Publié le 1 Février 2015

Dès le début de leur cohabitation ils décidèrent que leur maison serait ouverte à tous.
Rester cloitrés dans leur bulle sans rien offrir ne correspondait pas à leurs caractères sociables et cordiaux. Ainsi, amis, famille et, un à un, trois enfants furent accueillis dans la joie et la bonne humeur. Les rires éclatèrent au gré des jeux, chansons ou repas partagés en toute simplicité.
Etaient-ils heureux ?
Les mois, les années s’écoulèrent, nul ne se posa la question.

Un grain, un simple grain de sable enraya, un matin, les rouages bien huilés.

- Je pars, n’essaye pas de me retenir.

Il s’éloigna avec un maigre bagage. Etait-ce tout ce qu’il emportait de leur vie commune ? Où allait-il ? Avec qui ?

Pourquoi ?

                  Pourquoi ?...

                                        Pourquoi ?......

Les interrogations restèrent sans écho. Seul un vent triste s’engouffra par tous les interstices de son cœur de femme et sans cesse le lamina. Moins de rires, plus aucune chanson… Mal à l’aise, les amis se détournèrent, la famille se fit plus rare et les enfants s’éparpillèrent au gré de leur propre vie qu’ils entrevoyaient légère. Le jardin tourna en friche, les peintures s’écaillèrent, les portes et fenêtres gémirent, sinistres, et les grains de sable, abrasifs, s’accumulèrent insidieusement jusqu’à prendre toute la place.

Alors, dans un sursaut salutaire, elle prit conscience qu’elle était seul maître de sa destinée et sans un regret elle abandonna ce lieu devenu sinistre et partit à l’aventure bien décidée à faire de sa vie une belle vie.

Ecoutez bien ! L’entendez-vous chanter ?

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Publié le 27 Janvier 2015

Concerne : déclaration sinistre-incendie

Madame la Marquise,

un fâcheux incident dû au zèle d’un employé occupé à la déchiqueteuse à papier a fait disparaître la déclaration de sinistre-incendie que vous aviez adressée à notre compagnie d’assurances et nous en sommes sincèrement désolés.

Auriez-vous l’obligeance de nous fournir une copie de ce document ?

Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame la Marquise, à l'expression de nos sentiments distingués.


M. Alâdrois

Assurances Toutrisque

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Concerne : déclaration sinistre-incendie

Monsieur Maladroit,

dans le désarroi qui fut mien j’ai égaré la copie de ma déclaration de sinistre aussi vais-je tenter de la réitérer succinctement de mémoire.

    • Tout cela est dû à l’impétuosité de Max le chien de feu mon époux. Cet animal n’a jamais supporté la délicatesse de Mimine, ma chère chatte persane et quand celle-ci après sa sieste a voulu me rejoindre au jardin où, accompagnée de Firmin, notre jardinier, je cueillais des roses, il l’a poursuivie comme un malotru.

    • Mimine, apeurée, a tenté avec courage de semer son tortionnaire. Imaginez, Monsieur Maladroit, quelle fût sa terreur quand elle se faufila entre les artificiers s’activant à la préparation du son et lumière devant avoir lieu le soir même.

    • Il faut savoir en effet que malgré l’accident malencontreux et fatal dont fut victime mon époux au cours de la dernière saison de chasse je tenais à poursuivre la tradition annuelle d’ouvrir nos parc et jardins aux braves gens des alentours et à leur offrir un feu d’artifice…

    • Max, Monsieur Maladroit, est un chien imposant. Il bouscula un artificier qui s’apprêtait à faire un essai. Déséquilibré, le brave homme laissa s’échapper la mèche allumée qui chuta sur les explosifs. Il s’ensuivit des tirs impromptus qui nous surprirent Firmin et moi au point de nous faire accourir vers le château en abandonnant les gerbes de fleurs prévues pour agrémenter le décor.

    • Une fenêtre de mansarde était restée ouverte, celle où étaient entreposés des pagnes, vestiges de la collection africaine d’un aïeul de mon mari. Hélas, une étincelle en profita pour propager le feu à la paille de mil très sèche et de là à toute la bâtisse.

     • Les pompiers alertés connurent des ennuis de véhicule. Songez, Monsieur Maladroit, à ce qu’il advient de perdre la calandre et de crever deux pneus dans ces circonstances… Quand enfin ils sont parvenus au château l’incendie était impressionnant.

    • Hélas, trois fois hélas, la pression de la conduite d’eau n’étant pas suffisante sur notre colline les soldats du feu se virent contraints de puiser l’eau dans le grand bassin. Pour l’anecdote, le chauffeur en manœuvrant décapita la statue ancestrale qui le borde mais comme me l'a dit le capitaine, il y a toujours des dégâts collatéraux.

    • Notre splendide bassin fut vidé, les carpes en manque d’oxygène se débattirent en vain mais le sinistre put enfin être circonscrit.

    • Comme vous pourrez le constater au travers des deux photos que je joins à ce courrier ma demeure est désormais inhabitable et le domaine tout entier présente un aspect pitoyable et dévasté évoquant de sinistres souvenirs de guerre.

    • Mon seul bonheur est d’avoir retrouvé Mimine, ma douce chatte, saine et sauve et d’être hébergée chez Firmin, mon fidèle jardinier. C’est avec beaucoup d’impatience que j’espère de vos nouvelles pour enfin envisager l’avenir.

Bien à vous,

 

Cunégonde de la Déveine,

Marquise de la Guigne

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Publié le 28 Décembre 2014

Ligne 48, c’est celle qu’elle emprunte tous les mercredis. Départ chaque heure quinze de la Place d’Armes.

En faisant un signe de tête au chauffeur, qui en retour la salue ou l’ignore, elle introduit le billet dans le composteur puis tente de se faufiler vers une place libre. Parfois, elle patiente debout en tanguant d’une jambe sur l’autre pour garder l’équilibre mais aussitôt qu’elle le peut, elle s’assied, soulagée. Autour d’elle, les gens ont encore du sommeil plein le regard.

Celui-ci, assis à ses côtés, sa tablette sur les genoux, lit ses messages et y répond avec une dextérité qu’elle admire. Ces mots qui surgissent comme par magie du bout de doigts la laissent songeuse… doux, secs, brefs, amour ou désamour ?

