un peu de moi par ci par la

Publié le 8 Mai 2021

 

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Parfois c’est un cri d’oiseau, jacassements de pie, chant d’amour printanier d’une grive, ou le glapissement de son discret voisin, le renard, sorti de son antre un peu plus haut sur la colline, parfois un moteur d’avion en phase d’atterrissage ou simplement son compagnon se retournant dans le lit à ses côtés qui la réveillent. Parfois aussi, elle doit bien se l’avouer elle ne dort pas mais maintient ses yeux fermement clos.

Angoisse. Et si…

Elle ouvre alors son troisième œil, celui qu’elle seule perçoit concrètement au milieu de son front. D’abord, elle regarde en elle et se voit bien là, chez elle, entre le jour et la nuit.

Lune ou soleil ?

Soleil ! Elle veut y croire !

Se forcer à ouvrir l’œil gauche, l’œil droit, apercevoir l’heure affichée sur le réveille-matin ou les premières lueurs de l’aube sont des victoires.

Pour combien de temps encore ?

Dans son sang coule un produit dont l’amertume est sensée faire reculer une échéance qu’elle redoute, si ce n’est la guérir définitivement de cette maladie qui peut la priver de la vue.

Le troisième œil l’aidera quoi qu’il arrive, elle en est persuadée il sera son allié.

Tout à l’heure, ou demain, elle se décidera à le représenter dans un dessin.

Qui comprendra sa symbolique ?

 

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Christian Schloe - clic et clic

Pour Mil et une : sujet 12/2021 - clic

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Publié le 27 Mai 2020

Philharmonie de Paris - clic et clic

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Mon aïeul Pépé DD et moi, nous fêtons aujourd’hui notre anniversaire. Moi, j’ai quatorze ans et lui quatre-vingts mais c’est Mémé Kiki la plus âgée de la famille. Pépé DD dit souvent « Kiki tu es notre chef d’orchestre ! » Je vois alors Mémé Kiki sourire mais d’une façon un peu tordue. Pourquoi ? Je ne l’ai pas encore découvert.

 

Ce soir a également lieu le concert de notre harmonie dans la salle des fêtes du village. Papa, qui la dirige depuis peu et doit faire ses preuves, est un brin nerveux. Moi, je lui ai dit «cool Dad, tout ira bien tu peux compter sur nous »

 

Pépé DD au tuba, Papy, son fils et mon grand-père, à la clarinette et moi, Arthur, à la caisse claire à défaut d’une batterie complète, nous veillons au grain, à la bonne humeur entre les musiciens et tout et tout…

 

Mon aïeul, en plus de fêter ses quatre fois vingt ans, fête également son soixantième concert annuel, ce n’est pas rien ! (Je l’appelle toujours mon aïeul parce qu’il est une des racines de mon arbre généalogique, celui que Maman avait tracé quand j’étais môme pour m’aider à m’y retrouver dans les membres de ma famille paternelle)

 

Le président de notre harmonie fait monter Mémé Kiki sur scène aux côtés de Pépé DD et lui offre un bouquet de fleurs avant d’entamer un petit discours en l’honneur d’André, notre membre jubilaire comme il nomme mon aïeul. Mémé Kiki resplendit sous son originale bien qu’habituelle crinière rouge et je suis fier d’elle comme je le suis de Pépé DD à la longue barbe tressée !

 

Les applaudissements fusent, enfin nous allons pouvoir nous exprimer, mes baguettes en frétillent d’impatience. Papa s’avance, salue le public mais au lieu de se tourner vers nous les musiciens, hommes et femmes vêtus de notre uniforme vert cactus, il tend la baguette de chef d’orchestre à Mémé Kiki, sa grand-mère, mon aïeule (j’insiste pour que vous suiviez bien mon arbre généalogique) qui n’a pas encore quitté la scène pour rejoindre sa place.

Un sourire aux coins des lèvres, Mémé Kiki s’incline brièvement vers la salle, se dirige vers le pupitre, feuillette rapidement une partition, donne trois coups brefs sur le bois du lutrin tout en nous toisant. J’en ressens des frissons le long de mon échine.

 

Geste suspendu… Un, deux ! Les bras donnent le tempo, virevoltent, insistent à gauche, à droite, indiquent l’arrière des rangs, calment la vigueur, la ressuscitent et c’est « La vie est belle » qui s’envole du sol au plafond, se répand de nos instruments jusqu’au fond de la salle subjuguée par tant de vigueur.

 

A la fin du morceau et des applaudissements enthousiastes couronnés de quelques « bis », Pépé DD rejoint son épouse qu’il embrasse, se saisit d’un micro et déclare « je l’ai toujours dit, Christine, ma Kiki, est une vraie chef d’orchestre et oui, LA VIE EST BELLE !

 

Ensuite le concert reprend son déroulé normal sous l’égide de mon père…

 

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Mémé Kiki me racontera peu après comme elle aurait aimé, elle aussi, jouer d’un instrument de musique, s’intégrer dans la fanfare de son village natal… autre temps hélas où les filles n’étaient pas prises en compte dans ce genre de loisir… elle me dira que mon père, touché par ce manque qu’il ressentait en elle, lui avait dit qu’il n’y avait pas d’âge limite pour se faire plaisir et lui avait offert ce bon moment de partage-surprise avec des musiciens…

 

Oui, la vie peut être belle ! 

 

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Pour Mil et une sujet 21/2020 - clic et clic

Ce texte est une suite de clic

 

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Publié le 1 Mars 2020

 
J’aurai une armure et un casque avec un beau panache de plumes blanches et puis mon cheval sera blanc lui aussi, disait Gwendoline.

 

Arthur, son frère, occupé à trier ses nombreux chromos de footballeurs, ricanait : tu as déjà vu un chevalier à lunettes ? Et puis tu n’es qu’une fille…
 
- Et alors, Jeanne d’Arc aussi c’était une fille ! Tu n’as aucun imaginaire, pauvre crétin.
 
Et Gwendoline continuait à rêver sa vie. Tantôt fière chevalière, tantôt princesse choyée en son beau château perché. Parfois elle changeait de registre et partait à la découverte d’animaux étranges vivant dans des contrées lointaines. Elle était l’émule de Christophe Colomb et voguait sur la Nina ou sur la Pinta. A moins que ce ne soit sur la Santa Maria ? Bof ! Peu importe si il y avait une petite entorse à l’histoire, seule comptait l’aventure.
 
Au fil des livres et des bandes dessinées choisis dans les rayons fournis de la bibliothèque de son village, elle vivait ainsi une multitude d’aventures plus passionnantes les unes que les autres. 
 
