Publié le 31 Janvier 2013

Wrestling_pictogram_svg.png                         Si elle pense m’impressionner avec sa voix rauque et son port de grosse brute, elle peut aller se rhabiller la Costaude des Epinettes, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va faire la loi. Du tranchant de la main, elle m’assène un coup derrière l’oreille et prestement se retourne, la jambe droite dressée mettant en valeur une jolie botte en cuir rouge. Furieux, je prends mon essor, la bascule sur le sol et l’empêche de se mouvoir. Yeux dans les yeux, nous nous défions et je ne peux m’empêcher de siffloter un petit air à l’accent ironique. L’effet est nul, elle s’enferre dans sa certitude d’être la plus forte et avec une rapidité de tigresse plante ses jolies dents blanches dans mon avant-bras. Sous l’effet de la douleur je relâche mon étreinte et me retrouve plaqué à mon tour sur le dos. Pas le temps de me morfondre, je veux gagner le combat et d’une rotation avisée je me retrouve sur les genoux. Nous nous agrippons par les épaules et nous tentons de nous relever sans lâcher prise ; une crampe malencontreuse dans le mollet gauche me dessert en faveur de la Costaude des Epinettes  qui rugit de sentir son triomphe à portée de main. En rage, je l’imagine déjà faire la relation de ses exploits à ses amies et cette idée insupportable me fait oublier la douleur. J’opère alors un déboulonnage en règle en la faisant tourner comme une toupie. Ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle va obtenir des faveurs dérogatoires, elle veut se battre et elle assume très bien, trop bien même à mon goût.
D’un "sus au dragon vert " elle retrouve l’équilibre et me tord le bras avec force tout en enfonçant traîtreusement ses ongles dans ma chair juste au moment où Maman me permet de sauver la face en mettant fin au combat d’un "Qui va à la boulangerie ? "
 
- Pas moi ! lance la Costaude et elle énumère les raisons de son refus : premièrement, deuxièmement… sixièmement..
 
Je ne l’écoute pas, elle a toujours les arguments adéquats. M’en fiche, avant de rentrer je passerai chez le confiseur histoire de remplir mes poches de friandises. Elles sont bêtes les quilles à la vanille ! Costaude des Epinettes et puis quoi encore ?
C’est Moi le plus fort !
 
 
 

Voir les commentaires

Publié le 26 Janvier 2013

 

Pour miletune (clic)

  

Je n’en crois pas mes oreilles !

Hier nous avons enfin emménagé tous les deux dans notre petit nid. Il m’a même prise au creux de ses bras pour franchir le seuil, comme pour faire la nique à tous ces clichés sur le mariage.

Hier, il était amoureux, prévenant, drôle, heureux de se blottir contre moi.

 

Non, je n’en crois pas mes oreilles !

J’espérais une trêve, une lune de miel, une grasse matinée calîne, un petit-déjeuner en amoureux, une promenade main dans la main…

 

Cinq heures du matin et il est déjà debout.

Je l’entends qui monte et descend l’escalier métallique les bras chargés de caisses. Le virus a tôt fait de le rattraper…

 

M’en fiche, m’en contrefiche ! Me blottir sous la couette, boucher mes oreilles, l’ignorer.

 

Pourquoi, mais pourquoi suis-je tombée amoureuse d’un brocanteur du dimanche ?

 

!cid 3BEB933268E946C79C781AB9037DCCD6@AdminPC 

 Source Photo (clic)

Voir les commentaires

Publié le 22 Janvier 2013

 
              
       Un matin de plus Séki se réveille en sueur, le teint blême et la nausée au bord des lèvres. Ses yeux à peine ouverts les questions fusent : " Maudit rêve que me veux-tu ? Quand cesseront les tourments dans lesquels tu me plonges depuis de nombreuses nuits ? Pourquoi t’en prends-tu à moi, je ne suis qu’une jeune fille seule et sans histoire "
Séki se lève, se penche à la fenêtre et respire profondément l’air frais de la vallée mais toujours les mêmes images la taraudent. A qui en parler ? Certes le château du Roi grouille de vie, chaque tour et tourelle abritent quantité de personnes, cela n’empêche Séki de se sentir bien isolée et désarmée. Comment décrire à tous ces gens pressés et indifférents le songe dans lequel lui apparaît une étrange femme accoutrée de manière singulière et coiffée d’un chapeau pour le moins extravagant ? Et les mots énigmatiques prononcés par sa bouche tombante, seule partie mobile de ce visage quasi momifié et marqué d’étranges signes, oui, ces mots " J’ai besoin de vous " comment les confier à quiconque ?  Ce n’est qu’un rêve, un mauvais rêve "
  