Un pleur d’enfant lui fait tourner la tête vers une jeune femme penchée sur une poussette. Une berceuse discrète tente en vain de calmer le petit. Certains soupirent, dérangés dans leurs derniers moments de pseudo repos de la matinée. Elle, elle sourit à la mère et agite les mains pour attirer l’attention du bébé…ainsi font, font, font les petites marionnettes…

Le véhicule stoppe brusquement et elle est projetée en avant. Finies les marionnettes, l’enfant et sa mère descendent du bus, aidés par un ado mâchant un chewing-gum d’une bouche goulue et indiscrète.

Arrêt après arrêt, l’environnement se modifie, la ville fait peu à peu place à la banlieue puis à une zone d’activité industrielle. Un coup de frein, une accélération, virages à gauche, virages à droite, ronds-points se succèdent. Les passagers se diversifient puis doucement à l’approche de la campagne se raréfient pour réapparaitre aux abords d’une petite ville.

Le trajet s’achève au bout d’une heure vingt et quand le bus s’arrête pour une pause de dix minutes avant de se remettre en route dans le sens inverse, elle est quasi la seule à en descendre.

D’un pas assuré, elle se dirige vers l’unique café-restaurant du bourg où elle commande un café et un croissant chaud. Si un quotidien traîne sur une table ou que le patron est en verve, elle reste là à lire ou discuter mais immuablement à onze heures elle se rend au cimetière.

Quiconque l’aperçoit immobile face à une tombe déjà ancienne ne peut deviner le monologue dont elle abreuve son cher compagnon trop tôt parti en la laissant désemparée.

Suivant la météo, elle dîne ensuite dans le parc d’un pique-nique emporté avec elle ou s’offre une omelette baveuse de retour au café-restaurant. Parfois, elle se promène jusqu’à son ancienne maison où elle vécut heureuse. En passant, elle ne peut s’empêcher de remarquer des petits détails qui la troublent : de nouveaux stores, un jouet oublié sur la terrasse, la pelouse qui mériterait une bonne coupe, un chat roux qui ne répond pas à son appel… D’autre fois, elle rend visite à une connaissance ou à une lointaine cousine et s’attarde jusqu’en fin d’après-midi.

Au fil des saisons, elle retrouve la grande ville encore bourdonnante sous le soleil baignant les terrasses ou animée par les phares des véhicules circulant dans la nuit et par les mille feux des fenêtres d’immeuble éclairées.

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Ligne 48, un mercredi matin.

La dame ne patiente pas à l’arrêt de bus Place d’Armes.

Que s’est-il produit dans le quotidien de cette personne à la silhouette menue et cependant distinguée ?

Pourquoi n’est-elle pas fidèle à son rendez-vous hebdomadaire ?

Pourquoi s'est-elle éclipsée ?

Qui s’en souciera ?

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Publié le 24 Décembre 2014

A l'aube de ce jour de ripaille et de rassemblement familial, j'ai une pensée solidaire envers toutes les personnes, hommes ou femmes, oeuvrant courageusement aux fourneaux. Bravo et merci à elles.

Une pensée aussi pour ceux et celles qui devront se contenter d'un repas frugal et parfois en solitaire...

A vous tous, amis bloggeurs ou simple curieux, que vous soyez seuls ou entourés, je vous souhaite de passer un réveillon dans la sérénité et l'échange.

Mony

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Le bouillon de poule cuisiné par Maman est délicieux !

Le plaisir de Julia c’est de résister à l’envie de manger les carottes en premier lieu. Elle écarte les rondelles tentatrices, s’échine à les faire plonger au fond de l’assiette et vite engouffre une cuillérée de légumes verts ou blancs : cèleri, poireaux, navets, feuille de chou...

Le jus est très chaud, il ne fait pas se brûler la langue ! Quand enfin il ne reste que de l’orangé, elle picore une à une les lamelles tendres et légèrement sucrées. Miam ! C’est presque aussi savoureux qu’un dessert !

Maman va, vient, sert son petit monde et enfin s’assoit à son tour pour un trop court instant. D’un œil, elle surveille la viande qui mijote dans la cocotte, regarde l’horloge pour vérifier l’heure : c’est bientôt cuit. Prestement, elle ramasse les assiettes creuses et les cuillères, les posent près de l’évier. D’une main, elle lie la sauce, de l’autre, elle saisit un plat.

Votre mère est un véritable chef d’orchestre, dit souvent Papa en riant.

Après le repas, Julia et ses frères aident leur mère à faire la vaisselle. C’est pour eux un moment de complicité durant lequel les petits secrets se confient facilement.

Hélas Maman est rapidement accaparée par d’autres tâches. Il lui faut dépiauter la poule, en garder les meilleurs morceaux pour les présenter avec une salade et les plus petits, ceux qu’elle déniche jusqu’au bord des os, en faire de la farce bien crémeuse pour garnir des vol-au-vent.

La fillette n’a jamais vu de véritable chef d’orchestre cependant elle pressent que ces personnes sont très, très occupées comme l’est sa mère. Julia, pourtant, rêve d’une maman qui les accompagne plus souvent en promenade, qui joue à la poupée avec elle, qui porte un joli chapeau le dimanche et surtout se maquille le visage et pose du vernis rouge sur ses ongles comme le fait tante Anna.

Julia aime beaucoup sa maman mais elle se promet que plus tard, quand elle sera grande, elle se contentera simplement d’écouter la musique.

Non, jamais elle ne dirigera des musiciens.

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En découvrant cette belle peinture de Zinaïda Serebriakova proposée par Mil et une j'ai immédiatement pensé à ce beau texte de Félix Leclerc lu par Julos Beaucarne (à redécouvrir ici)

 

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Publié le 20 Décembre 2014

     

Ils se prénomment Martine, Jean-Yves, Claire, Loïc, Thomas, Joëlle, Anaïs, Rachid, Michel, Rachel, Anh Tài, Cécilia, Tim, Bertrand…

Ils sont secrétaire, pharmacienne, électricien, styliste, anesthésiste, demandeur d’emploi, retraité, étudiant, fleuriste, assureur, conseillère financière, professeur…

Chaque semaine, ils se retrouvent dans une classe, une salle villageoise, un vieux garage, un entrepôt ; dans une annexe, une véranda, au fond d’une impasse… Six ici, quatre là-bas, dix ailleurs…

Pour eux, le plaisir est à chaque fois renouvelé de débattre parfois longuement quant au choix de telle ou telle œuvre à interpréter ou de découvrir la pièce proposée d’autorité pour le metteur en scène. Oubliés les soucis quotidiens, les rendements, les galères. Disparus les maux de tête, les muscles endoloris. Doucement, mot à mot, d’une gestuelle maladroite puis plus assurée, ils s’immiscent, dans la peau d’un personnage, se l’approprie, le font vivre ; au fil des mois, le timide s’affranchit, la délurée peut se faire grave.

