Publié le 28 Avril 2012

 
Toots Thielemans est né à Bruxelles, le 29 avril 1922 et il joue de l'harmonica depuis 1938. Ce grand monsieur de jazz international fête aujourd'hui son nonantième anniversaire.
Bravo Monsieur Toot ! Clic

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Rédigé par Mony

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Publié le 28 Avril 2012

 
          Ce jeudi là, c’était son anniversaire. Quel âge avait-elle ? En réalité, je ne le sais plus. Vieille assurément, c’est ainsi que je l’ai toujours perçue. Une grand-mère se doit d’être vieille, c’est dans la nature des choses et même à l’époque où elle dissimulait ses beaux cheveux blancs sous un horrible fixateur qui leur donnait une teinte mauve c’était une grand-mère comme les autres.
 
- Bon anniversaire Mémé. Tu vas bien ? 
 
Quelle question stupide et comme ma voix sonnait faux ! Pourtant, Mémé imperturbable continuait ses activités.  
- Que fais-tu aujourd’hui ? 
Long silence. Puis brusquement la réponse franchit ses lèvres.   
- Je plie du linge.
Silence encore.   
- Il a bien séché avec tout ce vent.
 
Troublée, je jetai un regard vers la haute fenêtre. Oui, le vent était au rendez-vous qu’il avait fixé avec la neige et coquin, il l’emmenait dans des tourbillons fous. Les bras de Mémé semblaient eux aussi participer à cette sarabande. Ils se tendaient de gauche à droite, ses mains lissaient encore et encore et subitement, leur travail terminé, elles se figèrent sur la table.
 
- Les soldats allemands passent sur la grand-route. Ils fuient, je les ai vus toute la journée… Mon mari va rentrer, je dois préparer le souper.
- Que prépares-tu Mémé ? 
Une seconde elle hésita,  le front plissé, soupçonneuse.  
- Du matoufet, tu le vois bien. 
- J’aime bien ton matoufet, Mémé. Tu m’expliques comment tu le fais ? 
 
Pas de réponse. Sans cesser de l’observer, je jetai un coup d’œil rapide en direction de la commode. Dans un cadre doré mon grand-père, ce bel inconnu, gardait une pose altière depuis plus de trente ans.
 
- Tu coupes quoi Mémé ?
- Du lard… en petits morceaux.
- Tu le rôtis à la poêle à présent ?
Silence. Mémé s’activait.
 
- Faut des œufs et pas oublier la farine et le lait.
- Voilà, Mémé et j’ai même pensé au poivre et au sel.
 
Sur le bord d'un plat imaginaire ma grand-mère cassait déjà la coquille des œufs et les battait avec vigueur, ajoutait d’instinct la farine et le lait, le sel et le poivre, continuait à battre le mélange pour bien l’aérer et d’un geste sûr elle le versait sur les lardons croquants à souhait. Fascinée, je suivais tous ses gestes et la poêlée imaginaire de matoufet prit vie dans mon esprit et dans mes narines.
- Il est en retard. Je vais me reposer un moment en l’attendant.
Et Mémé, épuisée par tous ses efforts, s’assoupit dans son fauteuil me laissant seule face à la réalité. Seule et affamée.
 
     « Bon anniversaire Mémé »
 
Un petit baiser sur son front, une caresse sur sa main et je quittai la maison de retraite heureuse d’avoir pu pénétrer un court instant dans son univers si particulier.
 
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- Que mange-t-on ce soir, M’man ? 
- Du matoufet.
- Miam ! Super !
 
Merci, Mémé !
 
 
 
 
 

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Publié le 24 Avril 2012

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                                                                                  René Magritte

 

- Il était… il était… habillé de brun… oui, c’est cela, d’un costume brun bien coupé mais un rien désuet avec ses grands revers… et puis… il portait une cravate, brune elle aussi, sur une chemise blanche… avec des boutons de manchette la chemise…

- Et puis ?

- Il avait des mains soignées… pas de bague ou d’alliance aux doigts… pensez, j’ai vérifié…

- Et... ?

- Et c’est tout monsieur le Commissaire !

- Inspecteur ! Je suis l’inspecteur Mambo !

- Si vous voulez, inspecteur. Pour moi, c’est du pareil au même.

- Si vous voulez, si vous voulez, ronchonne l’inspecteur Mambo, je ne veux rien si ce n’est un peu plus de détails. Comment voulez-vous identifier une personne avec de pareils renseignements ?

- Mais voyons, Inspecteur, que puis-je vous dire d’autre ?

