Publié le 30 Janvier 2014

Vole !

    - Quelle misère ! Vous avez-vous Monsieur Duval ce qu’ils ont osé nous installer comme décor sur ce minuscule bout de pelouse ? Comme je disais à…

La voix de Maude maugrée en bruit de fond. Jacky Duval, habitué aux papotages de son aide ménagère, la laisse exprimer toutes ses frustrations et bien qu’il apprécie sa compagnie bihebdomadaire il n’est pas rare qu’il soit soulagé quand elle referme la porte sur un "n'oubliez pas de me transmettre votre liste de courses"

Le bout de pelouse ? Bien sûr qu’il a pu l’observer à loisir, c’est le seul coin de verdure offert à sa vue. - L O V E - Quatre lettres colorées, géantes sur lesquelles viennent parfois se poser de trop rares oiseaux. Une statue abstraite et grise aurait-elle été plus attrayante ? En quelques jours, Jacky s’est attaché à cette oeuvre d’art bigarrée et assis à sa fenêtre il s’amuse avec les mots, les pimentant à sa guise : love, louve, olive, vélo…. Et surtout avec son préféré, celui qui lui parle au creux de l’oreille, l’invite à s’évader : VOLE ! Vole Jacky, vole !

Comme les distances sont courtes grâce à ces nouvelles ailes…

Vole, Jacky, vole !

Suis ces hommes et ses femmes cheminant depuis des siècles au travers des Pyrénées. Prends, comme tu l’as si souvent rêvé, prends ton bâton de pèlerin et fais-le tinter sur les pierres séculaires, redevient simplement toi-même au cœur de l’immensité.

Vole, Jacky, vole !

Engouffre-toi dans le métro, regarde défiler les stations, tu les connais par cœur, tu as tant de fois compulsé le plan des lignes et de leurs correspondances. Quelle destination vas-tu choisir aujourd’hui ? L’Etoile, Wagram, Montmartre ? Paris n’aura bientôt plus de secrets pour toi.

Vole Jacky, vole !

Retrouve ce coin perdu de campagne anglaise où tu avais logé jadis. Te souviens-tu de cette vieille grange à la porte vermoulue ? De Mary, cette jolie rousse, de vos baisers passionnés ? Aime Jacky, love ! Love, vole ! Aimer semble si loin. Voler est si bon. Quatre lettres et la vie se fait plus légère…

Un bout de papier, un stylo. Jacky de sa grande écriture note : - des aquarelles - un bloc de papier - des pinceaux... Il faudrait préciser, indiquer la qualité du papier, les numéros des pinceaux… Maud se débrouillera-t-elle pour lui dénicher ce qu’il désire ? Et si ? Oui, il va se risquer à passer commande par Internet, ce sera un premier pas vers la liberté. Jacky a soudain hâte de recevoir son colis, il est pressé de se remettre à peindre, de marier les coloris, lui qui depuis cet accident d’hélicoptère n’est plus, à ses yeux, qu’un numéro de sécurité sociale, un dossier d’assurance en suspens, un corps en partie inerte…

Vole Jacky, vole vers d’autres horizons !

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Montage photo Mil et une - clic

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Publié le 20 Janvier 2014

- Gilles, bon sang t’endors pas, écoute ! Tu les entends ? Sûr, ils arrivent, t’endors pas.

- J’entends rien, laisse-moi… c’est doux, j’ suis bien…

- Essaie de te glisser contre moi, nous aurons plus chaud, moi, j’ peux pas bouger.

- Aie … arrive pas ... soif, ma gorge brûle…

- La gourde, là, à ta droite, tends le bras… Gilles, je t’en supplie réagis, t’endors pas !

- Mmm…

- Les secours arrivent, écoute les chiens… et l’hélico, tu l’entends, Gilles, tu l’entends ?

- … entends des cloches … soif …

- Ouais ! Des cloches comme celles du Beffroi... Dis-moi, tu te souviens de nos virées dans les cafés de la Grand-Place... et du jour où nous avions dragué ce groupe de touristes espagnoles ?