Dramatiques, comédies, vaudevilles, tirades, monologues, pièces contemporaines ou classiques, chants ou mimes leur demandent une rigueur mêlée d’inventivité et inlassablement ils fourbissent les rôles. Une compagne crée les costumes, un mari se révèle excellent accessoiriste, une amie se propose comme souffleuse, les renforts ne manquent pas et quand vient le grand soir de la représentation de théâtre, ils se retrouvent soudés par le trac et le doute.

- Ne vais-je pas bafouiller, oublier mon texte ?

- Je suis enrhumée, ma voix ne portera pas !

- Ce répertoire est inattendu et un brin déconcertant. Et si le public ne répondait pas présent, n’était pas curieux de ce registre ?

- Le film proposé ce soir par La Deux va nous valoir une rude concurrence !

- La fermeture éclair de ma jupe est cassée… Help !

La maquilleuse sublime un visage, un fou rire nerveux fuse, une prière se lit sur des lèvres, les toilettes sont prises d’assaut. Quand enfin ils entrent en scène, simple estrade ou plateau glacial garni de tentures poussiéreuses, ils oublient toute incertitude, le combat a débuté.

Dans la salle, un rire éclate, Tim a mis son chapeau à l’envers.

Martine rattrape la répartie erronée de Loïc et remet le dialogue sur la bonne voie.

Anh Tài s’acharne sur une poignée de porte récalcitrante. Fous rires. Un calme s’installe suivi d’applaudissements enthousiastes.

- Comment ? C’est déjà terminé ?

Heureux et soulagés, ils saluent longuement le public, remercient le metteur en scène et de retour dans les coulisses se congratulent en des embrassades tremblantes. La pièce, ils la rejoueront deux ou trois fois encore dans le village voisin ou à la demande d’une quelconque association puis après une pause ils reprendront le chemin des répétitions.

Devant toutes ces troupes de comédiens amateurs qui n’auront jamais l’honneur de recevoir en grande pompe une statuette à l’effigie de Molière, je m’incline et je leur dis simplement "merci d’exister et de me ravir"

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Pour Mil et une - clic  -  Remise des Molière - Denis Podalydès - photo AFP

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Publié le 25 Novembre 2014

Ce texte est une suite aux écrits suivants : clic et clic

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

Je vous invite à le parcourir ici : clic

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Les grandes personnes, c’est très compliqué, Jaco le sait bien !

La preuve, tout à l’heure, pendant l’excursion dans le parc, l’Marcel, son frère s’est exclamé : il est superbe cet elfe en fil de fer ! Il fait s’envoler le savoir aux quatre vents !

Un elfe !

Le savoir !

L’Marcel, il joue toujours au plus malin mais il ne sait même pas que les elfes ont des oreilles pointues et que ce sont les anges qui ont des ailes ! Et puis les semences, c’est pas du savoir, Jaco en est certain.

Les grandes personnes sont décidemment bizarres. Quatre vents ? Quatre !

Jaco en connait bien plus de quatre. Sur ces gros doigts boudinés il compte : un, la bise, deux, le vent du nord, trrrrois, heu, trois… Bof ! Tantôt il s’en rappellera…

Ce dont il se souvient bien, Jaco, c’est de sa vie à la ferme, avant le décès du père. Il appréciait tellement de gambader dans les prés, cueillir des cardamines, des primevères et même des pissenlits et puis, il faisait comme l’ange quand les fleurs se transformaient en aigrettes, il soufflait, soufflait en faisant un vœu.

Jaco aime bien les vœux. Depuis qu’il réside à l'"Arc-en-ciel" il en fait souvent pour que l’Marcel qui vit à la ville vienne le voir, ou pour qu’il y ait du potage aux tomates au menu, ou pour ne plus jamais faire pipi au lit ou… la liste est longue !

- Dis-moi, Marcel, tu crois qu’il pousse des pissenlits au paradis et que les anges font pipi au lit ?

L’Marcel a toujours un air ahuri quand Jaco lui pose une question. Vraiment les grandes personnes sont étranges.

Jaco, en secret, renouvelle son vœu de ne jamais être comme eux, il préfère tellement être lui, même si on le dit un peu différent !

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Pour Mil et une - clic

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Publié le 11 Novembre 2014

     source image - clic

           Aujourd'hui, elle a aperçu, comme les jours précédents, de grands vols de grues dans le ciel automnal. Elle les a observés admirative et, il faut bien l’avouer, un brin émue. Nulle frontière pour ces oiseaux migrateurs à l’instinct infaillible les poussant en direction du sud.

Devant le monument aux morts, alors qu’elle assistait à l’hommage rendu aux victimes de la première guerre mondiale, elle a à nouveau levé les yeux vers le ciel et a imaginé ces grands V sombres survolant les zones en conflit.

Son village situé à trois kilomètres de l’ancienne frontière prussienne avait été un des premiers à payer un lourd tribut en vies de civils innocents. Et pourtant quand elle était enfant, il y a plus de cinquante ans, comme cela lui paraissait déjà de l’histoire ancienne !

Qu’en est-il pour les écoliers qui à présent défilent à la suite de la fanfare ? Comment se représentent-ils ces ancêtres lointains ? Et dans dix ou quinze ans ces cérémonies au public de plus en plus clairsemé existeront-elles encore ? Les questions se sont bousculées dans sa tête !

Elle a souri en voyant la mine réjouie des gosses recevant une friandise offerte pour les remercier de leur participation et a retrouvé ce plaisir ressenti jadis lors de la distribution de bâtons de chocolat Jacques fabriqués à deux pas. Les rituels ont du bon !

