et tant pis si Al, mon patron, me lançait des regards mécontents ; mon service au snack se terminait à dix-huit heures trente, pas question de prester une demi-seconde de plus. J’ai couru dans ma chambre en me débarrassant au plus vite de ma tenue de travail. Quelle robe allais-je enfiler ? Celle à volants que Bob aimant tant, ou la rouge ? Celle à fleurs ? J’ai fouillé fébrilement le tiroir pour trouver une paire de bas sans accroc.

- Shirley, ma fille, tu aurais pu préparer tout cela hier soir, m’a dit ma mère.

- Mmm, ai-je répondu la bouche remplie d’épingles à chignon.

 

- A table, a lancé Mum en passant la tête dans ma chambre.

- Pas faim, pas le temps !

Soupirs de Mum.

- T’as vu ta maigreur, heureusement que tu portes une ceinture à ton pantalon…

- Tracasse pas, Mum, je mangerai en ville.

Re-soupirs.

- On te verra d’ici ton départ ?

 

…où allait-il m’emmener ? Au ciné ? Chez le Chinois ? Au bal chez Billie ? Surprise !

- Tu me prêtes ta veste blanche ?

Kat, ma sœur, a râlé pour la forme quand j’ai ouvert sa garde-robe. Normal, je l’avais surprise avec mon pull jaune pas plus tard que la veille…

 

…ne pas oublier mon harmonica, mon foulard rouge… Shirley, ma belle, me voilà ! Zut une mèche rebelle ! Vite la gomina !

 

…qu’il est beau en uniforme sur la photo ! Mais c’est pas pratique pour aller danser… Dadidoudidadidouda… mes jambes frétillaient d’impatience.

Quand la sonnette a tinté, Kat s’est empressée d’aller ouvrir.

- Pas touche à mon Bob, j’ai crié.

- Pas de risque, a t-elle claironné.

 

Quand j’ai sonné à la porte de Shirley j’ai eu droit au regard hautain de sa sœur. L’était jalouse à coup sûr.

 

Nous avons dansé le rock et des slows toute la soirée. L’orchestre "The Kings" était au top. Les copains zieutaient Shirley, mignonne à croquer dans sa robe à volants…

…Bob n’a pas résisté à monter sur scène et à accompagner "The Kings" avec son harmonica. Toutes les filles m’enviaient ! …

…L’histoire s’est corsée quand nous avons décidé de rentrer. Dehors, c’était le déluge. Nous avons couru dans les rues, trempés jusqu’aux os….

…Je tremblais de froid alors Bob m’a guidée vers le kiosque du parc. Bien serrés l’un contre l’autre, nous avons attendu la fin de l’averse et…

…Et ce qui devait arriver arriva… tout comme ta mère neuf mois plus tard !

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- Alors Granny, toi aussi tu as été une "maman surprise" à vingt ans ? Et toi Grandpa un jeune papa encore soldat ?

Granny a souri et a répondu - je serai heureuse de garder de temps en temps ton petit bout de chou.

Grandpa, lui, a sorti de sa poche son harmonica. Quand il est ému et que les mots s’emmêlent dans sa tête, les notes sont toujours ses alliées.

Norman, mon amour, m’a fait un clin d’œil et dans son berceau, Emily a soupiré d’aise…

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Pour Mil et une en mars 2013  -  peinture de Norman Rockwell

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Publié le 1 Février 2017

Elles sont coquettes, les filles du menuisier ! (ici sans l'aînée)

L’exclamation spontanée recèle une pointe d’envie, de jalousie non avouées, mais les quatre filles du menuisier n’en ont cure. Toujours élégantes, elles ont la satisfaction d’étrenner une nouvelle jupe, un chemisier pimpant, un col en dentelle ou une écharpe et des gants bicolores…

En ces années de guerre dénicher un coupon de tissu ou quelques pelotes de laine à un prix abordable est pourtant difficile… Mathieu, leur père, n’est pas bien riche… Certes, Julia, l’aînée, est mariée à présent mais voilà ses deux petits qui grandissent si vite tout aussi mignons et bien vêtus… comment font-elles pour être si joliment présentables se demandent les bonnes gens ?

Maria, leur mère, sourit aux réflexions que l’un ou l’autre lui rapporte. Malgré les privations endurées en cette terrible période de conflit, elle est heureuse de ressentir chez ses filles l’élan de la jeunesse qui ne se laisse pas abattre et croit en la vie. Ne pas se négliger n’est-ce pas résister ? Alors, attablée à sa machine à coudre, Maria aux doigts d’or coud !