- La couleur de ses cheveux, de ses yeux, la forme de son visage, de son nez… Avait-il une cicatrice, un tatouage, un piercing ? Etait-il beau ? Avait-il les traits fins et réguliers ? Ou au contraire son visage portait-il des marques de fatigue, de cruauté ?

- En quelque sorte, Inspecteur, vous voulez un portrait-robot ? Comme chez Julie Nescaut ?

- Lescaut ! Julie Lescaut ! rectifie l’inspecteur.

- Nescaut, Lescaut ! Pour moi, c’est…

- Du pareil au même, oui, je sais ! coupe l’inspecteur agacé.

- Mais… vous pensez que je vais passer à la télé ?

- M’étonnerait ! Si vous imaginez que tous les pickpockets ont droit au journal de vingt heures vous vous fourrez le doigt dans l’œil.

- Oh ! Commissaire !

- Inspecteur ! Inspecteur Mambo ! Et puis en voilà assez. Vous voulez qu’on le retrouve oui ou non ?

- Oh ! Oui, Comm…specteur ! Il était… comment dire ? Radieux ?… Lumineux ? Oui, c’est cela, lumineux ! Une aura incroyable se dégageait de sa personne. C’est… c’est tout ce qui m’a frappée.

- Et que vous a-t-il volé exactement ? Portefeuille ? Collier ?

- Non, non, inspecteur Bonmo. Il s’est emparé de mon cœur, l’a chiffonné comme un vulgaire mouchoir et depuis je ne vis plus.       

- Mambo, sapristi ! Vieille folle ! Votre cœur ? Votre cœur chiffonné ! Disparaissez de ma vue ! Allez voir dehors si j’y suis, espèce de siphonnée !    

- Inspecteur Mambo, je dois vous l’avouer, vous êtes un rustre et pas une lumière. Je m’en vais de ce pas porter plainte auprès du Commissaire Magritte. Lui, j’en suis certaine, retrouvera le beau ravisseur de mon cœur. 

- Maigret !!! Commissaire MAIGRET !

- A ne pas vous revoir, Commissaire Bonmo !

- Agrrr ! Mon cœur !

 

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 Pour Mille et une

 

 

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Publié le 21 Avril 2012

 
Le vieil Indien est assis à même le sol du promontoire rocheux. Les mains posées sur les genoux, il est parfaitement immobile, seuls ses yeux balaient sans arrêt l’espace offert à sa vue. De brusques tourbillons de vent cherchent de temps en temps à le faire vaciller mais il reste impassible et silencieux.
Un matin, il s’était réveillé avec une certitude, l’heure était venue de retourner là-bas et rien ni personne n’aurait pu le détourner de son destin. Sans un regret, il avait fermé le portail, laissé derrière lui le midi de la France et ses amis artistes puis s’était envolé vers Lima. 
Il avait quitté le Pérou depuis tant d’années qu’il avait eu du mal à reconnaître la capitale noyée dans son voile de pollution. En attendant le vol pour Cuzco, le vieil homme avait retrouvé dans le « Centro » la cour où il avait vécu durant quelques mois un amour torride avec la belle Maria aux formes et aux caresses si généreuses. Ici, rien n’avait changé, la foule se pressait compacte, vivante, malgré la pauvreté évidente des habitants du quartier. Ensuite ce fut Cuzco entourée de ses montagnes brunes, ses hôtels pour touristes délaissés au profit d’une pension plus modeste où il s’était octroyé deux jours de repos afin de s’acclimater à l’altitude élevée de la ville. Il sortit juste pour se rendre au marché acheter un grand poncho, des sandales et un chapeau.
Ainsi vêtu, il s’était retrouvé à bord du train cheminant le long de l’Urubamba, Indien parmi les Indiens, frère parmi ses frères. A Aguas Caliente, il avait dédaigné les navettes de bus et c’est à dos de mule qu’il avait poursuivi son chemin, obstiné, sûr de son but.   
Le vent à présent se fait plus insistant mais le vieil Indien conserve une immobilité quasi minérale, il semble dur et froid. En lui pourtant son esprit bouillonne, il se souvient de son enfance passée auprès de sa mère dans le dénuement le plus complet, de leur bonheur et de leurs rires malgré la vie difficile et épuisante. Les lèvres de l’homme murmurent « Mama » et un instant son regard se voile. El Chura lui apparaît à son tour et le vieil homme retrouve en pensées tous les enseignements prodigués par le mystérieux chaman… Mama et El Chura, les piliers de sa vie. Eux deux lui ont appris qu’en toute chose il y a de l’amour endormi, que chaque être porte en lui un jour et une nuit…
Se mêlent ensuite ces femmes qu’il a aimées, femmes rencontrées au gré de ses errances au Pérou, en Bolivie, en Uruguay… femme au nom de Flora qu’il a suivie en Espagne… Madrid… le début de la reconnaissance de sa peinture par les critiques… la fin de ses amours tumultueuses avec Flora… Barcelone… Paris… le succès au rendez-vous… la vie matériellement plus douce… sa quête perpétuelle du sens de la vie au travers de ses tableaux.
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            Photo : Martin  St Amant  Clic
Les nuages s’éloignent et dans un rayon de soleil la Cordillère se découvre de son chapeau de brume. Le vieil Indien sait le moment proche, la paix et la sérénité se déversent en lui comme une eau pure, il est prêt. Il aperçoit bientôt l’aigle au vol lent et majestueux survolant le plateau du Machu Pichu. Plus il s’approche de lui, plus le  vieux peintre sent sa respiration devenir celle de Pachamama la vieille Terre Mère. 
Quand enfin les plumes de l’aigle le caressent, il est à tout jamais lové au creux de ses bras.
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Publié le 18 Avril 2012