Un verre à la main et dans une ambiance conviviale elle a retrouvé d’autres villageois, a papoté, écouté, ri ou est restée songeuse… Une génération pousse l’autre et doucement le cours de la vie s’écoule…

Il y avait du monde au Frühschoppen (1) ? a demandé Grand Sachem patientant affamé par l’air vivifiant respiré lors de sa balade à vélo. Et les papotages ont repris autour de la table bien garnie par ses soins.

Quand il a été l’heure d’allumer la première lampe, un dernier vol de grues voguant à basse altitude a semblé la saluer bruyamment au passage. Pour elles, le repos les attendait juste au-delà de la colline et l’eau du barrage de la Gileppe leur était promesse dans les derniers rayons du soleil déclinant.

Elle a chantonné pour leur souhaiter bonne route en cet automne doux où les fruits côtoyent les premières fleurs précoces...


(1) apéritif

(cliquer à droite des photos )

Aujourd’hui, elle (07)...commémore le 11 novembre.
Aujourd’hui, elle (07)...commémore le 11 novembre.
Aujourd’hui, elle (07)...commémore le 11 novembre.
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Publié le 6 Novembre 2014

   

- Le père François ! Vite, sauvons-nous !

Totor, moi et Lulu, on rigole bien en observant le père François au travers de la haute haie d’aubépine.

- Je vous ai à l’œil garnements, gare à vous !

Lulu, le plus gourmand et le plus prévoyant de nous trois brandit, triomphant, son sac rempli de prunes. Notre réserve de guerre comme il dit.

Totor a été piqué par une guêpe et suce son doigt douloureux.

Moi, je prépare déjà un plan de représailles dans ma tête.

 

On s’est séparés en fin d’après-midi après avoir caché notre trésor dans notre camp secret, il était temps de rentrer.

- Tu ne manges pas grand chose, a dit Maman en observant mon assiette. Les gargouillis de mon ventre ont répondu pour moi et Maman a levé un sourcil inquisiteur.

Au dessert, elle a dit - je suis passée à l’épicerie tout à l’heure. L’épicier qui rentrait de son verger sur la colline était furieux, son prunier est la proie de maraudeurs.

Papa m’a jeté un regard sévère mais moi, j’ai continué innocemment à déguster ma portion de far, une des spécialités de Maman. Je ne me suis pas fait prier pour aider à la corvée vaisselle mais ma mère est fine mouche et a à nouveau sourcillé quand j’ai dit - je vais retrouver Lulu et Totor pour une partie de foot.

- Ne rentre pas trop tard, a dit Papa, je n’aime pas que tu traînes en rue quand il fait nuit.

 

Totor, c’est lui le spécialiste en dessin et malgré son doigt douloureux il a réalisé avec des craies de couleur un grand œil super, un qui semble jeter des flammes.

Demain matin, tout le village pourra l’admirer sur la porte blanche de l’épicerie.

 

- J’ai mal au ventre, a gémi Lulu.

- Moi aussi, a répondu Totor.

Moi, je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit, je suis disparu derrière une haie. Dans le noir, il m’a semblé qu’un œil moqueur m’observait.

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Publié le 2 Novembre 2014

Aujourd'hui, au chaud sous la couette, elle a été réveillée par des coups de feu.

Pan ! Pan !

Non loin, dans la forêt du Duc, le gibier aux abois payait son triste quota annuel. Les arbres, géants aux mille couleurs, ont eu un léger frémissement et ont laissé échapper un pleur de feuilles sur les dépouilles amassées.

Pan ! Pan ! Elégantes biches, cerfs majestueux, sangliers nasilleurs, chevreuils ou lièvres allaient baigner sous peu dans une marinade nacrée de bordeaux et se verraient gratifiés sur un quelconque menu du titre de grand veneur.

Pan ! Pan ! Un instant elle a refermé les yeux et il lui a semblé qu’une odeur, mélange de vin et de vinaigre mâtiné de clou de girofle, flottait dans l’air. Sa mère, là-bas dans le temps de jadis, préparait le civet que son père, en bonne entente avec un chasseur, avait acheté. La cuisine embaumait. Le réveillon de Noël allait être festif et comme toujours, gibier ou pas, elle allait faire la grimace à la vue de la viande dans son assiette.

Stille Nacht, heilige Nacht…

Pan ! Pan ! De retour dans le présent elle est partie sur les traces de Charlemagne dans le centre historique d’Aix-la-Chapelle ensoleillée. L’odeur soufrée des sources d’eau chaude, les curistes célèbres, l’hôtel de ville érigé dans le périmètre du palais impérial, la chapelle palatine où repose Charlemagne et à présent partie centrale de la cathédrale, patrimoine mondial de l'UNESCO, ont été mis en lumière par les propos d’un guide passionné.

Pendant le trajet du retour, elle a imaginé, cheminant à ses côtés, un convoi de chevaux et de charrettes menant Charlemagne et ses gens vers le relais carolingien, en bordure de forêt, pour une saison de chasse. Elle a revu ce document présenté lors d’une conférence par ce professeur d’université, document dans lequel l’Empereur octroyait, en un jour d’automne, une somme d’argent à la Basilique de Saint-Denis pour le tombeau de son père Pépin le Bref…

Document signé en un lieu qui pourrait être, vu la similitude des noms, le village proche du sien... clic

Elle aime évoquer ainsi le passé, rêver de sa bourgade quand elle n'était qu'une villa romaine et que le ruisseau coulait paisiblement dans une vallée intacte…

Quand elle a rejoint son palais à elle, la table était dressée et un bon plat de spaghettis mitonné par Grand Sachem lui a donné l’eau à la bouche.

Comme il fait bon vivre entre Meuse et Rhin !

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Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne

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Publié le 5 Octobre 2014

Image Wikimédia

Aujourd’hui, elle a bravé la pluie fine mais tenace.

Son vieux parapluie, tout heureux d’être de la partie, se gonflait d’aise

- Voyez, je suis le roi !

Quelle présomption ! Nul ne le contemplait dans les rues désertes si ce n’est deux pré-ados slalomant à trottinette.

Zou !

Zou !

Ils l’ont frôlée et, avant elle, se sont engouffrés dans le parc communal.