Dans le tissu retourné d’un vieux pardessus élimé de son époux, elle taille une jupe droite pour Betty, la plus jeune. Une robe brune confectionnée à partir d’anciennes tentures se voit agrémentée d’un jabot blanc amovible - un voilage déchiré et récupéré - ou d’un col orange et d’une ceinture assortie tirés d’une robe de la grand-mère paternelle. Ainsi, Anna, la troisième, a deux tenues au choix…

Les anciens pulls se détricotent, la laine lavée et séchée est boulée en pelotes et reprend vie. Au gré des aiguilles et de la fantaisie de l’une ou de l’autre, les coloris se côtoient, les motifs originaux apparaissent…

Quand les risques de bombardements se font plus intenses, que les habitants du hameau trouvent abri dans la grotte au flanc de la colline, Maria se refuse à quitter la maison et malgré le couvre-feu continue ses travaux d’aiguille.

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Les américains sont là ! Les américains sont là !

La nouvelle se répand à la vitesse de l’éclair. Un hôpital militaire est dressé dans une prairie en bord de route. En ce pays, entre Meuse et Rhin, des combats sanglants se poursuivent, au loin,  aux abords d’Aix-la-Chapelle… clic - clic

Chez le menuisier, les boys passent parfois la soirée et racontent leur quotidien, là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique.

Le petit Jo, traduit par Betty, évoque les immenses étendues broutées par des troupeaux importants. Maria, la mère, s’étonne et plaint les fermiers qui doivent traire autant de vaches par jour.

Rires !

Comment imaginer cette vie démesurée !

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- Maman, regarde ce que je ramène !

Aidée par le petit Jo, Eva, la deuxième fille, présente à sa mère un rouleau immense d’un tissu, blanc sur l’endroit et brun sur l’envers, qu’elle a pu obtenir au stock américain.

Maria le soupèse, le caresse, lui trouve belle allure et bon maintien.

- Il doit être imperméable. Avec un tel métrage, j’ai de quoi confectionner une gabardine pour chacune.

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- Elles sont coquettes, les filles du menuisier !

Oui, elles étaient coquettes, ma grand-mère, ma mère et mes tantes. Et même si il s’avéra que le tissu bicolore était réservé à l’inhumation des soldats allemands abattus  par l’armée américaine, la jeunesse et sa foi dans la vie avaient été les plus fortes.

Il se raconte que la robe de mariée d’Eva, ma maman, a été conçue au départ d’un tissu de parachute américain.

Est-ce vrai ou n’est-ce que légende ?

Betty, ma tante, nous aiguille vers la légende…

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 Pour Mil et une - clic - semaine 16/2016 d'après un tableau de Vicente Romero Redondo - clic

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Publié le 29 Janvier 2017

Aujourd’hui, elle a pris le train en direction de Liège afin d’assouvir un de ses dadas.

Oh, ce n’est pas qu’elle soit incollable en art ou en histoire mais, oui, elle aime visiter une belle exposition ou assister à une conférence intéressante. Comment rater ce rendez-vous réunissant ces beaux sujets qui la font vibrer ?

 

L’élégante passerelle franchissant la Meuse l’a conduite de son unique pas dans le parc de la Boverie inondé de soleil. Mariniers bossant à bord de leur péniche en ce dimanche matin, joggeuses papotant tout en courant, toutous sortant leur maître, photographe amateur, enfants sautillant autour de l’immense volière ou petits groupes se dirigeant comme elle vers le musée ont retenu son attention.

 

21, rue de la Boétie… le seul intitulé de l’exposition la fait rêver.

 

La foule se pressant dans les salles et s’agglutinant en diverses grappes autour d’un guide la déçoit un peu mais bien vite son enthousiasme reprend le dessus et elle se plonge dans le parcours de Paul Rosenberg, marchand d’art dans le courant du XX siècle, découvreur de talents et ami de ceux qui allaient devenir de grands peintres reconnus : Picasso, Braque, Matisse, Léger, Marie Laurencin, Degas, etc…

 

Hélas, les nazis avec leur vision de l’art moderne qu’ils jugeaient dégénéré spolieront sa maison-galerie située 21, rue de la Boétie à Paris.