Séki se secoue, fait ses ablutions et déjà la fougue de sa jeunesse éloigne d’elle le malaise dû à son cauchemar récurrent. C’est que le travail ne manque pas aux archives du royaume délaissées depuis des lustres et des lustres et, chose rare en ces contrées, Séki élevée en province par des parents érudits sait parfaitement lire, écrire et parler en plusieurs langues. Choisie parmi cinq prétendants venus de tout le pays elle a été désignée voici trois lunes  "Archiviste des Édits Royaux, Livres et Autres Documents "
 
--------------------------------
 
Quand elle arrive dans la salle basse du donjon entièrement réservé à l’archivage, Séki est envahie de bonheur. Sentir l’odeur particulière du papier et des reliures en cuir crée en elle un émoi presque aussi fort que celui ressenti lorsque, par hasard, elle croise dans un couloir le jeune écuyer Akkmarr attaché au service du Roi.
En cette matinée, Séki, irrésistiblement attirée par un vieux coffre aux ferrures rouillées, décide de s’occuper des documents qui y sont entreposés. Il lui faut lire, répertorier, traduire parfois, puis ensuite classer chaque texte, dossier ou livre de manière scrupuleuse et soigneuse. La jeune fille apprécie ce travail de longue haleine et, plongée dans les manuscrits, elle oublie ses soucis. Le temps passe rapidement et Séki sursaute en entendant le son de la cloche invitant au repas.
 
"Déjà le milieu du jour ! " En se levant du tabouret recouvert de fourrure elle accroche par mégarde un gros livre vert qui chute lourdement sur le sol carrelé et s’ouvre sur une illustration. Surprise ! La dame qui hante ses nuits y figure à l’avant plan d’un château en tous points semblable à la demeure royale. Intriguée Séki ramasse le livre mais au moment où elle le repose sur la table son pouce droit touche la représentation de la femme qui à ce contact quitte subitement la page et flotte dans l’espace.
 
"Merci Damoiselle ! Me voilà enfin délivrée " La voix a exactement les mêmes intonations que celle des rêves de Séki qui reste coite de stupeur face à ce spectre inquiétant. En se dodelinant légèrement la dame poursuit son discours…
" Je me nomme Hallilas et voici trois siècles mon jeune époux Guron et moi-même habitions ce château. Tous deux au service du Roi et de la Reine nous connaissions le vrai bonheur. Hélas, il fut de courte durée. La Reine mariée contre son gré à un époux âgé et bougon s’épris de mon aimé. Elle manœuvra et louvoya avec tant d’adresse que mon cher Guron suivit aveuglement son sillage et me délaissa.
Point entièrement satisfaite de ce succès la Reine convoqua ses couturières et leur fit exécuter une horrible tenue qu’elle me força à enfiler sitôt terminée. J’en devins la risée de la cour, nulle moquerie ne me fut épargnée et Guron pris de remords d’avoir succombé aux charmes de sa souveraine se pendit à une haute poutre. La jalousie de la Reine à mon égard se mua alors en haine et, folle de douleur et de rage, elle me fit jeter un sort par un sorcier à sa solde. Depuis ce temps, je végète dans ce livre maudit mais par bonheur, Damoiselle, vous êtes survenue et peu à peu, si vous m’y aidez, je vais reprendre apparence humaine "
 
--------------------------------
 
Bouleversée Séki n’a pas perdu un seul mot de ce récit et son regard parcourt le visage livide de Hallilas. La proximité des deux femmes lui permet d’en observer avec attention les signes étranges. Étranges oui, mais pas étrangers à sa mémoire. Hormis dans ses rêves où, mais où, les a-t-elle déjà vus ?
Un silence pesant s’installe dans la pièce. En se balançant de plus belle le spectre semble attendre une question émanant de Séki. Mais la question tarde et Hallilas devient à chaque seconde qui passe plus translucide.
 