Le kiosque, tristounet sous la grisaille, s’en est senti tout en joie, les oiseaux retrouvaient leur nid. D’autres allaient bientôt les rejoindre. Heureuse jeunesse qui piaillait comme des moineaux.

 

Elle a poursuivi sa promenade et a emprunté le sentier sinuant dans le pré.

En tête un refrain lui a fait oublier l’espace temps.

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils ont mangé les pépins

Ils ont craché les raisins

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils ont mangé les raisins

Ils ont craché les pépins

Ha ha ha ha ha…

 

Elle s’est mise à chantonner tout en observant les ânes stoïques sous la bruine.

Ils sont dans les vignes les Moineaux…

 

Combien de fois, son père lui avait-il chanté cette chanson guillerette alors qu’ils étaient installés tous deux dans le fauteuil de la cuisine ?

Le tempo s’accélérait et elle tressautait de plus en plus fort sur ses genoux jusqu’à l’éclat de rire final.

Ils ont mangé les raisins

Ils ont craché les pépins

Ha ha ha ha ha…

 

Dans la cave, le parapluie détrempé a pleuré la fin de la balade.

Grand sachem, rentré de son équipée à vélo, a demandé 

- tu as fait des rencontres malgré la pluie ?

 

- Des moineaux, rien que des moineaux…

Et tout bas

- ceux de mon enfance…

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Publié le 11 Septembre 2014

 

C´est l´amour à la plage (aou, cha-cha-cha)

Et mes yeux dans tes yeux (aou, aou)

Baisers et coquillages (aou, cha-cha-cha)

Entre toi et l´eau bleue (aou, aou)

                                                                      Niagara - clic

Et "deux-trois, quatre et un et deux-trois, quatre et un…" la voix de Papy me guide et moi, je fredonne "aou, cha-cha-cha"

Papy, c’est lui qui organise chaque mois une après-midi dansante ouverte à tous. Aujourd’hui, il a promis de m’apprendre à valser comme dans "Danse avec les stars"

Pendant que je reprends mon souffle et bois un jus d’orange, il est à nouveau sur la piste de danse avec Mamy.

- Tes grands-parents sont les rois du tango, me dit madame Alice assise à mes côtés et je m’en sens toute fière.

Madame Alice, c’est l’amie de Mamy. Elle est gentille et m’offre souvent des caramels. Tout à l’heure, j’ai entendu Mamy recommander à Papy de ne pas oublier d'inviter son amie à danser et Papy a levé les yeux au ciel en disant "cela fait plus de quarante ans qu’Alice fait tapisserie"

Quarante ans ! Elle doit être immense cette tapisserie !

- Combien mesure votre tapisserie, madame Alice ?

J’ai dû parler fort pour me faire entendre mais madame Alice semble ne pas me comprendre.

- Ma tapisserie ? demande-t-elle, étonnée.

- Oui, celle que vous faites depuis quarante ans. C’est Papy qui en a parlé…

Madame Alice ne me répond pas. Son visage devient pâle puis tout rouge. Sans un mot, elle prend son sac et quitte la salle. Est-elle malade ou a-t-elle envie de rentrer rapidement chez elle pour continuer à tisser ? Peut-être veut-elle battre le record de la tapisserie que j’ai découverte à Bayeux l’année dernière avec mes parents ?

- Où est Alice ? demande Mamy.

Mais déjà, Papy, infatigable, m’emmène dans un " un, deux, trois ; un, deux, trois…

Papy, c’est ma star ! 

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Pour Mil et une - semaine 37 / 2014       Source image : Wikipédia

Danse avec les stars

La tapisserie animée avec sous titrage en français - clic

La tapisserie décrite sur Wikipédia - clic

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Publié le 4 Septembre 2014

 

Les poules picorent, se disputent un ver de terre en caquetant, énervées.

Eux ne disent mot.

Agenouillés sous un pommier ils trient les fruits récoltés.

Parfois, leurs têtes se rejoignent et pendant un trop court instant le temps semble suspendu.

Il lui vole un bisou.

Elle soupire.

D’un pas majestueux, le coq les contourne et va rejoindre ses belles emplumées.

De la grand route là-bas leur parvient un bruit inhabituel, étrange bourdonnement de ruche affairée.

Un toussotement.

Leurs deux visages se redressent, surpris de ne pas être seuls au monde, dans leur monde.

Deux yeux enfiévrés, des lèvres qui quémandent.

Ils offrent chacun quelques pommes, désignent le puits à gauche dans la cour, les cabinets adossés à l’étable et reprennent leur tâche.

A son tour, il soupire. Saura-t-elle se débrouiller seule avec le troupeau, la traite ? Comment va-t-elle-s’en sortir ? N’était-elle pas en danger avec toutes ses personnes inconnues qui défilent jour et nuit en direction du sud ? Combien de temps durera cet exode ? Comment la protéger ?

Elle se veut forte mais tremble pour lui. Elle n’a jamais quitté le canton, comment dès lors situer cette ville où il est appelé à se présenter le lendemain ? Lui écrira-t-il ? Et s’il l’oubliait ?

En début de soirée il ira avec le cheval et la charrette amener les fruits chez Jean. Jean et son pressoir, Jean trop âgé pour être appelé sous les drapeaux, Jean qui bientôt se retrouvera seul homme dans le hameau…

Elle, elle disposera les plus belles pommes au frais dans la resserre, imaginera l’immense tarte dorée qu’elle cuira pour fêter son retour.

La nuit les unira une dernière fois. Baignés de cette odeur acidulée dans laquelle ils ont été plongés depuis l’aube ils n’auront pas conscience que c’est elle qui jaillira à leurs narines dans les moments de doute ou de désespoir.

A l'aube, le coq lancera fièrement un cocorico sonore.

Alors la guerre sera là, si proche soudain…

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Pour Mil et une - clic   -  Peinture de Emile Claus - clic

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Publié le 10 Août 2014

Un royaume à la MagritteUn royaume à la MagritteUn royaume à la Magritte

A la Meute, y a pas d' jambe de bois,

Y a des nouilles mais ça ne se voit pas

La meilleure façon d'marcher,

C’est bien sûr la nôtre,

C'est d' mettre un pied devant l'autre

Et d' recommencer !

Pourquoi a-t-il continuellement ce seul refrain en tête ?