New-York, terre de refuge, verra se perpétuer son amour pour l’art…

 

Tout en voguant d’un thème à l’autre, elle s’immerge dans les tableaux connus ou moins connus mais aux caractéristiques particulières à chaque artiste.

 

Et dire qu’un tel ou une telle a été au plus près de cette toile… ici, un peu de bleu, là, une retouche pour accentuer un détail… Ces artistes avaient-ils des doutes ? Qui espéraient-ils toucher ? Se doutaient-ils que leurs œuvres seraient exposées dans les plus grands musées de par le monde, qu’elles atteindraient des valeurs inouïes ?

 

Par les larges fenêtres la nature est réapparue soudain.

N’avait-elle pas autour d’elle le plus fabuleux des tableaux ?

Ceux, suspendus dans ce lieu pour quelques jours encore, retourneront bientôt chez les collectionneurs ou dans les musées qui ont accepté de les prêter pour l’occasion mais les arbres, le ciel bleu ou parsemé de nuages, le ruisseau gargouillant, le coq lançant son cocorico seront toujours à sa portée et son plus beau cadeau.

 

Heureuse, elle a repris le chemin du retour et a replongé dans la réalité quotidienne.

 

Non, lui a confié un SDF rencontré dans la gare, ce n’est pas le froid le plus pénible mais bien le nouveau règlement qui ne nous permet de dormir qu’en position assise !

 

En camaïeu de gris fut coloré le tableau final…

 

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liens : clic - clic - clic

dès le 02 mars, l'expo aura lieu au musée Maillol 59-61 rue de Grenelle 75007 Paris - clic

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Publié le 24 Janvier 2017

Il m'est amusant et intéressant de relire après quelques temps l'une ou l'autre de mes petites peintures avec mes mots. Ici et là, je découvre mes petites manies ou travers.

Aujourd'hui ce sujet  m'inspirerait-il cet univers ? Serais-je plus brève ou parlerais-je à la première personne ? Quelques questions me traversent l'esprit mais mes petites peintures vivent leur petite vie et je n'y fais pas de retouche.

Le texte ci-dessous, inédit sur ce blog et écrit pour Mil et une, date de mars 2013. Près de quatre ans déjà !

      Gisel est rentrée à dix-huit heures le cœur au bord des lèvres. C’est à peine si elle a pu lancer un « buenas tardes » à l’adresse des joueurs de dominos attablés à même le trottoir. Rodolfo, son père, comme toujours entièrement accaparé par une discussion sans fin, ne s’est pas aperçu de son retour. Romario et son cousin Silvio ont vaguement répondu d’un « saludo » distrait. Seul Angel, le quatrième joueur, a détourné la tête du jeu et l’a transpercée de son regard de braise.
 
Angel… Angel son amoureux depuis l’enfance… Angel qui a réussi de brillantes études et qui, faute de mieux, se contente de petits jobs précaires. L’aime t-elle encore ? Elle en doute.
 
Cuisine, routine.
 
Non !
 
Nauséeuse, Gisel abandonne les casseroles et va s’étendre dans le salon. Au dehors, les voix se mélangent, irritée pour l’un, moqueuse pour un autre. Le tac-tac cadencé des dominos frappés contre leur support rythme la partie, âpre comme toutes les parties. Qui va emporter la donne en finale ?
 
Gisel a mal au cœur, au ventre. Elle n’en peut plus de faire semblant… Comment dire à son père son vécu ? Depuis le départ de sa femme, Rodolfo la considère comme sa bonniche plus que comme sa fille. Où est sa mère à présent ? Pourquoi les a-t-elle abandonnés ?
 
Tac-tac font les plaquettes…
 
Clic-clac faisaient les instruments du docteur Garcia le matin à la clinica.
 
Gisel se revoit à l’arrêt du bus. Pas celui habituel pour l’usine à cigares, celui pour la petite ville voisine.
 
10 heures, clinica, service obstétrique – IVG prévue à 10h30’
 
Tac-tac… clic-clac
 
Gisel les yeux fermés envoie Miguel, le contremaître, au diable. Pourquoi l’a t-il violée ce barbare ? Pourquoi devoir subir ces tourments par sa faute à lui qui se gausse de ses conquêtes forcées ?
 
