Publié le 13 Juin 2013

 

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- Rou, rou, Vaillant, tu n’es pas raisonnable !

- Tais-toi, tu vas nous faire repérer. Pense aux micros-films fixés à nos pattes…

- Tu ne manques pas d’air ! Tu changes le plan de vol alors que le général nous a confié une mission de la plus haute importance et je devrais faire profil bas ?

- Ce n’est pas parce que tu es un excellent voilier, Raynal, que tu peux te permettre de me faire la morale, tu n’es pas nommé chef d’escadrille que je sache. Poursuis, ta route si tu veux…

- Rou, rou, cesse ton insolence, nous faisons équipe et il n’est pas question de nous séparer.

- Alors suis-moi !

- Mais Vaillant…

- Pas de mets en effet et moi, j’ai faim. Plus question de battre de l’aile avant d’avoir picoré un grain, il doit bien y avoir quelques miettes sous ce banc.

- Vaillant, tu n’as aucune conscience professionnelle. Si tes aïeux t’entendaient, ils ne seraient pas fiers, eux qui ont combattu comme des braves durant la grande guerre.

- Rou, rou, je n’en crois pas mes yeux ! Une paire de basket… pourtant j’aurais juré que…

- Que quoi ? … Ah ! Mais j’y suis ! Ce cher ami Vaillant a cru repérer de là-haut de jolies colombes noir et blanc et il a oublié son objectif pour jouer au joli cœur. Ha, ha, ha ! Votre vue baisse très cher, vous voilà pigeonné !

- Oh ! Je t’en prie, cesse d’ironiser.

- Et si… et si c’était un leurre pour nous dérouter et nous dévaliser ?

- Tu lis trop de romans d’espionnage, pauvre Raynal.

- Et toi, trop de romans d’amour, rou, rou !

- A propos d’amour, entends-tu roucouler cette humaine au téléphone ?

- Normal, Vaillant, c’est la saint Valentin !

- La saint Valentin ? Aujourd’hui ? Et je suis en service commandé ? La vie est trop injuste !

- Cesse de râler et reprenons notre vol.

- Pff ! Vivement notre pigeonnier !

- Rou, rou, cap Nord-Est. Haut les cœurs, Vaillant, plus que deux heures de route.

- Tu parles d’une vie de prestige ! Des micros-films et deux pigeons à l’heure d’Internet…

- Tais-toi et vole.

 

- …Dis-moi, tu n’as pas un petit creux au fond du gésier ? J’aperçois la démarche oscillante de beautés emplumées par là-bas…

- Rou ! Rou !

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  Pour Miletune (clic)  -  A propos des pigeons (clic)

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Publié le 9 Juin 2013

Le chaman lui avait dit : "la forêt et la plaine t’apporteront la réponse que tu attends" puis il lui avait tendu un calumet duquel s’échappait une fumée jaunâtre à la forte odeur de sous-bois. Adriel s’en était emparé et les yeux fermés avait aspiré longuement cette médecine. En lui, les images défilaient… Pourquoi se sentait-il différent des jeunes chasseurs, pourquoi n’appréciait-il pas de prendre la vie de ses mains ?… la forêt et la plaine t’apporteront la réponse… la voix du chaman résonnait en lui.

Un matin, à l’heure où le soleil émergeait de l’horizon pour gravir lentement le ciel, Adriel juché sur son mustang pommelé quitta la tribu pour un ailleurs inconnu. Quand il franchit le gué, il aperçut tout en haut de la colline le chaman brandissant le bâton sacré alors il sut que son choix était le bon et d’un mouvement de jambes il mit son cheval au galop. La plaine puis la forêt, la plaine à nouveau… la pluie, le vent… le soleil implacable, le froid intense… défilaient au rythme lunaire. Adriel campait trois jours au bord d’un ruisseau, découvrait une grotte dans les rochers et s’y abritait du vent glacial, poursuivait son chemin… Un poisson saisi d’un jet de lance précis, un lapin abattu par une flèche acérée lui permettaient de survivre ; jamais il ne tuait par plaisir et dès l’animal achevé il s’inclinait respectueusement sur sa dépouille. Le feu qu’il obtenait en frottant deux pierres l’une contre l’autre le protégeait des animaux dangereux et lui permettait de faire braiser la viande ou de se préparer une tisane réconfortante. Et partout où il passait, il observait la nature, n’en retenant que le meilleur.

Un jour, alors qu’il cueillait des baies mûres, il vit une vipère fuir dans les buissons devant lui et il aperçut sur le sol pierreux la mue qu’elle venait d’y abandonner. Du bout du mocassin il frôla cette dépouille asséchée et l’éleva jusqu’à ses mains. Il allait s’en saisir quand un cri d’effroi détourna son attention. A quelques pas de lui, un papoose venait de subir la morsure du reptile dérangé. Le regard de l’enfant se voila tandis qu'Adriel se précipitait vers son mustang. Du sac fixé sur son dos, il retira de grandes feuilles repliées, un petit récipient de terre cuite et son couteau. L’enfant étendu sur le sol gémissait. Où était sa famille, sa tribu ? Adriel ne réfléchit pas davantage, déjà il mélangeait rapidement des poudres conservées dans les feuilles avec son crachat et un peu d’eau prélevée dans la petite outre en peau suspendue à sa taille. Quand il eut obtenu une pâte brunâtre, il se pencha vers le papoose et d’un geste précis incisa la cheville douloureuse. Longuement et à plusieurs reprises il suça et recracha le liquide qui en suintait puis il appliqua l’onguent qu’il recouvrit d’une feuille maintenue par de longues herbes séchées.

- Où sont les tiens ? D’un geste, le papoose effrayé indiqua une direction et Adriel le prit dans ses bras et le transporta vers des tipis dissimulés sur le versant opposé. L’enfant prénommé Chesmu lutta de longues heures contre le poisson qui attaquait son corps et Adriel renouvela trois fois son cataplasme. Quand enfin Chesmu fut sur pied, la tribu tout entière fêta l’indien solitaire qui avait sauvé un des siens.

De ce jour, Adriel sentit une carapace tomber lentement de ses épaules telle une mue et il salua l’esprit de la vipère qui lui avait fait comprendre que son destin était de soigner et de maintenir la vie. Entre elle et lui commençait une longue histoire faite de respect et de peur réciproques.

Longtemps à travers les plaines et les forêts on ne fit appel en vain à Adriel, l’homme médecine, celui qui avait sculpté deux vipères croisées sur un bâton rejoignant ainsi sans le savoir tous les hommes-médecine de la planète Terre.

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Pour Mil et une (clic)  -  D'après une photo de Kiki  (clic)

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