Chambre 220, au fond du couloir, à gauche, c’est son royaume à lui Julien Leblanc. Un royaume à la Magritte. N’est-ce pas surréaliste cette télé dévidant sans cesse les archives d’Eurosport : F1, rugby, curling, cyclisme…, le tout entrecoupé de quelques directs ou d’immenses plages de pubs ? Et lui, Julien Leblanc, voguant d’un somme à une rêverie, Julien le grand sportif au régime alimentaire strict, condamné dorénavant à engloutir rapidement quelques bouchées de poulet mi-cuit ou de merlan noyé de graisse qu’une aide-soignante lui présente tout en déballant déjà la tranche de glace napolitaine aux couleurs douteuses, lui, Julien, n’est-il pas à lui seul un chef d’œuvre surréaliste en péril ?

A la Meute, y a pas d' jambe de bois,

Y a des nouilles mais ça ne se voit pas

Ce serait surprenant, voire hilarant de tout à coup entonner ce refrain si ce n’était aussi frustrant de ne plus pouvoir émettre un son. Comment dire à Madeleine qu’elle est toujours aussi belle et chère à son cœur ? Madeleine et son discret parfum d’ancolie qu’il hume de tout son être quand elle se penche sur lui pour redresser son long corps qui doucement s’affaisse.

« Il ne manquerait plus que tu tombes » est son leitmotiv, son obsession. Comment pourrait-il tomber plus bas que le bas-fond où il se trouve désormais ? Madeleine, son amour, ne l’a-t-elle pas encore compris ? Ne sont-ils pas comme ses amants (ph.1) aux visages voilés, séparés par un caprice de la vie ?

A la Meute, y a pas d' jambe de bois,

Y a des nouilles mais ça ne se voit pas

Magritte a-t-il été scout lui aussi ? Julien aime imaginer l’artiste enfant… Avait-il déjà en lui ce don de voir le monde au travers d’une autre lucarne ? Aimait-il davantage le bleu que le rouge, le jour que la nuit ? A-t-il passé une partie de ses étés dans un camp à la campagne, vécu de manière rudimentaire mais tellement captivante ?

A la Meute, y a pas d' jambe de bois,

Y a des nouilles mais ça ne se voit pas

Aujourd’hui, la meute est bien loin mais Julien y puise toujours une grande force d’âme et ce n’est pas un énième set de tennis se jouant sous ses yeux qui l’empêchera de rêver et de s’évader vers des cieux azur. Entre en scène (ph.2), Julien, deviens oiseau blanc et va rejoindre les grands vols de grues. Avec elles migre au pays des miracles (ph.3).

Chambre 220, au fond du couloir à gauche, Julien Leblanc pour un moment se sent bien.

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Musée Magritte - clic  -  Magritte Gallery - clic

Pour Mil et une - sujet de l'été - logorallye - clic

(voir, rouge, glace, grues, etes, sommes, meute, set, tombes, hilarant, merlan, ancolie)

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Publié le 2 Août 2014

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Elle s’était réveillée blottie dans ses bras, avait quémandé l’heure à la montre qu’il portait nuit et jour au poignet droit. Lui, dans un soupir, avait émis - trop tôt, encore sommeil - et il avait desserré son étreinte la laissant s’échapper vers la cuisine. Le percolateur émettait ses derniers borborygmes quand la sonnerie de l’entrée avait retenti suivie par des tambourinements vigoureux contre la porte de l’appartement. Elle, figée, une tasse vide à la main. Lui, debout dans un sursaut, affolé.

Cinq képis, cinq armes, cinq faces fermées. Un papier brandi, un ordre bref - on l’emmène. Un dernier regard, une porte close.

Depuis ce matin de printemps, elle est sans nouvelles de lui. Comme des centaines d’autres personnes elle attend en vain une réponse à ses questions - Pourquoi lui ? Qu’a-t-il fait de mal ? Quel sort lui réserve-t-on ? Quand le reverrais-je ? Sera-t-il toujours le même ? Et de jour comme de nuit, elle rôde sur les trottoirs, s’approche négligemment de ce haut mur surmonté de barbelés qu’elle voudrait cisailler, travailler en une rangée de perles, façonner en un cœur brillant.

Quand parfois, au hasard du soleil ou de la lune, son ombre se projette sur l’appareillage de vieilles pierres, elle se tétanise. Il est là face à elle. Ils sont reflets, tendres, amoureux. Ils sont trompe-l’œil, trompe-le-sort… Alors elle les abandonne à leur position figée, traverse la route et arrivée sur l’autre trottoir elle oublie tout risque, compose son numéro et brandit bien haut son portable illuminé. Elle sait pourtant qu’il n’entend pas son appel, ces brutes ont piétiné son appareil, mais elle veut croire qu’il aperçoit une lueur, minime, ténue, celle de l’espoir.

Puis elle s’en retourne, se prépare un énième café et se dit que décidément le percolateur devrait être détartré mais ne peut se résoudre à le nettoyer.

Son chant n’est-il pas la dernière mélodie qui la relie à lui ?

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Pour mil et une semaine 24 - clic - Trompe-l'œil de l'artiste Bansky - clic

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Publié le 27 Juillet 2014

(ph. 3) - 9 heures trente

- Daddy ! Daddy ! scandent les enfants.

Impatients de partir, ils attendent le bon vouloir de Fernando, leur père. Eux sont prêts depuis un quart d’heure et déjà installés dans la voiture avec Conchita leur maman. Le temps est beau, les vacances de printemps sont là, la vie est belle. Fernando vérifie pour la troisième fois la fermeture de la fenêtre, jette un dernier regard sur l’ensemble du salon de coiffure et verrouille la porte sur laquelle est suspendu un grand "Closed" Plus de barbes à tailler, de toisons à discipliner, plus d’effluves de shampoing, de mousse à raser ou de serviettes humides, pendant cinq jours il va se consacrer à sa famille et à quelques parties de pêche en rivière.

- Ready ?

- Yes ! répond un chœur joyeux.