La voix de Rodolfo se fait plus vive, le rhum qu’il consomme entre chaque partie de dominos le rend peu à peu agressif. Pourtant, il était si doux naguère…
 
Tac-tac… Gisel reforme en pensée un joli serpent aux points noirs, lentement il zigzague sur la table de la cuisine au gré de sa fantaisie et Rodolfo, son père, la regarde faire en souriant puis sagement elle range les dominos dans la boîte, Maman doit dresser la table…
 
Tac-tac… Gisel est fatiguée… dormir… Maman ? demain Gisel s’enfuira à La Havane… dessiner, peindre, danser, rire… la vie sera belle… Maman ? si fatiguée…dormir…le serpent aux points noirs…
 
Rodolfo d’un cri de plaisir victorieux clôture le jeu en empochant la mise. C’est l’heure du repas et il a faim. Pourquoi sa fille ne l’appelle t-elle pas comme d’habitude ?
 
Mam… ?
 
Une mare de sang tâche la robe de Gisel et le tissu du divan.
 
La jeune femme git livide comme la mort qui insidieusement l’a saisie.
 
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                                    source image - clic - pour Mil et une en 2013 - clic

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Publié le 20 Janvier 2017

Aujourd'hui, elle (08)...renoue avec son blog.

Aujourd’hui elle renoue avec son blog et comme après un voyage long de plusieurs mois il lui faut retrouver ses marques. Tout d’abord elle ouvre en grand les fenêtres pour aérer, jette un regard à la ronde et s’exclame : tiens le papier peint est de ce ton, je ne m’en souvenais plus ! Mumm…il est un peu défraîchi !

Ce n’est pas encore le printemps mais une certaine fébrilité la saisit – et si je renouvelais mon décor ? J’y ferais entrer la nature, l’espace, le vent frais…

Sur ce mur, je verrais bien le tableau bleu que j’ai écrit en voyage (et oui, elle est un peu bizarre, elle peint avec ses mots mais chutttt, faites comme si de rien n’était, laissez-la rêver) et là, cette aquarelle toute mimi qui me tient tant à cœur…

Elle chantonne, c’est un vieux truc à elle, une manie tellement ancrée dans ses racines qu’elle se sent musique. Quand les paroles sont d’une langue étrangère pardonnez-lui le massacre et riez sous une vaste cape pour ne pas la vexer. A sa décharge sachez que la fée Poly Glotte était enrhumée le jour de sa naissance. En juillet ? direz-vous. Oui, en juillet le rhume peut sévir même par temps de canicule comme ce fut le cas.

Elle chantonne, s’active, réfléchit : ceci ou cela, à gauche ou à droite, en haut ou en bas et ainsi de suite…

Grand Sachem à ses côtés ne dit mot mais observe cette soudaine activité d’un œil de lynx. Peut-être voudrait-il lui aussi tapoter le clavier et se plonger dans le virtuel ?

Le temps passe, la fatigue s’installe, prend ses aises.

Stop ! Il faut en garder un peu pour demain et puis la nuit porte conseil. Sages paroles s’il en est.

Le blog sent la peinture - écolo la peinture, cela va de soi – il faudra encore soigner ce coin ci, cette encoignure là mais le monde ne s’est pas fait en un jour n’est-ce pas !

Aujourd’hui est aujourd’hui et demain sera un autre jour…

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Publié le 12 Mai 2015

Une dissertation sur un personnage illustre ?

Bah ! L’idée allait venir, elle allait trouver…

Son père la voyant feuilleter de vieux magazines lui avait tendu le tout nouvel exemplaire du "Patriote Illustré" en disant : - tu pourrais y découvrir ce que tu cherches.

Un article sur Victor Hugo l’avait interpellée aussitôt et la phrase qu’elle avait eu l’occasion de lire maintes fois sur le monument aux morts lors des commémorations de l’Armistice avait ressurgi de sa mémoire : - Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie -

Victor Hugo ? Oui, pourquoi ne pas choisir de parler de ce grand écrivain ?

Cosette, Jean Valjean, Esméralda, Notre Dame de Paris… n’avaient plus de secret pour la bonne lectrice qu’elle était malgré son jeune âge, tandis que l’article détaillait la vie du grand auteur… en combinant tout cela elle allait pouvoir rédiger un texte sur une ou deux pages pour le cours de français.