   
La Lune là-haut si haut qu’elle ne craint point de tomber
La Lune s’allume luciole dans la nuit
Croissant décroissant ou tout en rondeur
Cycle féminin à l’infini
   
Ici bas les marées monotones
Flux et reflux incessants
Rythment le ballet des sorcières
Au coin du bois guette le loup-garou

Lune nouvelle noirceur sur la Terre
Quartier C ou quartier D
Éclipse la belle a rendez-vous
Vite vite son bel amant la dévore

Mais aujourd’hui la Lune est pleine
Et on ne sait pas
Non on ne sait pas
Qui l’a mise dans cet état
 *  
(* Alphonse Allais)
   

Sourire crayon jaune à la main
Petit Pierre a terminé son dessin

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Publié le 15 Avril 2012

Dans la classe tout était calme, Madame s’occupait des petites de première année et moi, la série de calculs terminée, j’attendais, rêveuse. Mes yeux allaient du tableau noir où je pouvais lire - vendredi, 4 octobre 1957 - au ciel bien visible au travers des hautes fenêtres.
 
La sonnerie ! Enfin la délivrance !
Dès que Madame nous en donna l’autorisation je m’empressai de saisir mon cartable et de dévaler la rue jusqu’à la maison où je retrouvai mes frères aînés, des jumeaux de 10 ans. Ils étaient en pleine effervescence, parlaient en même temps et essayaient de convaincre maman de les autoriser à se rendre sur le Thier*
- Tu te rends compte, M'an, le Spoutnik est tombé dans la cour de Joseph Gustin ! Nous devons absolument aller le voir, on ne peut pas rater ça. Les copains y sont déjà.
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 Le Spoutnik ! Le matin même, j’en avais entendu parler à la radio entre mon bol de chocolat chaud au bon lait frais et ma tartine de confiture, et puis aussi des Russes qui avaient envoyé dans le ciel cette chose au nom bizarre.

- Non, pas dans le ciel, a corrigé un de mes frères, dans l’espace.

- L’espace ? L’espace entre quoi ?
 Je me moquais un peu de lui. Faut toujours qu’ils jouent aux plus malins les garçons ! Bien sûr que je connaissais le sens du mot « espace » Je savais lire et les « Histoires de l’Oncle Paul » que je découvrais chaque semaine dans Spirou me passionnaient.  
Maman nous a regardés repartir avec un léger sourire au fond des yeux.
 
Devant la forge où s’activait le maréchal-ferrant, un groupe de personnes discutait d’un air joyeux. En nous apercevant l’une d’elle lança comme une évidence  :
- vous allez sur le Thier les enfants ?
-’sûr ! Et vous ? 
La réponse nous échappa tant nous étions pressés de découvrir le Spoutnik.
 
Sur le Thier, ce quartier derrière l’église, se trouvait la ferme de Joseph Gustin et de sa sœur Jeannette, couple de vieux célibataires comme il y en avait tant dans nos campagnes. Jeannette, à la croupe aussi impressionnante que celle du cheval de son frère, barrait l’entrée de la cour d’un air important et décidé. Pas question d’approcher l’engin ! Il fallait attendre le garde-champêtre appelé pour faire le constat de la situation.
 