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(ph. 6) - 11 heures trente

Au Mohican Bar, Stella, la mère de Conchita est installée comme en chaque fin de matinée. Pour elle cette pause est sacrée et ce n’est pas l’arrivée incessante de sa fille et de sa famille qui la privera de ce moment de détente. Stella aime la ville, le brouhaha, les infos toujours à portée de main. Jamais elle n’a compris comment Conchita a pu s’installer avec son mari dans cette petite bourgade au fin fond de l’état. Elle se surprend à rire, non, ce n’est pas elle qui aurait pu élever une famille de six enfants, deux lui ont suffi amplement. Comme elle se réjouit de les revoir tous pendant quelques heures mais pourvu que sa fille ne lui annonce pas une nouvelle grossesse… Allons ! Il lui faut songer à rentrer, ils seront bientôt là, bruyants et affamés avant de poursuivre leur route vers le sud.

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(ph. 1) - 11 heures trente cinq

Crazy Jack en est à la moitié de la volée d’escalier et à sa neuvième prière. Quel pêché veut-il expier ainsi jour après jour ? Crazy Jack fait partie du décor, nul ne l’interroge, nul ne sait d’où il vient, ce qu’il fait dans la vie, mais immuablement il s’agenouille et gravit dans cette position l’escalier reliant le parc en contrebas au parking puis il replie soigneusement le tissu protégeant son pantalon du contact des marches et s’en va, le dos vouté. Parfois, des gosses le harcèlent en criant "Crazy Jack, Crazy Jack" sans apparemment le perturber et pourtant, à bien l’observer, on pourrait voir ses poings serrés et sa mâchoire crispée.

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(ph. 4) - 11 heures 50

La pluie survient brusquement et ne dure que trois minutes, déjà les parapluies sont repliés. Harold et Laurel intrigués par un rouleau de câble abandonné à même le trottoir se questionnent quant à son origine.

- C’est du Service des Eaux, dit l’un.

- Je te dis que c’est un câble électrique, lui répond l’autre irrité.

Harold et Laurel sans chamailleries, ce serait la fin de leur amitié vieille de soixante ans.

- On l’emporte !

- Non, on le signale à la Police.

- Vieille mule !

- Incivique !

Stella, tout en marchant, observe les deux hommes en grande discussion. Son sac est lourd de victuailles, elle est à présent pressée de rentrer. N’a-t-elle rien oublié ? La petite Mary est-elle toujours aussi gourmande et Tom aussi sensible aux produits laitiers ? Mentalement, elle passe la petite tribu en revue et s’impatiente de la retrouver. En face d’elle Crazy Jack traverse le carrefour, l’air hagard. Souvent elle le croise sans avoir jamais osé l’aborder. La ville est vivante mais peut aussi, hélas, se révéler un grand désert de solitude.

Des coups de freins, des bruits de tôles d’une rare violence, une odeur de brûlé. Le camion roulant à vive allure a coupé la route à la voiture de Fernando ne laissant aucune chance à ses occupants ni aux quatre personnes présentes sur le trottoir.

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(ph. 5) - 12 heures

Une poupée de chiffon éjectée de l’habitacle, dérisoire rescapée, sourit en vain dans une poubelle. Qui y prêtera attention ?

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Pour le jeu de l'été de Mil et une - semaines 30 et 31 clic

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Publié le 24 Juillet 2014

Aujourd'hui, elle râle !

Non pas d'avoir un an de plus, non pas de compter autant de décennies.

Aujourd'hui, et depuis quatre jours déjà, elle est enchifrenée et cela commence à bien faire.

Et toc ! Elle a pu placer un beau mot pour cette vilaine chose qui l'ennuie.

Aujourd'hui, pas de grande fête, elle n'en est plus à ce stade.

Pas même un petit resto ? Un verre de rosé bien frais ?

Non, aujourd'hui, elle râle !

 

Quoi ? Plus de livres à lire ?

Elle a sorti la voiture et tant pis pour la couche d'ozone, elle a rejoint la bibliothèque.

Trois cents mètres à pied qu'est-ce ?

Un marathon dans le brouillard quand on est enchifrenée.

Non, les chiffres elle ne les apprécie pas particulièrement mais elle aime les mots.

 

Quoi ? Porte close ?

Décidément sa mémoire lui joue de vilains tours. Il y a quinze jours, elle s'est retrouvée dans la même situation à lire "En juillet, ouverture uniquement le samedi matin"

Et râle et râle !

Madame Bâ et Mali, ô Mali  ont repris le chemin de la maison. (voir liens sous l'image)

Quoi ? Du dos d'un livre Erik Orsenna semble lui faire un sourire ironique ?

La fièvre n'est pas loin.

 

Mali ? Niger ? Algérie ?

Une fois de plus le transport aérien a fait des victimes.

Elle se remémore le voyage en avion de Madame Bâ, Don Quichotte malienne...

Comme le langage écrit d'Erik Orsenna est riche et agréable....

Allons, elle lui sourit à son tour.

 

Elle râle, elle peste mais qu'est-ce qu'un rhume mâtiné d'une pointe d'angine et pimenté d'une toux à côté de tous les conflits et/ou catastrophes de notre monde ?

Deviendrait-elle plus sage ?

Elle se surprend à chantonner.

Ma sqwaw semble aller mieux, constate le Grand Sachem en fin psychologue.

Bon anniversaire !

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Madame Bâ - clic  -  Mali, ô Mali - clic

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Publié le 16 Juillet 2014

Jacques se lève, contourne les transats et sans un mot entreprend une construction dans le sable.

- Tu bâtis un château, Papy ? demande Ethan.

- Non, une tour, répond Jacques.

Intrigués Ethan et son cousin Mathéo délaissent le ballon qu’ils se disputent depuis un moment et s’approchent de leur grand-père.

- Une tour comment ? Comme en Amérique ?

- Non, une tour de Babel.

Annie sourit malgré ses pensées moroses. Jacques, son Jacquot, et elle traversent une petite perturbation. Une de plus… ? Pourquoi une vieille rancœur vient-elle polluer ces quelques jours de vacances passés avec leurs deux petits ?

- Babel c’est qui ?

- Babel c’est un endroit où jadis les humains ont construit une immense tour.

- Jadis, c’est quoi ?

- C’est il y très, très longtemps.

- Alors la tour de Babel elle n’existe plus ? Il n’en reste que des photos ?

- On peut t’aider, Papy ?

- Bien sûr, vous serez les maçons et moi, l’architecte.