Le Japon, si lointain que le soleil s’y levait, l’Egypte et ses pyramides majestueuses peuplées de momies, la Sibérie ou le Pôle Nord dont les seuls noms évoquaient un froid si intense qu’elle en tremblait, la jungle touffue et ses lianes tombant de la canopée, la Bretagne ou la Scandinavie aux mystérieuses légendes, la mer profonde de vingt mille lieues, l’île au trésor, les dessins rupestres ornant les grottes préhistoriques ou même la Lune là-haut dans le firmament… il y avait tant à découvrir et rien ne la rebutait.
 
Son frère se voyait le meilleur buteur de tous les temps (quel crétin !)
 
Gwendoline, c’était décidé, serait exploratrice !
 
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Arthur, après son travail à La Poste, entraîne une équipe de juniors et se donne à fond auprès de ces jeunes parmi lesquels, qui sait, germera peut-être un futur Ronaldo.
 
Gwendoline quant à elle gère désormais la bibliothèque municipale et à son tour conseille les lecteurs de tout âge, aux goûts divers.
 
Chacun à leur façon, ils sont les héros de leur propre vie et une complicité fraternelle jamais prise en défaut est un de leurs plus grands trésors.
 
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Pour Mil et une - sujet 9/2020 - clic
Illustration de Norman Rockwell - clic et clic
 
 

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Publié le 6 Mars 2019

Françoise Lesage - clic

 

Il y eut la communale : découvrir la lecture, les divisions, les soustractions…

Ce que préféraient Noémie, Noëlle et Nora, contrairement à leurs condisciples séchant sur le sujet, c’était la règle de trois mais aussi les sciences avec l’anatomie en tête.

 

Phalange, phalangine et phalangette, avait un matin énuméré l’instituteur en pointant sa grande règle sur l’index de la main géante affichée au tableau.

Alors, abandonnant les trois No dont elles se qualifiaient depuis la fin de la maternelle, Noémie, Noëlle et Nora décidèrent à la récré suivante que désormais elles porteraient le nom de Phalange, Phalangine et Phalangette. 

Qui était l’une, qui était l’autre, qui la troisième ?  Peu importait, elles ne formaient qu’un seul doigt pointé vers l’avenir.

 

Il y eut l’adolescence, les premières amours, le choix des études.

Phalange, Phalangine et Phalangette bien qu’ayant opté pour des orientations différentes se retrouvaient toujours avec le même bonheur à l’Académie de musique.

Les leçons de solfège étaient loin déjà et à présent chacune chantait et pinçait ou grattait avec bonheur les cordes d’un instrument : guitare pour deux d’entre elles, contrebasse pour la troisième.

 

Il y eut le fil de la vie… deux mariages, le boulot, l’attente du grand amour qui tardait, le boulot, les enfants, le boulot, Noël, le boulot, mardi-gras, le boulot, Pâques et déjà l’été finissant…

Des jours ensoleillés, des petits matins gris. Quelques jours de vacances en trio qu’elles s’octroyaient tous les deux ans avec parfois un petit pincement au cœur.

Allons, disait l’une à celle qui se culpabilisait, ils se débrouilleront bien sans toi.

 

Il y eut des questionnements : n’ai-je pas fait fausse route ? / Pierre et moi ce n’est plus ça. Ferions-nous mieux de divorcer ? / J’ai une furieuse envie de créer ma propre entreprise mais où trouver les fonds ? / Ma fille est partie vivre avec son copain, comment vais-je surmonter son départ du cocon familial ? / Mon fils à l’autre bout du monde va être papa pour la troisième fois. Six fois grand-mère en tout, qui aurait prédit cela ?/ Je suis vouée au célibat, peut-être est-ce mon destin ? / Nous approchons à grands pas de la retraite sommes-nous vieilles déjà ?

 

Mais toujours la musique les réunissait avec le même bonheur et pour fêter en trio leur anniversaire elles décidèrent d’inviter leurs proches à un petit concert surprise.

 

Il y eut des oh ! des ah ! des rires et des applaudissements quand elles apparurent sur scène déguisées d’une perruque formant un petit chignon blanc au sommet de leur tête, d’une robe rouge enfilée sur un pantalon noir et garnie d’un large tablier aux carreaux assortis à leur paire de pantoufles confortables. Et l’ambiance continua à monter au fil des morceaux parfois endiablés, choisis parmi ceux des décennies passées mais aussi à la grande joie des plus jeunes parmi le top du moment.

 

Et face à tous, Noémie, Noëlle et Nora, Phalange, Phalangine et Phalangette, prouvèrent avec humour et talent qu’elles étaient femmes de hier, d’aujourd’hui, de demain mais amies pour toujours !

 

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Pour Mil et une - sujet 09/2019 - clic

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Publié le 24 Février 2019

 

Daria Petrilli - clic et clic

 

Avoir une épaule sur laquelle s’épancher

 

Main dans la main suivre le chemin de la vie

 

Ne pas douter de leur force, jamais

 

Encore rire, se souvenir, partager, se reconnaitre

 

Se perdre de vue un temps... une heure ? un an ?

 

Ignorer mais pressentir un besoin, un non-dit

 

Et pour toujours savoir ce lien du sang qui les unit

 

 

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 Pour Mil et une - sujet 08/2019 - clic

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Publié le 26 Janvier 2018

Et cela continue, encore et encore... (clic et clic)

L'actualité repasse les plats rances. Le chaud et l'effroi sont au menu une fois de plus.

Et moi ?

Moi, j'ai le blues et je réédite un texte écrit en 2010 et publié ici en 2012.

2010 :1672 emplois perdus chez Carrefour Belgique

début 2018 :1233 emplois à supprimer chez Carrefour Belgique                            

Même combat !

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Jean-Luc, Martine, Dany, Chantal, Jean-Yves, Guido, Colette, Françoise ...

Tout le monde il est beau ! Tout le monde il est beau ! Marc, Marie-Christine, Sabine, Ulla…tout le monde il est beau….

Joëlle, Jonathan, Myriam, Béatrice… et puis, Elle, la mille six cent septante deuxième… Elle qui chantonne comme Zazie.

 

Ploc ! fait une goutte d’eau dans l’évier.

Marie, Jean, Nicole, Brigitte, Christian, chante-Elle

Ploc ! fait la goutte suivante.

Elle se fiche de ce bruit monotone comme elle se fiche de la table encombrée des reliefs du petit-déjeuner et du café qui vieillit dans le percolateur.

Faudrait aérer les chambres à coucher, trier le linge sale, l’engouffrer dans le lave-linge, vider le lave-vaisselle, rafraîchir la salle de bains… Faudrait…

 

Mille six cent septante deux !… 1672 ?…

Google lui répond :

Louis XIV - Guillaume III d’Orange - Batailles - Traité de Nimègue

Rien de neuf sous le soleil.

« Tout le monde il est beau »

 

Ploc ! fait l’eau têtue.

Miaou ! fait le chat.

Pour son vieux compagnon elle daigne se lever de sa chaise, entrouvre la porte donnant sur la terrasse et le laisse sortir. Il pleut.

