Publié le 10 Juillet 2022

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Ma Francinette, je l’adore !

On se comprend d’un regard. Regard qui parfois en dit long.

Ce ne fut pas toujours le cas, je l’avoue bien humblement. Pensez, une vie commune de près de quarante ans ce n’est pas tous les jours une sinécure.

Il y eut la période rouge (oui, il faut s’y faire, j’aime mettre de la couleur dans mon quotidien), rouge comme ma bagnole un peu sport, du moins je tentais de m’en persuader. J’avais 25 ans et aux dires de ma Francinette chérie la pédale de gaz était sollicitée plus que de raison.

- Armand, voyons, lève le pied, tu vas encore te choper une contravention carabinée et tu sais que notre budget est serré.

Carabinée ? Ha, ha, elle me faisait marrer avec cette expression d’un autre temps. Je rigolais moins quand il me fallait ouvrir le portefeuille face à un gendarme peu accommodant…

Du rouge, je suis passé au grenat. Pas de grande nuance me direz-vous et pourtant ce période grenat a laissé des traces, je suis devenu un expert en vins grâce à mon job de représentant commercial d’une grande appellation dont je tairais le nom.

La semaine terminée, je ne pouvais m’empêcher de savourer l’un ou l’autre cru au grand dam de ma Francinette chérie.

- Tu lèves le coude plus que de raison, Armand, ce n’est pas sérieux, répétait-elle.

Le grenat me plaisait énormément, pourtant vint un matin où je fus las de parcourir le pays en tous sens et je cherchais un autre boulot.

Période jaune comme, hum, passons…

Ce travail me dévorait, volait ma jeunesse, je n’avais plus le temps de voir ma vie s’écouler tellement je consacrais du temps à faire du chiffre d’affaires. Je ne voyais quasi plus Francine (oui, à l’époque jaune, ce n’était plus ma Francinette chérie) et parfois quand une journée de travail interminable s’achevait enfin, je n’avais pas le cœur de rejoindre notre foyer. Jaune ! Trompée, elle l’était ma pauvre compagne et je n’en suis pas fier.

- Je t’en supplie, Armand, lève le pied, ce boulot te dévore, nous dévore. A quoi bon continuer à vivre ensemble si l’on ne se voit plus ?

Un évènement inattendu changea alors notre triste destin. Un matin, alors que l’aube pointait à l’horizon et que j’étais déjà sur le départ pour rejoindre mon bureau je découvris un chiot tremblant de froid ou de désarroi devant la porte du garage. Moi qui avais toujours rêvé d’un chien je n’y fus pas insensible et je l’embarquais dans la voiture recouvert d’un plaid. Il jappait de bonheur et je n’étais pas loin d’en faire pareil.

Francine à son tour fit ravie de cette compagnie au pelage soyeux. Elle ne cessait de le caresser, de le cajoler et enfin, ensemble, nous trouvions le temps de faire, en compagnie de Noisette, de longues promenades dans les bois.

Fini le jaune funeste, la période noisette avait commencé et elle perdure encore à l’heure qu’il est.

Ma Francinette chérie, fine mouche, m’avait suggéré de postuler pour un emploi au plein air où Noisette pourrait m’accompagner. Je ne me fis pas prier et c’est avec bonheur que je suis devenu garde – homme à tout faire dans un domaine privé où j’ai coulé des jours heureux.

Noisette a vécu une belle vie à nos côtés. D’autres chiens lui ont succédé mais la période noisette est toujours de mise à l’heure où sonne ma retraite.

Ma Francinette, je l’adore ! On se comprend d’un regard… ou d’un geste. Il me suffit de lever le pied et elle devine que je veux prendre du bon temps et me reposer un peu.

Pourvu que cette période noisette se prolonge encore et encore !

Et vous, avez-vous également une période de prédilection ?

 

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