Sais-tu ce que Victor Hugo disait de notre vallée ? avait demandé son père qui, sans attendre de réponse, avait poursuivi : C’est la plus ravissante vallée qu’il y ait au monde, en été, par beau jour, avec le ciel bleu, c’est quelquefois un ravin, souvent un jardin, toujours un paradis. (clic)

Paradis, paradis ! Il y allait fort ce monsieur Hugo ! Pour l’heure, il lui fallait travailler dans ce paradis si elle voulait avoir une bonne note.

Où trouver quelques illustrations pour agrémenter sa dissertation ? Un encart avait attiré son attention, il concernait un musée consacré à l’écrivain et situé à Paris, Place des Vosges, dans un immeuble où, jadis, Victor Hugo avait occupé un appartement. Paris ! Une fois de plus elle s’était mise à rêver…

Un jour, elle se le promettait elle visiterait la capitale française…

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La dissertation avait intéressé ses condisciples et le professeur l’avait félicitée d’avoir pris la plume pour contacter la direction du musée. Si les quelques feuillets envoyés en retour n’avaient pas vraiment répondu à son attente naïve, la lettre manuscrite qui les accompagnait et signée par la conservatrice en personne lui semblait un sésame précieux puisque cette dame la conviait à visiter le musée et à signaler son passage.

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Bien qu’elle se soit rendue à deux reprises dans le Marais, elle n’avait jamais foulé le sol de la Place des Vosges.

Peut-être, cinquante ans après cette invitation, serait-il temps d’y songer ?

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Publié le 9 Mai 2015

Sophie Calle - clic

Où pourriez-vous m’emmener ?

A deux enjambées d’ici ou là-bas, loin, si loin ?

Sous quelle latitude voguerions-nous toutes voiles dehors ?

Vers le ponant ou le couchant ?

 

Où pourriez-vous m’emmener ?

Cette destination vous semblerait-elle familière ou redécouverte ?

Vous ravirait-elle, serait-elle à votre aune source de bien-être ?

Ou à son évocation ressurgirait-il des tréfonds de votre mémoire une angoisse larvée ?

 

Où pourriez-vous m’emmener ?

Franchirions-nous des montagnes inhospitalières, des fleuves impétueux ou une paisible plaine ?

Chaleur suffocante, blizzard, météo clémente ? Quel serait le climat ?

Prévoiriez-vous quelques haltes, temps de repos ou d’introspection ?

 

Où pourriez-vous m’emmener ?

Je souhaiterais tellement découvrir avec vous ce lieu magique que fut votre enfance et, pour vous aimer plus encore, m’y imprégner de l’essence même de votre être.

En toute complicité voudriez-vous m’y mener ?

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Pour Mil et une - clic

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Publié le 8 Février 2015

Certains annonçaient un fiasco, d’autres se moquaient de ce qui était à leurs yeux une nouvelle fantaisie d’hurluberlus jamais en manque d’idées saugrenues.
- Pertes et malheurs en vue, prédisaient les pessimistes.
- Attendons-nous à des retombées miraculeuses, claironnaient les enthousiastes.
Edgard observait toute cette agitation avec sa curiosité habituelle de journaliste. Clara, son épouse, et lui étaient bien résolus à profiter des nouveautés et du spectacle offerts par l’exposition universelle et sous aucun prétexte ils ne les auraient ratés.

D’humeur joyeuse, la jeune femme avait épinglé une rose dans ses cheveux et, prévoyante, avait recouvert ses épaules d’une fine écharpe assortie, cadeau de sa mère chez qui elle venait de séjourner quelques jours à Lyon. Edgard, rasé de frais par le barbier de la rue Lepic, la rejoignit bientôt. Le temps était agréable, dans une heure ils déambuleraient au Champ-de-Mars aux côtés du directeur du journal, de son équipe et des membres de leur famille respective. Ensuite, une promenade sur les tout nouveaux bateaux-mouches était prévue au programme.

En enfilant ses chaussures, Clara fut prise d’un étourdissement et un violent mal de tête la saisit au point qu’elle dut s’allonger sur le petit sofa. Inquiet et prévenant, Edgard se pencha sur elle, l’enlaça et tendrement l’embrassa.

- Va, lui souffla-elle en enroulant son bras droit derrière sa tête et en caressant comme elle aimait le faire ses épais cheveux de jais.

- Tu es fiévreuse, dit-il en l’embrassant encore.

- Va ! Tu me raconteras…

A regret, Edgard la serra encore contre son cœur et lui donna un dernier baiser sur ses lèvres à présent desséchées.