Elle allume la télé, coupe le son, regarde les images sans les voir vraiment puis elle saisit un livre, le redépose… faudrait aller à la bibliothèque, à la boulangerie… faudrait… mais elle paresse.

 

« La jeune fille rebelle » Ce titre l’attire à nouveau. Elle reprend le livre, le caresse et se souvient de cette après-midi pas si lointaine où elle a savouré sa lecture, la comparant à un caramel tendre qui lentement fond dans la bouche. Il neigeait… les oiseaux envahissaient la mangeoire. C’était il y a un siècle, une éternité. Elle n’était pas encore la mille six cent septante deuxième.

« Tout le monde il est beau »

 

Elle s’allonge dans le divan parmi les coussins moelleux, ne pense à rien, n’imagine rien. Son corps et son cœur sont lourds. Mal… mal dans sa peau… Elle s’attarde, elle musarde, elle flemmarde, elle lézarde et c’est bien ainsi.

Guy, Marguerite, Edgard, Monique, Josiane, Roger… la liste est longue… Elle n’en connaît qu'une centaine parmi les mille six cent septante et un. Comme eux elle est à un Carrefour de sa vie, comme eux, elle fait partie de ces petits travailleurs besogneux sacrifiés sur l’autel de la rentabilité effrénée.

« Tout le monde il est beau »

 

Tout à l’heure, elle ira rejoindre le groupe.

Tout à l’heure, elle fera partie du piquet de grève.

Faut pas prendre les salariés pour des « gogo’s » et s’en débarrasser comme on le fait avec ces jouets "offerts" contre un passage aux caisses de l'hypermarché. Faut pas ! Mais pour l’heure, elle paresse c’est sa seule défense. 

 

 

Ploc ! Ploc ! Goutte après goutte l’eau remplit l’évier.

Miaou ! Le chat se frotte contre la vitre, il veut rentrer.

 

mars 2010 - janvier 2018

 

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Publié le 12 Janvier 2018

Yto Barrada - source image - clic

- Habille-toi chaudement et enfile tes bottes fourrées, j’ai besoin de ton aide, avait dit Papa.

Je n’avais pas répondu mais mon visage à lui seul devait exprimer mon dépit. Pourquoi me désigner moi et pas mon frère aîné, lui qui sautait sur le moindre prétexte pour s’échapper de la maison et fuir ses devoirs de math ou d’anglais ?

Maman, fine mouche, avait glissé dans ma poche sa petite lampe-torche tout en chuchotant : tu verras, tu n’en auras pas besoin.

Pas besoin, pas besoin !  Ecœurée, je ronchonnais entre mes dents. Mes parents ne savaient-ils pas que j’avais horreur de l’obscurité, qu’elle me tétanisait ? Pourquoi cet éboulement de terre bloquant la route avait-il eu lieu dans l’après-midi ? Pourquoi Papy s’obstinait-il à vivre seul dans cet endroit reculé ? Pourquoi était-il cloué dans son fauteuil par une terrible crise de sciatique ?

Alors que nous avions quitté le village et gravissions la colline à travers les pâturages, je m’obstinais dans mon dépit et dans mon refus de donner la main à mon père. Je n’étais plus une môme quand même, j’avais treize ans, il y allait de ma fierté !

Mon père ne disait mot, seul son souffle accentué par le poids du sac à dos me réconfortait quelque  peu. Dans ma poche, ma main enserrait la lampe-torche. Allais-je l’allumer ? Ma fierté, une fois de plus me freinait. Mon frère aurait dit : toi et ton fichu caractère de cochon !

Cochon ? Non, ce n’était pas un cochon qui venait d’émettre ce bruit qui m’avait fait sursauter, les cochons étaient enfermés dans la porcherie de Jacques, à l’autre bout du village…

- C’est une vache qui tousse dans la prairie à côté, bientôt le gel sera là et le père Blanchard rentrera le troupeau à l’étable, avait précisé Papa.

Brrr, un frisson m’a parcouru de la tête au pied et pourtant je n’avais pas froid, bien au contraire la marche activait mon sang, mais cette nuit noire semblait tellement hostile qu’elle m’étreignait dans son étau.

Comment mon père faisait-il pour se diriger si précisément vers les échaliers nous permettant de passer d’une parcelle à l’autre, comment ne butions-nous pas contre les haies d’épines et de sureau ? Avait-il des yeux de chat ?

Flisch, flisch, faisaient nos bottes dans l’herbe humide. Schh, schh, chuchotait le vent à nos oreilles. Hou, hou, ironisait un oiseau de nuit dérangé dans sa chasse par notre passage.

Alors que nous avions entamé la descente de l’autre versant de la colline un avion dans le ciel a semblé nous faire des clins d’œil de ses feux réguliers. Le renard vivant dans le trou Malbrought les observait-il lui aussi ?

Et les lièvres ? Les belettes et les fouines ? Tout ce petit monde de la nuit ?

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Papa est allé nourrir et soigner les lapins installés dans les clapiers abrités dans la grange. Les trois poules perturbées de rejoindre si tard leur abri n’ont pas manqué de faire entendre leur mécontentement. Papy, pour qui j’avais réchauffé le repas préparé par Maman, a ricané lui aussi. Ah ! Les canailles, elles ont eu peur de se faire croquer par maître Goupil !

J’ai risqué une question… Comment Papa, son fils, connaissait-il si bien la colline et dans le noir en plus ?

- Hé, hé, tout cela, c’est grâce à ta mère, il la rejoignait au village quasi tous les soirs et le chemin est plus court à travers tout. Ensuite…, une grimace de douleur a interrompu sa phrase, …ensuite, il a acheté une mobylette… mais tu sais on voit très bien avec ses oreilles et même en couleurs…

Voir avec ses oreilles ? La fièvre devait embrumer le cerveau de Papy !

Pourtant, sur le chemin du retour, alors que mon grand-père était enfin bien installé dans son lit, j'ai pensé que oui, on voyait très bien avec ses oreilles et j’ai pris la main de mon père que j’ai serrée furtivement mais très fort en chuchotant : merci d’avoir pu t’accompagner.

Quand j’ai déposé la lampe-torche sur la table Maman m’a lancé un regard pétillant de malice et mon frère a cru bon d'ironiser : alors, pas trop noire la nuit ?

Je ne lui ai pas tiré la langue ou fait un pied de nez, non, cette obscurité, étrangement, m’avait fait grandir….

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Pour Mil et une - clic

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Publié le 30 Juin 2017

 

Aujourd’hui elle s’est levée tôt. Dès sept heures, la cuisine était en effervescence et dans l’extracteur de jus la vapeur d'eau bouillante faisait gonfler et éclater les groseilles rouges. La météo annonçait la pluie tant attendue par la nature aux alentours mais cependant aucune goutte d’eau ne se manifestait. Bien au contraire, la chaleur lourde se mêlait à celle de la cuisson et, pour ressentir un léger courant d’air, elle a ouvert la porte-fenêtre donnant sur la terrasse.