" Voulez-vous m’aider ? Je voudrais tellement revivre une vie normale et, qui sait, ressentir à nouveau le sentiment d’amour " La voix de Hallilas est faible, geignante quand elle parvient aux oreilles de Séki. Comment résister à une telle demande ?
" Que dois-je faire ? »"s’entend-t-elle clairement prononcer.
" Pour annuler le sort maléfique il suffit de me débarrasser de ma coiffe. Mes bras sont si faibles que seule je n’y puis parvenir "
 
Hallilas incline la tête dans un geste d’invite. Les bras de Séki se tendent, ses doigts touchent l’énorme chapeau et dans une fulgurance elle se souvient du vieux mage ami de ses parents, de son grimoire, des signes. Elle sait qui est cette femme au nom de Hallilas. Elle comprend que nul mensonge et turpitude n’ont effrayé cette redoutable Gardienne Des Secrets pour accomplir sa mission. Fidèle au serment tatoué à même sa peau elle veille à éloigner tout curieux des secrets et documents magiques.
 
Mais déjà au contact du tissu ensorcelé l’esprit de Séki s’évapore et son corps évanescent se dilue dans l’atmosphère. Déjà, la Gardienne Des Secrets réintègre le livre vert qui mystérieusement rejoint la malle. Tout se fige.
 
Silence ! La salle basse du donjon des archives a retrouvé sa quiétude.
 
 
 -------------------------------------------------------------------------

Voir les commentaires

Publié le 17 Janvier 2013

 

       Vous allez trouver mon geste puéril, mais moi, je peux vous assurer qu’il m’a fait un bien fou. C’était comme si je réussissais enfin à me libérer des liens tenus mais pervers qui me liaient à mon frère. Il faut dire que durant presque trente ans, Jean-Sébastien m’en avait fait baver jour après jour.

 

Depuis ma naissance ou peut-être même bien avant, quand j’étais dans le ventre de ma mère, j’ai ressenti son hostilité sournoise, latente, toujours prête à combattre pour qu’il puisse maintenir sa place de favori dans le coeur de nos parents. Lui l’aîné, l’Aiglon, celui qui porte les mêmes initiales que ses ancêtres mâles, celui qui perpétue le nom, s’est toujours conduit en héritier incontestable. Je l’ai de tous temps connu manipulateur, arriviste, prêt à n’importe quelle ruse pour attirer l’attention sur sa personne et me dénigrer, moi, l’artiste.

 

Quand nos parents ont péri ensemble dans un accident d’avion, c’est à peine s’il a montré un soupçon d’émotion, trop affairé et heureux de pouvoir prendre enfin la direction de l’entreprise familiale. Si je ne m’étais pas défendu bec et ongles, il m’aurait, sans un remord, spolié de ma part d’héritage avide qu’il est de puissance et de réussite. Dans ses nouvelles fonctions, il s’est d’ailleurs comporté plus que jamais en despote, à croire que sa devise est de diviser pour mieux régner. A partir de cette période j’ai espacé les contacts avec lui et je suis parti vivre dans une autre ville.

 

Depuis, pour accroître son pouvoir, il s’est lancé dans la politique et il n’est pas rare de l’entendre dans les médias tenir des discours mielleux. Alors, tout à l’heure à la gare, quand j’ai vu sa photo à la une d’un quotidien, je n’ai pas pu m’empêcher d’en acheter un exemplaire. Assis sur un banc, j’ai découvert son nouveau style : costume trois pièces, coupe de cheveux juste assez indisciplinée pour lui donner un petit air familier, lunettes branchées, il avait tout d’un homme affable et responsable. Mais c’est en lisant la légende sous la photo que le fou rire a déferlé en moi, irrépressible, foudroyant. Pensez donc, elle disait ceci : J.-S. C., le Pacifique, notre député toujours en action.