- Vois … Martine … elle rit comme avant et même... elle danse … je .. je cours la rejoindre.

- Merde ! Gilles ne me laisse pas, écoute mieux je te dis... Gilles, réponds-moi…

- Pour … pourquoi elle danse ?

- C’est de bonheur, mon vieux, elle te retrouve enfin … Gilles ???... Gilles, je t’en supplie, ne t’endors pas, tu as raison, son rire résonne ! C’est elle, elle s’approche, regarde comme elle est belle dans sa robe légère, on dirait une fée et puis elle chante, sa voix tinte comme du cristal.

- Mmm, tes bras… serre-moi … je t’aime…

- Elle t’aime aussi Gilles. La preuve, elle est venue de si loin, juste pour toi. Tu avais raison, Martine est formidable, elle ne pense qu’à toi.

- Doux … bien ..

- Gilles ? Gilles ?... écoute...

Une chanson douce

Que me chantait ma maman

En suçant mon pouce

J’écoutais en m’endormant.

Cette chanson douce,

Je veux la chanter pour toi,

Car SA peau est douce

Comme la mousse des bois. clic

Le bruit du moteur de l’hélicoptère résonne enfin contre les parois et me sort de ma torpeur. Mes yeux brûlants fixent les aiguilles cassées de ma montre. Depuis combien de temps sommes-nous là ?

- Gilles, mon ami, as-tu résisté à son appel ?

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image : couverture du livre "La grammaire est une chanson douce" Eric Orsenna clic 

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Publié le 9 Janvier 2014

 - Où t’es Manu ? Cela fait une éternité que tu as quitté la table pour aller fumer une clope.

- Une clooope ? Nn...non Madame !

- Arrête, Manu, fais pas l’con…

- Non, Madame, j’suis pas con, je suis le grand ééé..é..chanson, c’est ta mère-grand qui me l'a dit…

- Manu, cesse avec tes chansons, il va bientôt être minuit…

- Minuiiiit chrét...tch'ien, c’est l’heure sollenneeeeelllllle !

- Flûte, Manu, la coupe est pleine, arrive !

- Noon Madame, la coupe est vide, d’ailleurs y a pas de coupe ici.

- Manu, si tu n’es pas sous le gui dans deux minutes, je rentre seule et tu te débrouilles !

- Ta…ta…ta mère-grand c’est ça qu’elle…qu’elle m’a dit, débrouille-toi, Manu, tu es mon grand…

- Manu, laisse ma grand-mère en dehors de tout cela. Tu me colles la honte devant toute la famille.

- Co…comment, la honte ? Moi, je me sa…sacrifie pour te plaire et...et faire le bon choix...

- Me plaire ?

- Ben oui, pour bien me tenir et tout et…et faire plaisir à ta mère-grand.

- Reflûte, Manu !

- Oui, c’est ça, pré…pare les flûtes j’a…j’arrive avec le..le champagne.

- Le champagne ?

- Ouais, j’en…j’en ai trouvé, un...un…un vrai délice…

- Et tu as trouvé cela où ?

- D…d…dans la cave b..b..bien sûr !

- Manu ! Plus qu’UNE minute !

- MON…MONSIEUR Manu, le gr…gr…grand échanson ! L’est bon le cham…champagne !

- Attends Manu, ma grand-mère me pose une question…

- Lindsay, sais-tu où est ton Manu ? Je lui avais demandé de remonter quelques bouteilles de champagne de la cave… Ah ! bon diou ! J’ai oublié ce fichu loquet qui n’en fait qu’à sa tête…ton grand-père en a déjà fait les frais, jadis !

Vite Lindsay, ton Manu doit être frigorifié !

- Comment ? Il pouvait t’appeler ? Tu boudes, mon petit cœur ?

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Publié le 5 Janvier 2014

          Chez madame Félix ça sent le miel et la cire, chez madame Félix il fait calme et gris et triste aussi. Madame Félix c’est la voisine du dessus, c’est elle qui me garde après l’école quand maman doit travailler tard à la blanchisserie et que papa conduit son taxi jusqu’à minuit. Ces jours là, je traîne en rue avec mes copains puis je passe chez nous pour nourrir le chat et je joue un moment avec lui avant de me décider à rejoindre l’étage.