De la table extérieure où il trône, Nain de Jardin lui a fait un clin d’œil "Bon courage"

Stériliser les pots, mesurer le jus de la première fournée, relaver le matériel, mettre en route une deuxième cuisson puis faire cuire le liquide vermeil avec du sucre gélifiant…

Et touille, et touille et tralala !

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- Dix-huit pots de gelée ! Qu’en dis-tu Nain de Jardin ?

- Ah ! tu te souviens de moi ! Tu fais enfin une pause.

- Allons, ne fais pas ton coquet ! Viens que je te prenne en photo avec le fruit de mon labeur.

- Je ne t’ai pas entendue chanter en travaillant…

- Hé non, j’étais plongée dans mes pensées.

- Mais dis-moi, tu annonces dix-huit pots et je n’en compte que dix-sept. Aurais-tu succombé à la gourmandise ?

- Toi par contre, je t’ai entendu rire et fredonner.

- Ne détourne pas la conversation, il n’y a que dix-sept pots de gelée…

- Et gnnn, et gnnn ! Reste zen, Nain de Jardin, tu le chantais si bien tout à l’heure. Zen, soyons zen ! Toute la chanson de Zazie y est passée. clic

- C’était pour t’envoyer du sang-froid dans les veines.

- Du sang-froid ? Pour moi ?

- Tu me traites de coquet mais toi, tu es d’une mauvaise foi incroyable.

- Moi ?

- Oui, toi qui jurais si fort il y a moins d’un quart d’heure.

- Pfff ! Ne connais-tu pas ma maladresse légendaire liée aux gelées et autres confitures ? clic

- Je suis nouveau ici, moi, tu l’oublies.

- Dix-sept, dix-huit, peu importe je n’ai pas fait de casse c’est déjà cela.

Mais dis-moi, les nains de jardins n’ont-ils pas pour mission de donner un coup de main ?

- Au secours ! Remets-moi au plus vite à ma place de prédilection.

- Pff ! Tous pareils quand apparaissent raclette et serpillière…

Zut, que c’est collant cette gelée de groseille éparpillée partout ! Et dire que pour une fois, j’avais mis mes lunettes…

Dix-huit pots, point à la ligne ! Et tant pis si un est déjà vide.

 

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Publié le 11 Juin 2017

Aujourd'hui matin, Grand Sachem et Sioux pédalent courageusement à travers monts et vallées.

Elle, elle se rend au jardin, l'appareil photo à la main.

Déjà, elle se sent fébrile...

 

C'est que même réglé sur la fonction automatique, ce petit engin l'angoisse un brin.

- Allons, lui souffle Nain de Jardin, regarde-moi, ma zénitude te fera du bien !

 

Nain de Jardin, c'est son nouveau compagnon. Il a pris ses aises sur la petite table de terrasse peu avant Pâques et depuis semble content de son sort.

 

Comme en réponse elle le saisit dans le viseur tandis que lui rigole de plus belle !

- Tu vois, ce n'est pas si difficile !

 

Et un clic par ici, et un clic par là...

Les primevères et les iris d'eau offrent leurs dernières couleurs ; le saule pleureur malmené par les gelées tardives tente lentement de se remplumer... 

Au bord de la petite mare des cierges jaunes se dressent fièrement. Ici, une lavande, là quelques géraniums et deux jeunes clématites qui, adossées au mur, ont remplacé le vieux rosier.

Toute la végétation a souffert de la sécheresse puis du vent fou et de quelques trombes d'eau ou de grêle. Lentement, elle se remet des épreuves subies.

 

Au potager, les courgettes stagnent, n'osant pas encore prendre leur bel essor tandis qu'au pied de la haie de mignonnes fraises sauvages sont fidèles au rendez-vous printanier.

Le lierre au vert tendre leur fait un écrin tout en douceur. Le houx de son côté prépare ses décorations hivernales.

 

Elle observe le ciel bleu parsemé de nuages blancs puis pénètre dans le grand parterre, véritable sous-bois, refuge d'une faune et d'une flore particulières. Un passage est bien marqué au bas de la clôture. Porte ouverte au lièvre et au renard qui souvent visitent les lieux ?

 

Mais voilà que, déjà, deux casques rouges pendent au fil à linge.

Les sportifs ont le ventre creux !

Un dernier clin d'oeil s'échange avec Nain de Jardin...

 

A la soupe la troupe ! 

Et tant pis si les photos ne sont pas très nettes...

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Publié le 26 Mars 2017

 

 

Photo 1 : Gare maritime d’Ostende. Moi, les yeux embrumés pour cause de réveil aux aurores tentant de suivre Thomas, trois ans, curieux et impatient de monter à bord du grand bateau. Si seulement ce bout'chou cessait de slalomer entre les valises et les jambes des nombreux touristes et avait la bonne idée d’accepter de s’asseoir un instant dans la poussette-canne !

Photo 2: Mon mari harnaché de son fidèle sac à dos brandit enfin les tickets P§O, sésame pour la traversée aller-retour de la Manche.

Photo 3 : Ce cliché prit par un ado sympa montre la souriante petite famille regroupée sur le pont du géant avec en toile de fond la ville d’Ostende et son quai des Pêcheurs.

Photo 4 : Thomas dans les bras de son père observe le port dans les jumelles bien trop grandes pour lui. Autour d’eux, étendus sur des banquettes ou à même le sol, de jeunes écossais à moitié ivres s’endorment déjà enroulés dans des sacs de couchage. Surgissant d'un haut-parleur une voix agressive vient d’annoncer le report de l’heure d’appareillage.

Photo 5 : Thomas et moi sommes attablés dans le self-service pour un deuxième petit-déjeuner. Le train Cologne-Ostende ayant quarante-cinq minutes de retard, nous devons attendre les passagers en transit vers l’Angleterre.

Photo 6 : Brouillard ! Il a profité de notre repas pour s’installer sournoisement ; le quai des Pêcheurs est à peine visible. Les retardataires arrivent enfin.

Photo 7 : On pense y deviner l’estacade ou alors est-ce la mer ?

Photo 8 : Thomas bercé par le bourdonnement du moteur de la malle "Princesse Clémentine" s’est endormi dans un fauteuil du salon. Rien à voir sur le pont ! Nous naviguons dans un épais brouillard. L’appareil photo et les jumelles regagnent le sac à dos.

Photo 9 : Débarquement du père et du fils à Douvres. C’est à peine si je les situe dans le viseur de l’appareil photo. Rien vu de la manœuvre d’entrée dans le port. Rien vu des falaises blanches qui me faisaient rêver.

