Publié le 28 Octobre 2012
Peinture : Ljubomir Milinkov
Petites peintures avec mes mots - Mony
Un peu de mon univers et de ma sensibilité au travers de textes courts
Publié le 28 Octobre 2012
Peinture : Ljubomir Milinkov
Publié le 27 Octobre 2012
Publié le 25 Octobre 2012
Publié le 21 Octobre 2012
Publié le 18 Octobre 2012
Publié le 14 Octobre 2012
A chacun de ses retours d’Afrique, le rituel était le même, notre père nous emmenait, mes frères et moi, chez monsieur Feys, le photographe de la rue d’Assembourg. La veille, c’était l’effervescence à la maison. Maman ne savait où donner de la tête entre un dernier repassage des habits du dimanche, l’envoi de mes frères chez notre voisin le coiffeur Henri ou la surveillance des bains dans une salle d’eau transformée en étuve. Notre père allait, lui aussi, se faire couper les cheveux mais également tailler la barbe qu’il portait longue et carrée.
Au matin, Papa était le premier à enfiler son costume sous les yeux de Maman qui invariablement grondait : Henri, tu devras bientôt passer chez le tailleur. Vois, tu ne sais plus fermer ton veston. Papa haussait les épaules en disant : Allons Joséphine, j’ai gardé ma taille de jeune marié – et il l’enlaçait. Maman souriait alors d’un sourire un peu crispé, incompréhensible pour moi.
Une fois tout son petit monde inspecté, notre mère faisait ses dernières recommandations : Tenez-vous correctement, ne vous salissez pas… Mais sitôt dans la rue, notre père était tout à nous.
- J'arrive à tes épaules à présent, bientôt je serai ingénieur comme toi, disait Jacques.
- J’aimerais faire de la danse classique, je m’exerce à faire des pointes, tentait Daniel.
- Et moi, je veux être peintre, décrétait Luc qui crayonnait sur tout.
- Et toi, ma belle ? demandait mon père
- Institutrice ! Je serai institutrice ! était ma réponse.
Chez le photographe, mon père prenait la pose et nous nous serrions tous contre lui révélant ce besoin que nous avions de le toucher pour effacer le manque ressenti pendant ses longs mois d’absence.
Trois jours plus tard, la photo était installée sur le buffet de la salle à manger et était oubliée jusqu’au départ de Papa qui la glisserait dans ses bagages.
Ses six semaines de repos coïncidaient souvent avec nos vacances scolaires et si nos parents prévoyaient quelques sorties en famille, Papa nous réservait à chacun en particulier une journée ou une soirée pendant laquelle il nous emmenait où nous le désirions. Comme j’appréciais d’être sa petite reine du jour… et souvent c’était le musée ou le zoo qui m’attirait contrairement à mes frères qui ne juraient que par le sport.
Maman n’était pas oubliée et nous sachant sous la garde de sa sœur Marie, elle se faisait une joie de parcourir en galante compagnie les Galeries Lafayette. Elle était curieuse d'y découvrir les dernières nouveautés puis de dîner dans un bon restaurant avant d’assister à l’un ou l’autre spectacle.
Quand sonnait la fin du congé paternel, notre mère, triste que sa santé fragile l’ait obligée à rentrer en Europe avec Jacques tout bébé, préparait les valises les yeux boursouflés par les larmes tandis que Papa n’avait plus que son long voyage et son travail en tête. Après son départ, nous retrouvions, malheureux tous les quatre, notre petite vie calme rythmée par les lettres que nous recevions de notre père et par celles que nous lui écrivions tour à tour formant ainsi une sorte de chronique familiale qu’il conservait précieusement.
Maman, quant à elle, était nerveuse, stressée durant quelques semaines. Aussi le jour où je la surpris à confier par téléphone à Tante Marie : Ouf ! Je respire, je ne suis pas enceinte… je pressentis vaguement qu’elle avait craint d’attendre un nouveau bébé.
Le jour de mes quatorze ans, Papa était une fois de plus de retour à la maison mais il n’était pas seul, une petite fille l’accompagnait. Il nous présenta Safy qui se tenait cachée derrière lui, en nous disant que sa mère était morte et que si nous étions d’accord elle serait notre nouvelle petite sœur. Nous avons regardé Maman et elle a souri à Safy comme pour nous autoriser à l’accepter parmi nous. Alors, Papa, le regard embué, a embrassé Maman en lui disant « merci »
Safy… quel délicieux prénom, quelle jolie petite sœur café au lait… Safy comme déjà nous l’aimions !