Maman, elle est gaie et souriante, elle aime chanter et me cajoler. Papa dit que c’est son petit rayon de soleil. La voisine c’est pas pareil, elle est triste comme un jour sans pain. J’ai entendu papa la traiter de tuelamour. Tuelamour, je ne sais pas ce que c’est mais ça ne sonne pas bien. Madame Félix elle s’appelle madame mais elle n’a pas de mari. Enfin pas un vrai, seulement un monsieur figé dans un grand cadre, un homme avec une énorme moustache et un regard sévère. Un jour elle m’a confié que la canne à pommeau et le chapeau posé sur la chaise près de la porte du salon appartenaient à Feu son mari et qu’avant de partir pour le front il avait insisté pour qu’elle en prenne soin. Depuis, il lui semblait que Feu allait surgir et l’emmener en promenade. Parfois, je vois qu’elle a pleuré comme quand elle avait raconté à Maman que Feu lui avait promis la belle vie mais que la guerre avait fauché tous ses espoirs.

Feu, c’est un prénom bizarre. Moi, c’est Gaspard comme le plus jeune des rois mages. A Noël, Madame Félix m’a raconté leur histoire avec l’or, la myrrhe et l’encens et l’étoile aussi. Je pense qu’elle aimerait qu’un roi sonne à sa porte, un qui lui apporterait des cadeaux…

Mes devoirs sont terminés, le goûter est déjà loin et maman n’est toujours pas rentrée. Dans la cuisine madame Félix prépare le repas et je m’ennuie. Du haut de son cadre Feu me regarde et moi je le regarde aussi. Pourquoi lui fallait-il une canne ? Il avait mal au dos ? Un pommeau c’est quoi ? Une petite pomme ?

Le chapeau est tout doux et raide. Il me couvre tout le visage. Beuh ! Il sent le moisi. Le bois de la canne est lisse, tout en dessous il y a un petit bout de fer. C’est joli le bruit sur le parquet ciré. Tap ! Tap ! Je suis un milord, je vais rejoindre ma Milady ! Oups ! Je glisse !!!!!!!!!! Aie, ma tête et zut la canne est abimée !

- Gaspard ! Qu’as-tu fait ? As-tu mal ? Oh ! La canne !

Pas fier, le Gaspard ! Je voudrais me sauver dans un trou de souris mais il n’y en a pas…flûte, la sonnette, c’est maman ! Enfin, je crois parce que madame Félix ne va pas ouvrir. Elle est assise sur la chaise et elle sourit. C’est rare quand elle sourit. Limite, ça me fait peur. Bon, ben je vais ouvrir...

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J’ai rien compris ! Madame Félix a dit à maman que j’étais son petit roi mage et elle lui a montré un petit papier avec quelques mots griffonnés au crayon noir et une pierre brillante. Elle n’était même pas fâchée que le pommeau se soit détaché de la canne. Maman et elle sont allées chuchoter dans le couloir et Feu a semblé me faire un clin d’œil.

J’ai rien compris, rien compris ! Mais motus, je n’en dirai rien aux copains !

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Peinture Félix Vallotton - Pour Miletune (clic)

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Publié le 1 Janvier 2014

 - Bonne année - est le traditionnel souhait émis le premier jour de l'an.

Et pourtant une année est faite de petits riens, de grandes joies ou de peines sans nom.

Une année, c'est trois cent soixante cinq jours et trois cent soixante cinq nuits durant lesquels on aime, on lit, on écoute, on bavarde, on pleure, on rit, on dort, on tourne en rond, on attend, on découvre, on se retrouve, on espère ou désespère, on travaille ou paresse, on déteste ou on admire. 

Une année ? Douze mois s'étirant au rythme des quatre saisons et nous laissant des images variées.

Pour vous, amis fidèles ou vous que le hasard a guidés ici, en voici un pêle-mêle sans prétention...

Je vous souhaite une bonne année !

Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...
Une année...

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