Photo 10 : Thomas cherche son équilibre intrigué par le quai flottant sur lequel nous attendons l’Overcraff pour rentrer à Ostende. En arrière plan, ma mine défaite laisse entrevoir qu’en plus du brouillard il y a de l’orage dans l’air. Normal, je m’étais fait une joie de ces premiers pas en Angleterre et ils se sont arrêtés à côté d’un bus dans lequel s’engouffraient les autres passagers. Mon mari n’ayant pas voulu y monter prétextant qu’avec ce foutu temps nous n’allions pas nous repérer pour retrouver le port éloigné de la ville. "Tu parles anglais toi ?" Et bien non, peste, pas plus que lui je ne pratique la langue de ce fameux William S.

Photo 11 : Moi, le nez plongé dans mon porte-monnaie, j’essaye de ne pas paniquer de me savoir propulsée à grande vitesse au raz d'une mer invisible. Et dire que le matin même je craignais d’avoir emporté trop peu de livres. Pas dépensé un penny !

Photo 12 : Le trio saisi par l’hôtesse de bord. Au centre, Thomas lui demande : "la mer et l’Angleterre c’est que du brouillard ?"

Photo 13 : Arrivée au port de l’Overcraff. Ostende s’offre à la pellicule sous une percée des rayons de soleil. Les aventuriers n’en mènent pas large.

 

Depuis cette ancienne aventure, la vieille estacade en bois a fait place à une nouvelle jetée, les allers-retours des malles ne ponctuent plus les journées et les appareils photos sont numériques...

 

Mais le plaisir de revoir la mer de temps à autre est toujours au rendez-vous !

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Photo d'en tête - Mil et une  - réédition pour Mil et une mars 2017 - clic

Carnet de voyage - extraits
Carnet de voyage - extraits
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Carnet de voyage - extraits
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Publié le 11 Mars 2017

Je parie, six sonneries et ça décroche… tu vois, pile six…

Et gna, gna, gna … ouais ! je sais… "… appuyez sur la touche un pour…

 

Trois fois de suite sans les joindre, tu parles si je connais la manoeuvre…

Et gna, gna, gna…. "Pour…" la touche trois, hop ! c’est fait…

Pas vrai, revoilà l’autre débile… si je l’avais en face de moi celui-là ses oreilles s’échaufferaient… Comment c’est possible un discours pareil… ça se veut branché… des machos-misogynes, princes du sous-entendu, oui !

 

Non, mais réécoute-moi ça… "Toutes nos poules sont occupées à caqueter. Dès qu’une se libère, elle est à vous…" et en plus cette musique débile : une poule sur un mur... clic

 

Toutes nos poules ? Imagine ces pauvres filles… pour mériter de quoi s’acheter une cuisse de poulet se faire traiter de poules qui caquettent… et à longueur de journée en plus... ?

"Est à vous"… doivent en recevoir des propositions salaces… Pff ! ça va durer encore longtemps ? Pas que ça à faire moi ! Et cette musique… Et les euros qui s’envolent…

 

"… Dès qu’une"

- Bonjour, puis-je vous aider ?

- Bonjour. Je vous plains sincèrement.

- Ah bon ! Pourquoi ?

- Se faire traiter de poule qui caquette me semble insupportable. Il faut réagir Mademoiselle et mettre le coq au pas.

- ...(Rires gênés)

 

Pas encore sortie du poulailler la pauvre… bande de misogynes et de poulettes naïves…

Et dire qu’il faut gagner sa vie.

 

Cela se passait il y a une dizaine d'années. Les choses ont-elles évolué ???

N'en suis pas sûre !

 

clic 

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Pour Mil et une - mars 2017 - clic

 

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Publié le 1 Février 2017

Elles sont coquettes, les filles du menuisier ! (ici sans l'aînée)

L’exclamation spontanée recèle une pointe d’envie, de jalousie non avouées, mais les quatre filles du menuisier n’en ont cure. Toujours élégantes, elles ont la satisfaction d’étrenner une nouvelle jupe, un chemisier pimpant, un col en dentelle ou une écharpe et des gants bicolores…

En ces années de guerre dénicher un coupon de tissu ou quelques pelotes de laine à un prix abordable est pourtant difficile… Mathieu, leur père, n’est pas bien riche… Certes, Julia, l’aînée, est mariée à présent mais voilà ses deux petits qui grandissent si vite tout aussi mignons et bien vêtus… comment font-elles pour être si joliment présentables se demandent les bonnes gens ?

Maria, leur mère, sourit aux réflexions que l’un ou l’autre lui rapporte. Malgré les privations endurées en cette terrible période de conflit, elle est heureuse de ressentir chez ses filles l’élan de la jeunesse qui ne se laisse pas abattre et croit en la vie. Ne pas se négliger n’est-ce pas résister ? Alors, attablée à sa machine à coudre, Maria aux doigts d’or coud !

Dans le tissu retourné d’un vieux pardessus élimé de son époux, elle taille une jupe droite pour Betty, la plus jeune. Une robe brune confectionnée à partir d’anciennes tentures se voit agrémentée d’un jabot blanc amovible - un voilage déchiré et récupéré - ou d’un col orange et d’une ceinture assortie tirés d’une robe de la grand-mère paternelle. Ainsi, Anna, la troisième, a deux tenues au choix…

Les anciens pulls se détricotent, la laine lavée et séchée est boulée en pelotes et reprend vie. Au gré des aiguilles et de la fantaisie de l’une ou de l’autre, les coloris se côtoient, les motifs originaux apparaissent…

Quand les risques de bombardements se font plus intenses, que les habitants du hameau trouvent abri dans la grotte au flanc de la colline, Maria se refuse à quitter la maison et malgré le couvre-feu continue ses travaux d’aiguille.

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Les américains sont là ! Les américains sont là !

La nouvelle se répand à la vitesse de l’éclair. Un hôpital militaire est dressé dans une prairie en bord de route. En ce pays, entre Meuse et Rhin, des combats sanglants se poursuivent, au loin,  aux abords d’Aix-la-Chapelle… clic - clic

Chez le menuisier, les boys passent parfois la soirée et racontent leur quotidien, là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique.

Le petit Jo, traduit par Betty, évoque les immenses étendues broutées par des troupeaux importants. Maria, la mère, s’étonne et plaint les fermiers qui doivent traire autant de vaches par jour.

Rires !

Comment imaginer cette vie démesurée !

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- Maman, regarde ce que je ramène !

Aidée par le petit Jo, Eva, la deuxième fille, présente à sa mère un rouleau immense d’un tissu, blanc sur l’endroit et brun sur l’envers, qu’elle a pu obtenir au stock américain.

Maria le soupèse, le caresse, lui trouve belle allure et bon maintien.

- Il doit être imperméable. Avec un tel métrage, j’ai de quoi confectionner une gabardine pour chacune.

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- Elles sont coquettes, les filles du menuisier !