- Le garde-champêtre ET le KGB, a lancé un grand d’au moins quinze ans.
KGB, cagibi, prison, rideau de fer ? Je compris que l’heure était grave.
Le cou tendu, nous apercevions près du tas de fumier une sorte de tuyau pointu doté d’ailettes et d’un long fil.
- C’est le détonateur, c’est pour le décollage ! a encore affirmé le grand « je sais tout »
  
C’était donc cela le fameux Spoutnik dont on parlait à la radio, rien que cela ! Moi, j’avais imaginé voir une fusée grande, belle et colorée comme dans « Tintin sur la Lune » et non pas un bout de buse de poêle à moitié rouillé.  
Déçue, je fis demi-tour abandonnant mes frères à leurs copains et je croisai Joseph Gustin accompagné du garde-champêtre impressionnant sous son haut képi. Derrière eux suivaient Yvan et Richard, deux jeunes hommes venus, eux aussi, aux nouvelles. En les voyant je pensai : - pas la peine de vous déranger pour si peu ! Que les Russes ouvrent leur rideau et viennent reprendre leurs débris. Nous, on a Tintin et Milou !
 
Le lendemain matin, tout le village était au courant de l’événement et du bon tour joué aux fermiers par Yvan et Richard avec la complicité amusée du très sérieux garde-champêtre.
 
A plus de cinquante ans de distance, Yvan, devenu mon voisin, en rit encore de bon coeur.
 
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* Thier = butte ou rue en pente (ici le nom de tout un quartier et se dit au Thier ou sur le     Thier)  
   
           

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Publié le 13 Avril 2012

Mousse légère au chocolat   
 
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- 2 œufs
- 2 cuillerées à soupe de sucre + un sachet sucre vanillé
- 150 gr chocolat fondant ou chocolat au lait ou un mix des deux
- 1 berlingot Alpro ou de Bjorg Soya cuisine - 250 ml (au rayon frais - soja)
 
A feu très doux mélangez les deux jaunes d'oeufs, les sucres et l’Alpro.
Hors du feu, ajoutez-y le chocolat fondu au micro-ondes.  
Reprenez la cuisson en continuant à mélanger jusqu'à la première ébullition.
Laissez tiédir le mélange puis incorporez les blancs d’œufs battus en neige.
Versez la préparation dans de petits ramequins et mettez-les au réfrigérateur.  
Garnissez au choix : de copeaux de chocolat, d'un biscuit à la cuiller, d'amandes effilées... 
 
Bon appétit !
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Publié le 11 Avril 2012

série gourmandise n°24- les tartelettes 60cmx 60cm- 2008
                                                        Gourmandises - Benoît-Basset
     
Dans les cuisines de la belle demeure c’est l’effervescence, Maître Sidoine s’active et lance des ordres aux marmitons. Du fourneau au tournebroche et de la cave au fournil s’échappent odeurs alléchantes et fumets délicats.
Pour Dame Zèbrine et ses quatre convives le dîner se veut festin car ce soir la maîtresse de maison désignera son futur époux parmi le quatuor présent.
Le sien, trop vieil, trop délicat, l’a laissée veuve une nuit d’indigestion.
Il n’est plus question pour elle de revivre pareille situation. Le futur mari se devra d’être robuste et fine gueule. Aussi l’élu sera-t-il le dernier gentilhomme attablé et réclamant encore un hanap bien rempli ou une assiettée de mignardises.

 

Marcassin ruisselant de saindoux, faisans saucés au verjus suivis de pâtés de grives à l’Armagnac et de tourtes aux abats sont tour à tour présentés accompagnés de panais à la cardamone et de mogette aux graines de paradis. Dans les gobelets d’étain, vin et cervoise fraîche coulent à volonté.

Dame Zèbrine peu attirée par les mets salés picore dans un plat puis dans un autre, déchire d’une dent délicate un minuscule morceau de viande, mouille ses lèvres fines de trois gouttes d’hydromel et observe ses prétendants.

 

Guillibert, la face rubiconde ne tarde pas à implorer la permission de se retirer. D’un geste condescendant de la main, Dame Zèbrine lui signifie son renvoi tandis que la table se garnit de plats de brochets nappés de deux sauces vertes, d’anguilles au macis et de lamproies aux yeux glauques, le tout accompagné d’une belle choucroute croquante.

A la troisième bouchée de lamproie, Sieur Giefroi pâle comme une hostie se lève de table et s’enfuit les mains sur la bouche.

