Ma gazelle
Publié le 28 Octobre 2012
Elle était malheureuse ma gazelle. Elle si douce, si gracile dépérissait au fil des jours. Au moindre bruit, elle sursautait et ses oreilles se dressaient, inquiètes. Je la voyais sans cesse sur le qui vive, la peur au ventre et face à ses beaux yeux embués de larmes je me sentais impuissante et abandonnée.
Et tout cela à cause d’un buffle mufle !
Oh ! Au début il avait su y faire rien n’était trop beau pour elle, un buisson aux feuilles tendres, un voyage romantique au pied des montagnes, la meilleure place sous les arbres… oui, il veillait à tout pour lui faire plaisir.
Mais sa vraie nature avait rapidement repris le dessus et le buffle mufle rentrait de plus en plus tard. Chaque soir, il s’attardait à tous les points d’eau rencontrés sur sa route et s’abreuvait de cloaques glauques qui lui tournaient le sang. Quand enfin il la rejoignait, il l’insultait, soufflait le chaud puis le froid et les coups de ses cornes rendaient la jolie robe de ma gazelle terne ou sanguinolente.
Elle, se sentait coupable de cette situation ; c’était de sa faute pensait-elle et elle cachait ses déboires au reste du troupeau. D’ailleurs qui, à par moi, se souciait d’une petite gazelle ?
Enfin, les lois de la savane évoluèrent et ma gazelle mieux informée de ses droits déposa plainte auprès du roi Lion. Celui-ci rendit son verdict et intima l’ordre au buffle mufle d’aller brouter et réfléchir dans une parcelle éloignée de la horde. La tête basse, il s’était exécuté.
Depuis, ma gazelle a repris du poil de la bête et il n’est pas rare de la voir en
compagnie d’un beau zèbre à la longue crinière, un artiste sans doute ?
Et moi dans tout cela ? Je continue à l’observer et j’attends le moment où, comme avant, elle me caressera le bout du museau, me tiendra au creux de sa patte et face à son miroir lumineux à l'étrange nom de Pécé, inventera des histoires et recréera le monde à sa manière.
S. : Petite Souris
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Peinture : Ljubomir Milinkov