Oui, elles étaient coquettes, ma grand-mère, ma mère et mes tantes. Et même si il s’avéra que le tissu bicolore était réservé à l’inhumation des soldats allemands abattus  par l’armée américaine, la jeunesse et sa foi dans la vie avaient été les plus fortes.

Il se raconte que la robe de mariée d’Eva, ma maman, a été conçue au départ d’un tissu de parachute américain.

Est-ce vrai ou n’est-ce que légende ?

Betty, ma tante, nous aiguille vers la légende…

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 Pour Mil et une - clic - semaine 16/2016 d'après un tableau de Vicente Romero Redondo - clic

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Publié le 20 Janvier 2017

Aujourd'hui, elle (08)...renoue avec son blog.

Aujourd’hui elle renoue avec son blog et comme après un voyage long de plusieurs mois il lui faut retrouver ses marques. Tout d’abord elle ouvre en grand les fenêtres pour aérer, jette un regard à la ronde et s’exclame : tiens le papier peint est de ce ton, je ne m’en souvenais plus ! Mumm…il est un peu défraîchi !

Ce n’est pas encore le printemps mais une certaine fébrilité la saisit – et si je renouvelais mon décor ? J’y ferais entrer la nature, l’espace, le vent frais…

Sur ce mur, je verrais bien le tableau bleu que j’ai écrit en voyage (et oui, elle est un peu bizarre, elle peint avec ses mots mais chutttt, faites comme si de rien n’était, laissez-la rêver) et là, cette aquarelle toute mimi qui me tient tant à cœur…

Elle chantonne, c’est un vieux truc à elle, une manie tellement ancrée dans ses racines qu’elle se sent musique. Quand les paroles sont d’une langue étrangère pardonnez-lui le massacre et riez sous une vaste cape pour ne pas la vexer. A sa décharge sachez que la fée Poly Glotte était enrhumée le jour de sa naissance. En juillet ? direz-vous. Oui, en juillet le rhume peut sévir même par temps de canicule comme ce fut le cas.

Elle chantonne, s’active, réfléchit : ceci ou cela, à gauche ou à droite, en haut ou en bas et ainsi de suite…

Grand Sachem à ses côtés ne dit mot mais observe cette soudaine activité d’un œil de lynx. Peut-être voudrait-il lui aussi tapoter le clavier et se plonger dans le virtuel ?

Le temps passe, la fatigue s’installe, prend ses aises.

Stop ! Il faut en garder un peu pour demain et puis la nuit porte conseil. Sages paroles s’il en est.

Le blog sent la peinture - écolo la peinture, cela va de soi – il faudra encore soigner ce coin ci, cette encoignure là mais le monde ne s’est pas fait en un jour n’est-ce pas !

Aujourd’hui est aujourd’hui et demain sera un autre jour…

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Publié le 12 Mai 2015

Une dissertation sur un personnage illustre ?

Bah ! L’idée allait venir, elle allait trouver…

Son père la voyant feuilleter de vieux magazines lui avait tendu le tout nouvel exemplaire du "Patriote Illustré" en disant : - tu pourrais y découvrir ce que tu cherches.

Un article sur Victor Hugo l’avait interpellée aussitôt et la phrase qu’elle avait eu l’occasion de lire maintes fois sur le monument aux morts lors des commémorations de l’Armistice avait ressurgi de sa mémoire : - Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie -

Victor Hugo ? Oui, pourquoi ne pas choisir de parler de ce grand écrivain ?

Cosette, Jean Valjean, Esméralda, Notre Dame de Paris… n’avaient plus de secret pour la bonne lectrice qu’elle était malgré son jeune âge, tandis que l’article détaillait la vie du grand auteur… en combinant tout cela elle allait pouvoir rédiger un texte sur une ou deux pages pour le cours de français.

Sais-tu ce que Victor Hugo disait de notre vallée ? avait demandé son père qui, sans attendre de réponse, avait poursuivi : C’est la plus ravissante vallée qu’il y ait au monde, en été, par beau jour, avec le ciel bleu, c’est quelquefois un ravin, souvent un jardin, toujours un paradis. (clic)

Paradis, paradis ! Il y allait fort ce monsieur Hugo ! Pour l’heure, il lui fallait travailler dans ce paradis si elle voulait avoir une bonne note.

Où trouver quelques illustrations pour agrémenter sa dissertation ? Un encart avait attiré son attention, il concernait un musée consacré à l’écrivain et situé à Paris, Place des Vosges, dans un immeuble où, jadis, Victor Hugo avait occupé un appartement. Paris ! Une fois de plus elle s’était mise à rêver…

Un jour, elle se le promettait elle visiterait la capitale française…

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La dissertation avait intéressé ses condisciples et le professeur l’avait félicitée d’avoir pris la plume pour contacter la direction du musée. Si les quelques feuillets envoyés en retour n’avaient pas vraiment répondu à son attente naïve, la lettre manuscrite qui les accompagnait et signée par la conservatrice en personne lui semblait un sésame précieux puisque cette dame la conviait à visiter le musée et à signaler son passage.

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Bien qu’elle se soit rendue à deux reprises dans le Marais, elle n’avait jamais foulé le sol de la Place des Vosges.

Peut-être, cinquante ans après cette invitation, serait-il temps d’y songer ?

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Publié le 24 Décembre 2014

A l'aube de ce jour de ripaille et de rassemblement familial, j'ai une pensée solidaire envers toutes les personnes, hommes ou femmes, oeuvrant courageusement aux fourneaux. Bravo et merci à elles.

Une pensée aussi pour ceux et celles qui devront se contenter d'un repas frugal et parfois en solitaire...

A vous tous, amis bloggeurs ou simple curieux, que vous soyez seuls ou entourés, je vous souhaite de passer un réveillon dans la sérénité et l'échange.

Mony

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Le bouillon de poule cuisiné par Maman est délicieux !

Le plaisir de Julia c’est de résister à l’envie de manger les carottes en premier lieu. Elle écarte les rondelles tentatrices, s’échine à les faire plonger au fond de l’assiette et vite engouffre une cuillérée de légumes verts ou blancs : cèleri, poireaux, navets, feuille de chou...

Le jus est très chaud, il ne fait pas se brûler la langue ! Quand enfin il ne reste que de l’orangé, elle picore une à une les lamelles tendres et légèrement sucrées. Miam ! C’est presque aussi savoureux qu’un dessert !

Maman va, vient, sert son petit monde et enfin s’assoit à son tour pour un trop court instant. D’un œil, elle surveille la viande qui mijote dans la cocotte, regarde l’horloge pour vérifier l’heure : c’est bientôt cuit. Prestement, elle ramasse les assiettes creuses et les cuillères, les posent près de l’évier. D’une main, elle lie la sauce, de l’autre, elle saisit un plat.