 

- Quelle petite nature ! soupire Dame Zèbrine. Elle se tourne ensuite vers les rescapés des agapes, Ramulf et Artaud, tous deux bels hommes à la fière prestance. Lequel sera l’élu ce tantôt ?

Les rivaux se toisent quand Dame Zébrine les prie de l’excuser un instant

«…quelques ordres à donner… je ne serais pas longue… servez-vous mes Sieurs »

 

- Où en sommes-nous, Maître Sidoine ? Le temps me tarde ! »

- Au dessert, gente Dame. Voyez, Gasparini, le pâtissier, termine de si belle façon la garniture de l’assortiment de tartelettes !

Les pommettes en feu, Dame Zèbrine ouvre grands ses yeux et hume, gourmande, les délices sucrés, son péché mignon.

- Vite ! Vite ! Gasparini, la faim me taraude et seule la douceur de vos desserts pourra l’apaiser.

 

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Le regard des deux derniers invités est à présent voilé par l’alcool et les gestes se font plus lestes à l’encontre des serveuses.
- Mes Sieurs, un peu de tenue, je vous prie. L’un de vous sera sous peu mon époux et le garant de ma fortune. Les minauderies ne sont pas de mise à cette tablée. Voici céans le plateau de desserts. Il est fort à parier qu’il vous départagera. Bonne dégustation !

 

Penauds, les deux hommes choisissent l’un un sablé coloré au jus de betteraves et garni de framboises et l’autre une croûte verte obtenue avec quelques gouttes d’écume d’épinard et ornée de myrtilles mais l’appétit n’est plus au rendez-vous et ils découpent lentement, comme à regret, leurs tartelettes.

 

Dame Zèbrine quant à elle se fait servir une pâtisserie aux chataîgnes sur lit de crème d’or. Ses gestes sont vifs, les bouchées énormes. Que c’est bon !

- Allons, mes Sieurs, du cœur à la bel ouvrage !

Et elle replonge son long cou de cygne vers son assiette, avide, le regard déjà posé sur une tartelette aux raisins blancs imbibés d’ambroisie.

 

Hélas, une chataîgne trop peu cuite et avalée goulûment en dispose autrement.

Dame Zèbrine a beau tousser, tenter de cracher, elle s’étouffe définitivement et gît là, inerte, au bas du banc.

- Nous l’avons échappé belle, soupire un galant.

- Pour fêter cela allons boire une pinte loin d’ici, propose l’autre.

 

Seuls Maître Sidoine, Gasparini et les marmitons se lamentent. Pour qui cuisineront-ils demain ?

  

- Allons, allons, cessez de geindre, dit Dame Girafine accourue aux nouvelles, mes fourneaux n’attendent que vous ! Samedi, treize couverts seront dressés en mon logis. Quel menu me proposez-vous Maître Sidoine ?

Et tous, préoccupés par ce futur banquet, se détournent de Dame Zèbrine et  l'abandonnent à son funeste destin.

 
Est occis par la gourmandise qui croyait règner sur l'appétit...
    
    
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Découvrir l'univers de madame Benoît-Basset :
   
  

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Publié le 8 Avril 2012

     
Il a de belles mains, Manuel ! Oui, de belles mains soignées et douces ! Rien que d’évoquer leur contact tendre mais décidé, je frémis de bonheur. Quand je suis dans ses bras, je me sens légère… légère… légère… et c’est bon.
C’est fou comme nos corps se comprennent. Il n’a qu’à ceinturer délicatement ma taille et aussitôt je me plie à sa volonté. Je tangue, je virevolte, je me laisse guider. Il improvise et je le suis, là où il veut aller.
 
La nuit dernière, nous ne nous sommes pas quittés d’un seul instant. Il était tout à moi, j’étais toute à lui. Au petit matin, fatiguée mais heureuse, je suis rentrée chez moi le sourire aux lèvres et je me suis endormie comme un bébé.
 
Pico, mon chien, m’a réveillée vers dix heures trente. Le soleil, implacable, dardait déjà ses rayons sur la ville. J’ai jeté un regard par la fenêtre et j’ai vu la place garnie de parasols jaunes et verts. Comment résister à leur appel ? J’ai enfilé ma petite robe bleue, celle qui met si joliment en valeur mon teint de pêche dorée, et je me suis installée en bord de terrasse pour siroter un cocktail de fruits bien frais.
J’aime la cité, j’aime la foule, j’aime me sentir libre comme l’air, j’aime les dimanches ensoleillés. J’aime fermer les yeux un court instant et écouter au loin le bruit de la mer.
 