- Promis, mon cœur, nous y retournerons, toi et moi, en amoureux !

- Ne t’inquiète pas, j’ai pris froid durant ce fatiguant voyage de retour de chez Maman. Je vais dormir un peu.

En traversant la ville sans cesse en métamorphose Edgard songea à leur rencontre, l’année précédente. L’attrait de la nouveauté et des arts sous toutes leurs formes, la foule cosmopolite qui fourmillait dans Paris en pleine ébullition avaient réuni leurs deux esprits ouverts au monde et doucement l’amour les avait surpris…

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Vingt-deux heures sonnèrent dans le lointain lorsqu'Edgard retraversa la Seine. Que d’anecdotes il avait à raconter à son épouse… les gens curieux ou incrédules, les "oh !" admiratifs, les odeurs nouvelles, la peur de certains, l’attente fébrile des autres et toutes ces races qui se mêlaient, fières de leurs particularités… Quel dommage que Clara ne fut pas à ses côtés pour vivre en famille cette journée exaltante ! Mais ce n’était que partie remise et c’est main dans la main qu’ils renouvèleraient la visite de l’expo.

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Clara accablée de fièvre et le corps couvert de vésicules puis de pustules lutta en vain durant dix jours contre le virus de la variole. Edgard, qui l’avait retrouvée délirant ne la quitta pas d’une seconde malgré la défiguration effrayante et le risque de contagion. Jusqu’au dernier souffle de Clara il lui parla de l’avenir ensoleillé qui les attendait, de cet enfant qui émerveillerait leurs jours, des voyages lointains au cours desquels ils découvriraient le monde…

De ce jour, Edgard ne connut plus jamais de baiser.

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Le baiser - Carolus Duran - clic

Pour Mil et une, en novembre 2012 - clic

Expo universelle de 1867 - clic

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Publié le 5 Février 2015

Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves.

Seules les traces font rêver.

La parole en archipel – René Char


Deux heures de hors-piste. Mathy ressent la fatigue de l’effort. Les raquettes qui le maintiennent à la surface de la couche neigeuse semblent faire partie de son corps ; les bâtons prolongent ses mains, cadencent son équilibre.
Il ne faut pas renoncer. Jamais.
L’instinct de chasseur est le plus fort.
Chasseur ? Pas vraiment… Pour lui, tuer n’est pas la finalité de la traque. Débusquer, acculer, voir les volutes d’haleine haletante voilà qui le comble.
Qui de l’animal ou du chasseur se joue de l’autre ?
Animal ? Rien n’est moins sûr.
Qui, que, Mathy poursuit-il ?
Les traces sont larges, inconnues. Espacées aussi.
Furtivement, au travers des sapins, il aperçoit la ramure d’un élan et il s’en étonne. Serait-ce cette bête mythique que nul n’a jamais pu approcher ?
L’animal est vif et bondissant, déjà il disparaît dans un creux. Pas question de faire une pause, la proie impose son rythme.
L’homme s’épuise, néglige la vigilance impérative dans cet environnement hostile.
Quand son corps glisse longuement dans une faille Mathy perd la notion du temps.

Ses muscles sont endoloris, la faim le tenaille. Les raquettes et les bâtons brisés sont dispersés il ne sait où.
Saura-t-il se sortir de cette impasse ?
Lentement il rampe sur la glace, avance, glisse et recule. Il recommence encore et encore. Le jour décline soudain. Du moins le croit-il.
Quand sa main gauche est happée par une patte il lève les yeux, ébahi d’admiration. Ainsi elle existe bel et bien cette bête extraordinaire ! Mi-marsupial, mi-cervidé, du fond de quel âge surgit-elle ?
A présent le chasseur se sent proie. Enserré contre le ventre de l’animal que va-t-il advenir de lui ?
En quelques bonds prodigieux, le duo regagne le plateau éclairé. Quelle heure peut-il être ? Qui se soucie de son absence ? Les questions, sans réponse, se bousculent.

Mathy est déposé les deux pieds à nouveau dans la neige. Tout en le maintenant encore contre lui l’animal plonge son regard dans le sien. Longuement. Intelligemment. Un pacte secret semble les lier à jamais.

De retour au village, tous vont le traiter de fada, d’affabulateur, de doux rêveur mais lui se sait poète.
Seules les traces de l’animal l’ont fait rêver.

Seules ?

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