Votre mère est un véritable chef d’orchestre, dit souvent Papa en riant.

Après le repas, Julia et ses frères aident leur mère à faire la vaisselle. C’est pour eux un moment de complicité durant lequel les petits secrets se confient facilement.

Hélas Maman est rapidement accaparée par d’autres tâches. Il lui faut dépiauter la poule, en garder les meilleurs morceaux pour les présenter avec une salade et les plus petits, ceux qu’elle déniche jusqu’au bord des os, en faire de la farce bien crémeuse pour garnir des vol-au-vent.

La fillette n’a jamais vu de véritable chef d’orchestre cependant elle pressent que ces personnes sont très, très occupées comme l’est sa mère. Julia, pourtant, rêve d’une maman qui les accompagne plus souvent en promenade, qui joue à la poupée avec elle, qui porte un joli chapeau le dimanche et surtout se maquille le visage et pose du vernis rouge sur ses ongles comme le fait tante Anna.

Julia aime beaucoup sa maman mais elle se promet que plus tard, quand elle sera grande, elle se contentera simplement d’écouter la musique.

Non, jamais elle ne dirigera des musiciens.

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En découvrant cette belle peinture de Zinaïda Serebriakova proposée par Mil et une j'ai immédiatement pensé à ce beau texte de Félix Leclerc lu par Julos Beaucarne (à redécouvrir ici)

 

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Publié le 20 Décembre 2014

     

Ils se prénomment Martine, Jean-Yves, Claire, Loïc, Thomas, Joëlle, Anaïs, Rachid, Michel, Rachel, Anh Tài, Cécilia, Tim, Bertrand…

Ils sont secrétaire, pharmacienne, électricien, styliste, anesthésiste, demandeur d’emploi, retraité, étudiant, fleuriste, assureur, conseillère financière, professeur…

Chaque semaine, ils se retrouvent dans une classe, une salle villageoise, un vieux garage, un entrepôt ; dans une annexe, une véranda, au fond d’une impasse… Six ici, quatre là-bas, dix ailleurs…

Pour eux, le plaisir est à chaque fois renouvelé de débattre parfois longuement quant au choix de telle ou telle œuvre à interpréter ou de découvrir la pièce proposée d’autorité pour le metteur en scène. Oubliés les soucis quotidiens, les rendements, les galères. Disparus les maux de tête, les muscles endoloris. Doucement, mot à mot, d’une gestuelle maladroite puis plus assurée, ils s’immiscent, dans la peau d’un personnage, se l’approprie, le font vivre ; au fil des mois, le timide s’affranchit, la délurée peut se faire grave.

Dramatiques, comédies, vaudevilles, tirades, monologues, pièces contemporaines ou classiques, chants ou mimes leur demandent une rigueur mêlée d’inventivité et inlassablement ils fourbissent les rôles. Une compagne crée les costumes, un mari se révèle excellent accessoiriste, une amie se propose comme souffleuse, les renforts ne manquent pas et quand vient le grand soir de la représentation de théâtre, ils se retrouvent soudés par le trac et le doute.

- Ne vais-je pas bafouiller, oublier mon texte ?

- Je suis enrhumée, ma voix ne portera pas !

- Ce répertoire est inattendu et un brin déconcertant. Et si le public ne répondait pas présent, n’était pas curieux de ce registre ?

- Le film proposé ce soir par La Deux va nous valoir une rude concurrence !

- La fermeture éclair de ma jupe est cassée… Help !

La maquilleuse sublime un visage, un fou rire nerveux fuse, une prière se lit sur des lèvres, les toilettes sont prises d’assaut. Quand enfin ils entrent en scène, simple estrade ou plateau glacial garni de tentures poussiéreuses, ils oublient toute incertitude, le combat a débuté.

Dans la salle, un rire éclate, Tim a mis son chapeau à l’envers.

Martine rattrape la répartie erronée de Loïc et remet le dialogue sur la bonne voie.

Anh Tài s’acharne sur une poignée de porte récalcitrante. Fous rires. Un calme s’installe suivi d’applaudissements enthousiastes.

- Comment ? C’est déjà terminé ?

Heureux et soulagés, ils saluent longuement le public, remercient le metteur en scène et de retour dans les coulisses se congratulent en des embrassades tremblantes. La pièce, ils la rejoueront deux ou trois fois encore dans le village voisin ou à la demande d’une quelconque association puis après une pause ils reprendront le chemin des répétitions.

Devant toutes ces troupes de comédiens amateurs qui n’auront jamais l’honneur de recevoir en grande pompe une statuette à l’effigie de Molière, je m’incline et je leur dis simplement "merci d’exister et de me ravir"

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Pour Mil et une - clic  -  Remise des Molière - Denis Podalydès - photo AFP

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Publié le 11 Novembre 2014

     source image - clic

           Aujourd'hui, elle a aperçu, comme les jours précédents, de grands vols de grues dans le ciel automnal. Elle les a observés admirative et, il faut bien l’avouer, un brin émue. Nulle frontière pour ces oiseaux migrateurs à l’instinct infaillible les poussant en direction du sud.

Devant le monument aux morts, alors qu’elle assistait à l’hommage rendu aux victimes de la première guerre mondiale, elle a à nouveau levé les yeux vers le ciel et a imaginé ces grands V sombres survolant les zones en conflit.

Son village situé à trois kilomètres de l’ancienne frontière prussienne avait été un des premiers à payer un lourd tribut en vies de civils innocents. Et pourtant quand elle était enfant, il y a plus de cinquante ans, comme cela lui paraissait déjà de l’histoire ancienne !

Qu’en est-il pour les écoliers qui à présent défilent à la suite de la fanfare ? Comment se représentent-ils ces ancêtres lointains ? Et dans dix ou quinze ans ces cérémonies au public de plus en plus clairsemé existeront-elles encore ? Les questions se sont bousculées dans sa tête !

Elle a souri en voyant la mine réjouie des gosses recevant une friandise offerte pour les remercier de leur participation et a retrouvé ce plaisir ressenti jadis lors de la distribution de bâtons de chocolat Jacques fabriqués à deux pas. Les rituels ont du bon !

Un verre à la main et dans une ambiance conviviale elle a retrouvé d’autres villageois, a papoté, écouté, ri ou est restée songeuse… Une génération pousse l’autre et doucement le cours de la vie s’écoule…

Il y avait du monde au Frühschoppen (1) ? a demandé Grand Sachem patientant affamé par l’air vivifiant respiré lors de sa balade à vélo. Et les papotages ont repris autour de la table bien garnie par ses soins.

Quand il a été l’heure d’allumer la première lampe, un dernier vol de grues voguant à basse altitude a semblé la saluer bruyamment au passage. Pour elles, le repos les attendait juste au-delà de la colline et l’eau du barrage de la Gileppe leur était promesse dans les derniers rayons du soleil déclinant.