Annie glisse le marque-page dans son roman et ne perd aucunes des explications de Jacques. Tout en s’activant, il raconte de manière ludique une des légendes de l’humanité et évoque les artistes qui l’ont représentée… Annie connaît la suite, n’a-t-elle pas déjà vécu cette scène il y a plus de trente ans ?

- Pourquoi elle est ronde et pas carrée, la tour ?

- Pourquoi on fait une route en tire-bouchon ?

Les questions fusent mais le travail progresse.

- Mamy ?

- Mmm ?

- Dans ton cabas aux trésors tu n’aurais pas quelque chose pour nous ? Papy dit que…

Les billes de verre dévalent le chemin de ronde et c’est à celle qui arrivera la première en bas de la tour. Jacques se lance dans une explication poids-vitesse mais n’a d’yeux que pour Annie et pour la bille aux tons bleutés comme son regard qu’elle tient au creux de sa main. Il n’y a pas besoin de mots pour estomper l’orage qui les guettait. La précieuse agate offerte il y a bien longtemps par Jacquot leur rappelle les liens qui les unissent envers en contre tout.

- Mamy, tu nous montreras la peinture de Breuvel ? demande Ethan.

- Breujel, rétorque Mathéos.

- Oui, mes chéris, je vous ferai découvrir les peintures de Breughel, promet leur grand-mère en faisant un bécot à son Jacquot.

- Hou ! Les amoureux ! s’écrient en rigolant les garçons, taquins.

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Pour Mil et une - sujet 29 - 2014 - clic - Tour de Babel de Pieter Breughel l'ancien - clic

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Publié le 15 Juillet 2014

Aujourd'hui, le renard a glapi dans la prairie et elle s'est levée.

L'apercevra-t-elle cette nuit ?

Dans le ciel, les nuages épais ont enfin cédé la place à une Lune épanouie.

Tout est calme ! Maître Goupil reste discret.

Là-haut, une lumière clignote.

Cap Nord puis large virage à gauche à hauteur approximative du petit bois et le lourd transporteur s'infiltre dans le couloir d'approche de l'aérodrome de Bierset.

Si loin, si près...

Déjà, une autre lumière clignote.

 

Elle aime observer ce ballet incessant des avions.

Que transportent-ils ? Passagers ou fret ?

D'où viennent-ils ?

Luxembourg, Bâle, Marseille, Budapest ???

 

My house in Budapest - Ma maison à Budapest

My hidden treasure chest - Mon trésor caché

Golden grand piano - Piano à queue d'or

My beautiful Castillo - Ma belle Castillo

For you - Pour toi

You -Toi

I’d leave it all - Je laisserai tout  - George Ezra

 

Dans le noir, elle chantonne.

Un hérisson, museau au sol, traverse la terrasse puis, en furetant, longe la haie et disparaît dans un buisson.

For you

You

Près des arbres des chauves-souris s'activent, l'heure du repas est sacrée.

For you

You

 

Peuple de la nuit qui es-tu ?

De sa  mémoire resurgit la couverture de "Vol de nuit"

...Saint Exupéry - Le petit Prince...

Hommes et femmes, pilotes travaillant loin de la lumière naturelle, dormant le jour, êtes-vous au plus près de vos rêves d'enfants ?

 ...you,  you...

 

- As-tu vu le renard ? questionne Grand Sachem quand elle se recouche à ses côtés.

For You You

You

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Vol de nuit lu par Francis Huster - clic  -  Le petit Prince lu par Sagine - clic

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Publié le 10 Juillet 2014

Dans une ville où je passais,

Bien au Nord du mois de juillet

Sur un grand lac, un lac gelé,

Un homme en noir glissait glissait (Julien Clerc)

 

Juillet et là ! Si, si !

Avec ses soldes et leurs tentations...

Grand Sachem en sportif invétéré se dirige vers un magasin ad hoc tandis qu'elle furette dans les bibelots.

 

Il patinait, sur une jambe il patinait...

 

Elle vit aujourd'hui et pense à demain.

Au moment des frimas ces patineurs égaieront la table du salon...

Elle vit aujourd'hui et se remémore le temps d'hier.

Julien chantait, c'était en 1972

Aujourd'hui est pluvieux.

La télé déverse son lot de conflits, d'attentats, d'accidents...

Hier en pêle-mêle ne valait guère mieux - attentats aux J.O. - sècheresse au Sahel - guerre au Vietnam...

Hier était-il plus joyeux ?

 

Elle vit aujourd'hui.

Une pie piteuse s'ébroue.

Le ruisseau saturé déborde.

Les camps scouts sont évacués.

La gadoue, la gadoue... (Serge Gainsbourg)

 

Un rayon de soleil offre une promesse douce comme un baiser d'enfant.

Elle vit aujourd'hui et a le coeur revigoré.

Tout à l'heure une fillette  lui a dit : "Est-ce qu'elle n'est pas belle la vie, Madame ?"

 

" Oui, petite, la vie est belle !

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Publié le 9 Juillet 2014

Il pleut ! Il pleut Bergère et ron et ron…

Son fidèle compagnon est en révision pour la journée.

Pour distraire son esprit elle chantonne dans sa tête, c’est mieux que rien.

 

Se peut-il qu’il prenne tant de place dans sa vie ?

OUI ! OUI ! OUI !

Elle est en état de manque, je le confirme !

Sortir le dictionnaire, si lourd, si vieux, et terminer la grille de mots fléchés alors qu’en quelques clics elle aurait déjà trouvé la solution ?

Paresse et zut ! pour le fidèle complice d’antan !

 

Mum ! La pièce embaume la cire et le meuble brille de mille feux.

…enfin, c’est ce qu’elle imagine.

Allons à l’ouvrage ! N’a-t-elle pas promis de s’y mettre un jour de pluie ?

En juillet ? Et bien oui ! En juillet !

 

… et ron et ron, petit patapon !

Et enduit, et astique…

Un SMS ?

Vite, le découvrir - intervention terminée - R.A.S - vieux compagnon O.K.

 

Enfin !

Elle le cajole, le tapote et, heureuse, fredonne en écrivant une petite bafouille…

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source image

Il pleut, il pleut bergère (extrait de "Laure et Pétrarque") - Fabre d'Eglantine - clic

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