 

5751990081_2708a9678d.jpgLe Pacifique ! Et avec une majuscule en plus ! Lui, un pacifique, lui qui se complait dans la zizanie ? C’est vraiment n’importe quoi. Pourquoi pas le futur prix Nobel de la Paix tant qu’à faire ? Je l’imaginais fier comme un paon à la lecture de tels qualificatifs et rien que d’évoquer son sourire suffisant, celui avec lequel il me toisait lorsque nous étions enfants, je hoquetais de plaisir sous les regards des voyageurs intrigués par tant de bonne humeur. C’est à cet instant que j’ai accompli le geste libérateur, j’ai déchiré sa photo et je l’ai réduite en confettis que j’ai enfouis parmi les déchets dans la première poubelle venue.

 

Toujours en riant, mais enfin vengé de mes années de galère familiale, je suis monté dans le train qui venait d’entrer en gare et j’ai laissé le Pacifique derrière moi, là, sur le quai, juste en dessous d’un papier de bonbons.

 

 -----------------------------------------------------------

 

 

 

 

Voir les commentaires

Publié le 12 Janvier 2013

 Honore-Daumier.jpg
 
"L'avocat c'est quelqu'un qu'il faut voir avant pour éviter les ennuis après ! "
C’est ce que disait la pub émanant du barreau et, entrepreneur novice, j’avais suivi ce conseil judicieux.
 
Maître Robillard, jeune avocat spécialisé dans les affaires commerciales et internationales, m’avait reçu pour un premier rendez-vous. Son air ouvert et jovial avait confirmé mon choix : j’avais face à moi l’homme qui allait me permettre de louvoyer sans anicroches dans le monde des loups et des hyènes.
Peu à peu mon entreprise prenait de l’ampleur et le marché mondial s’ouvrait à mes ambitions.
Hong-Kong, Tokyo, New-York, Dubaï, Sydney… voyager devenait indispensable pour élargir mon panel de clients potentiels.
 
J’avoue que je prenais goût à cette vie. Souvent entre deux avions, deux rendez-vous ; toujours à la recherche de l’idée originale, du must des mois à venir, je pouvais compter sur la compétence de mon épouse Anne pour la gestion journalière de l’entreprise et sur Eric, maître Robillard, pour démêler les arcanes des lois internationales et établir des contrats avantageux.
 
Tout fonctionnait pour le mieux et ensemble nous prospérions. L’entreprise était une référence sur le marché au même titre que le cabinet de Maître Robillard qui s’était étoffé de quelques pointures du barreau. Mes costumes désormais de bon drap étaient bien coupés et la toge d’Eric n’était plus d’un noir douteux mâtiné de roux comme sa chevelure flamboyante qui le distinguait dans une assemblée. Et pourtant…
 
Et pourtant, je n’ai rien vu venir ! Rien, si ce n’est un adorable poupon copie conforme de mon avocat. Il me reste à régler un divorce à l’amiable en essayant de préserver au mieux ma société.
 
De cette mésaventure je retiens une leçon : malgré ce que dit la publicité, les loups se transforment parfois en pigeon !
 
Il me reste à trouver un bon avocat !
 
 

Voir les commentaires

Publié le 8 Janvier 2013

 
Recette Bio
 
Prenez :
- une dose de bonheur
- une pincée de labeur
- trois gouttes de sueur
- une once de candeur
 
 
mélangez vivement le tout dans un grand bol et ajoutez :
- une brassée d’amour
- des moments velours
- quelques appels au secours
- d’insupportables jours
 
 
lorsque la composition devient blanchâtre incorporez :
- des éclairs de joie
- des pertes de foi
- de curieux choix
- un chemin de croix
 
 
sans cesser de fouetter versez encore :
- des instants privilégiés
- un brin de naïveté
- des vœux comblés
- quelques soucis cachés
 
 
ensuite épicez avec :
- de folles histoires
- un gramme de cafard
- de petits retards
- des tonnes d’espoir
 
 
malaxez énergiquement tout en saupoudrant :
- une grande confiance
- beaucoup de patience
- un rien de négligence
- des périodes de vacance
 
 
avec délicatesse ajoutez enfin :
- des myriades de rires
- des nuits de plaisir
- de voluptueux soupirs
- des paniers garnis de désirs.
 
 
chauffez le tout légèrement
et après quelques instants
devant vos prunelles ébahies
apparaîtra en filigrane le mot
 
« VIE »
 
 

Voir les commentaires