Elle a chantonné pour leur souhaiter bonne route en cet automne doux où les fruits côtoyent les premières fleurs précoces...


(1) apéritif

(cliquer à droite des photos )

Aujourd’hui, elle (07)...commémore le 11 novembre.
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Publié le 6 Novembre 2014

   

- Le père François ! Vite, sauvons-nous !

Totor, moi et Lulu, on rigole bien en observant le père François au travers de la haute haie d’aubépine.

- Je vous ai à l’œil garnements, gare à vous !

Lulu, le plus gourmand et le plus prévoyant de nous trois brandit, triomphant, son sac rempli de prunes. Notre réserve de guerre comme il dit.

Totor a été piqué par une guêpe et suce son doigt douloureux.

Moi, je prépare déjà un plan de représailles dans ma tête.

 

On s’est séparés en fin d’après-midi après avoir caché notre trésor dans notre camp secret, il était temps de rentrer.

- Tu ne manges pas grand chose, a dit Maman en observant mon assiette. Les gargouillis de mon ventre ont répondu pour moi et Maman a levé un sourcil inquisiteur.

Au dessert, elle a dit - je suis passée à l’épicerie tout à l’heure. L’épicier qui rentrait de son verger sur la colline était furieux, son prunier est la proie de maraudeurs.

Papa m’a jeté un regard sévère mais moi, j’ai continué innocemment à déguster ma portion de far, une des spécialités de Maman. Je ne me suis pas fait prier pour aider à la corvée vaisselle mais ma mère est fine mouche et a à nouveau sourcillé quand j’ai dit - je vais retrouver Lulu et Totor pour une partie de foot.

- Ne rentre pas trop tard, a dit Papa, je n’aime pas que tu traînes en rue quand il fait nuit.

 

Totor, c’est lui le spécialiste en dessin et malgré son doigt douloureux il a réalisé avec des craies de couleur un grand œil super, un qui semble jeter des flammes.

Demain matin, tout le village pourra l’admirer sur la porte blanche de l’épicerie.

 

- J’ai mal au ventre, a gémi Lulu.

- Moi aussi, a répondu Totor.

Moi, je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit, je suis disparu derrière une haie. Dans le noir, il m’a semblé qu’un œil moqueur m’observait.

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Pour Mil et une - clic

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Publié le 2 Novembre 2014

Aujourd'hui, au chaud sous la couette, elle a été réveillée par des coups de feu.

Pan ! Pan !

Non loin, dans la forêt du Duc, le gibier aux abois payait son triste quota annuel. Les arbres, géants aux mille couleurs, ont eu un léger frémissement et ont laissé échapper un pleur de feuilles sur les dépouilles amassées.

Pan ! Pan ! Elégantes biches, cerfs majestueux, sangliers nasilleurs, chevreuils ou lièvres allaient baigner sous peu dans une marinade nacrée de bordeaux et se verraient gratifiés sur un quelconque menu du titre de grand veneur.

Pan ! Pan ! Un instant elle a refermé les yeux et il lui a semblé qu’une odeur, mélange de vin et de vinaigre mâtiné de clou de girofle, flottait dans l’air. Sa mère, là-bas dans le temps de jadis, préparait le civet que son père, en bonne entente avec un chasseur, avait acheté. La cuisine embaumait. Le réveillon de Noël allait être festif et comme toujours, gibier ou pas, elle allait faire la grimace à la vue de la viande dans son assiette.

Stille Nacht, heilige Nacht…

Pan ! Pan ! De retour dans le présent elle est partie sur les traces de Charlemagne dans le centre historique d’Aix-la-Chapelle ensoleillée. L’odeur soufrée des sources d’eau chaude, les curistes célèbres, l’hôtel de ville érigé dans le périmètre du palais impérial, la chapelle palatine où repose Charlemagne et à présent partie centrale de la cathédrale, patrimoine mondial de l'UNESCO, ont été mis en lumière par les propos d’un guide passionné.

Pendant le trajet du retour, elle a imaginé, cheminant à ses côtés, un convoi de chevaux et de charrettes menant Charlemagne et ses gens vers le relais carolingien, en bordure de forêt, pour une saison de chasse. Elle a revu ce document présenté lors d’une conférence par ce professeur d’université, document dans lequel l’Empereur octroyait, en un jour d’automne, une somme d’argent à la Basilique de Saint-Denis pour le tombeau de son père Pépin le Bref…

Document signé en un lieu qui pourrait être, vu la similitude des noms, le village proche du sien... clic

Elle aime évoquer ainsi le passé, rêver de sa bourgade quand elle n'était qu'une villa romaine et que le ruisseau coulait paisiblement dans une vallée intacte…

Quand elle a rejoint son palais à elle, la table était dressée et un bon plat de spaghettis mitonné par Grand Sachem lui a donné l’eau à la bouche.

Comme il fait bon vivre entre Meuse et Rhin !

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Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne
Aujourd'hui, elle (06)...donne rendez-vous à Charlemagne

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Publié le 5 Octobre 2014

Image Wikimédia

Aujourd’hui, elle a bravé la pluie fine mais tenace.

Son vieux parapluie, tout heureux d’être de la partie, se gonflait d’aise

- Voyez, je suis le roi !

Quelle présomption ! Nul ne le contemplait dans les rues désertes si ce n’est deux pré-ados slalomant à trottinette.

Zou !

Zou !

Ils l’ont frôlée et, avant elle, se sont engouffrés dans le parc communal.

Le kiosque, tristounet sous la grisaille, s’en est senti tout en joie, les oiseaux retrouvaient leur nid. D’autres allaient bientôt les rejoindre. Heureuse jeunesse qui piaillait comme des moineaux.

 

Elle a poursuivi sa promenade et a emprunté le sentier sinuant dans le pré.

En tête un refrain lui a fait oublier l’espace temps.

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils ont mangé les pépins

Ils ont craché les raisins

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils sont dans les vignes les Moineaux

Ils ont mangé les raisins

Ils ont craché les pépins

Ha ha ha ha ha…

 

Elle s’est mise à chantonner tout en observant les ânes stoïques sous la bruine.

Ils sont dans les vignes les Moineaux…

 

Combien de fois, son père lui avait-il chanté cette chanson guillerette alors qu’ils étaient installés tous deux dans le fauteuil de la cuisine ?

Le tempo s’accélérait et elle tressautait de plus en plus fort sur ses genoux jusqu’à l’éclat de rire final.

Ils ont mangé les raisins

Ils ont craché les pépins

Ha ha ha ha ha…

 

Dans la cave, le parapluie détrempé a pleuré la fin de la balade.

Grand sachem, rentré de son équipée à vélo, a demandé 

- tu as fait des rencontres malgré la pluie ?

 

- Des moineaux, rien que des moineaux…

Et tout bas

- ceux de mon enfance…

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