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Publié le 10 Octobre 2012
Publié le 6 Octobre 2012
Publié le 4 Octobre 2012
Pommes d'août
vertes pommes
plaisirs si doux
il faut voir comme
à l'ouvrage petit écureuil
peler, couper, cuire
sans quitter d'un oeil
compotée réduire
tourner, sécher, étaler
mise au frais
deux jours patienter
et tout est fait ?
découper, de sucre enrober
et collent les doigts
enfin le temps de savourer
mum ! que c'est bon ma foi !
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Publié le 2 Octobre 2012
Un mufle ! Triste constat, j’ai épousé un mufle ! Depuis la fenêtre de la chambre à coucher je l’observe se démener de la véranda au jardin. C’est sa deuxième nuit d’insomnie ; deux soirées et deux nuits consacrées à dorloter, agencer et mettre encore davantage en valeur ses bonsaïs. Demain, ce sera pour lui son jour de gloire et il veut être fin prêt. Aucun détail ne doit lui échapper, tout doit être parfait pour le week-end "nous découvrir vos passions" organisé par le comité des fêtes.
Vos passions ! Et dire que si ma collègue Nathalie ne m’avait pas laissé son bonsaï décrépi pour aller ouvrir un salon de toilettage canin aux antipodes nous n’en serions pas là ! Mais voilà, Patrick s’est pris au jeu de le requinquer, il a acheté des livres de botanique, couru les jardineries, visiter des foires, consulter des amateurs… une véritable drogue. Quand ce pauvre prunus a enfin porté ses premières fleurs, il était déjà entouré de dix autres espèces d’arbres nains et mon mari reconnu comme une sommité pour les questions de marcottage, greffage, rempotage, entretien ou taille ; il distinguait aisément les plants fragiles, ceux sensibles au froid, des plantes plus rustiques supportant les rudesses du climat. Fier de sa main verte, il est à ce jour propriétaire de soixante-cinq bonsaïs.
Verte, c’est moi qui le suis de rage à présent et Patrick, ce mufle, ne semble pas s’en apercevoir tout affairé qu’il est par la préparation de son exposition. Comment a-t-il pu prononcer une phrase pareille, comment devant les caméras de la chaîne de télé locale s’est-il laissé aller à me ridiculiser par ce clin d’œil entendu ? Depuis l’interview, j’ai visionné trois fois la séquence consacrée à "Faites-nous découvrir vos passions" et si je dois bien admettre la prestance de mon époux, son élégance naturelle accentuée par une moustache très british, je dois avouer qu’à présent je l’exècre et lui trouve un air rustre et trivial.
Mes mains de toiletteuse me démangent, elles réclament impérativement une paire de ciseaux pour tailler et venger l’affront. Patience, il finira bien par se fatiguer ! Et de fait, le voilà qui s’installe dans le fauteuil-crapaud, son siège de prédilection installé face à ses potées. Patience, patience, il s’endort d’habitude comme une masse, insensible aux bruits extérieurs.
Enfin il dort et quand il dort, il dort ! Doucement, je descends l’escalier, prends au passage la paire de ciseaux la plus aiguisée dans ma trousse de toilettage, traverse la salle de séjour et pénètre dans la véranda éclairée par la lueur orangée des lampes à sodium, alliées des plantes. Dans ma tête la voix de Patrick serine, clin d’œil à l’appui : "Oui, je consacre beaucoup de temps et d’argent aux bonsaïs mais ils m’apportent bien plus de satisfactions qu’une femme"
Tu parles ! Plus de vacances depuis trois ans, plus de petits week-end passés en amoureux, plus d’autres loisirs que les soins aux bonsaïs ; le terrain entouré de grilles rébarbatives, les murs truffés d’alarmes électriques, l’impression de vivre en vase clos voilà ce que je supporte par amour aveugle. Il est urgent de réagir ! Les ciseaux frétillent, impatients. Mes yeux à l’affût se posent sur le ficus panda, admirent le prunier de Java, se voilent devant le poivrier d’Indonésie... Non, je ne vais pas sacrifier notre patrimoine, de plus ces végétaux, eux, sont totalement innocents. Non ! Je me retourne et deux "clic" de ciseaux vengeurs sectionnent les guidons de vélo, fierté de Patrick. Mon mari se réveille en sursaut et s’écrie " Mais Bibiche !" à la vue de ses moustaches enserrées dans ma main gauche.
Fini, plus de Bibiche ! C’est décidé, lundi, la femme du mufle va réserver dix jours de vacances au soleil et le laisser pèpère à ses passions.
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(mes textes sont des fictions )
Photo : wikipédia