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Mais là, non ! Je n’apprécie pas d’apercevoir Manuel sous mon parasol ! Il revient du marché avec un énorme bouquet de fleurs. Il va me les offrir, me demander de l’accompagner pour une balade, me dire une fois de plus " Ava, je t’aime comme un fou..."
 
Il a de belles mains mon ami Manuel mais comment lui faire comprendre que je ne ressens aucun sentiment d’amour à son égard ?
 
Moi, ce que j’aime, c’est le Tango ! Et il le danse si bien !
 
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Pour Mille-et-une - Peinture "Les parasols" d'Eduardo Ungar

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Publié le 6 Avril 2012

Pour Miletune                                                     
Photo Le temps d'Eric Bellin
Elle tricote le fil du temps
Un jour à l’endroit
Un jour à l’envers
Un autre en attente
Et glisse la maille
 
 Elle tricote le fil du temps
Croise diminue augmente
Jetés points mousse ou points
Escargot garnissent les rangs
Et ajoute la maille
 
 Elle tricote le fil du temps
Mais s’offre en dentelle
A dix heures à quatre
Ou à vingt c’est selon
De monter celui des mots
 
 Elle tricote le fil du temps
Savoure celui des vocables
Partages échanges
Un mot à l’endroit
Un mot à l’envers
Et passe passe le temps  
  fleurs 014  fleurs 014   
    
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Publié le 3 Avril 2012

 
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- Vot’ père, c’est qu’un gros patapouf ! a ricané fortement Gaël en pointant un doigt pas très net vers les caleçons du paternel. Moi et mon frère Loïc, on a levé les yeux vers Gaël qui promenait son chien dans le sentier longeant notre maison puis on a regardé le linge que Maman avait suspendu sur le séchoir, puis de nouveau Gaël et on a continué tranquillement à se faire des passes avec le ballon de foot.
- Gros patapouf ! Gros patapouf ! il a chantonné Gaël et nous on s’est pas révoltés, on a laissé ce grand con faire son burlesque.
- Ce soir ! a murmuré Loïc, puis, avec un fleuret imaginaire, il a tracé une arabesque que moi seul sais piger. Va y avoir de la mascarade dans l’air !
 
- Que faites-vous les jumeaux ? a demandé Maman en jetant un regard dans notre chambre.
- Nos devoirs, on a répondu. On prépare notre dissert… Elle nous a laissé pianoter sur le pc et a rejoint le paternel occupé, comme souvent en soirée, à faire des dessins avec ses crayons aquarelle ou ses gouaches.
J’ai choisi une police bien claire et les plus gros caractères et Loïc a branché l’imprimante puis il a refermé la porte de la chambre.
- Va-y Simon, il a dit, lance l’impression.
Ça nous a pris le temps de sucer quatre berlingots à la violette chacun mais le résultat  était à la hauteur. On a manié la colle, l’agrafeuse… Super la banderole ! Du vrai travail de pro !  
                                                                                                            
Vers 21 h 30, on a prétexté un coup de fatigue et on a embrassé les parents. Maman nous a caressé les cheveux puis le paternel a glissé nos caboches, une sous chacun de ses bras, et en nous ceinturant la taille il nous a soulevés de terre en lançant en rigolant « ce que vous devenez grands, mes fils »
On adore quand il fait ça, on sent ses bourrelets bien doux et puis toute sa force. C’est quelqu’un notre Pater !
 
23 h 30,  Madame Pitt aère Mickey et Minnie pour un dernier petit pipi.
 
23 h 40, tout est calme, on peut y aller. Doucement, doucement, pour ne pas réveiller les parents et on sort par la porte de derrière. Entre Loïc et moi pas beaucoup de paroles, on se comprend en pensées. Lui, embusqué en sentinelle près du mur du jardin de chez Gaël et moi qui saccage les tournesols, les dahlias et les asters pour atteindre la grande fenêtre donnant sur la rue, on fait une sacrée équipe et un beau désastre. A la clarté de ma petite lampe torche je vérifie que les mots sont dans le bon sens et, à coups de dents, je déchire des bouts de scotch pour fixer la banderole.
 
 24 h ! On repart incognitos vers nos lits douillets. Du couloir, on entend le paternel qui ronfle et on est bien, mais bien !
 
Demain, tout le monde saura où vit un grand con.
 
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Publié le 1 Avril 2012

 
Quand Victor avait mal dormi, il disait à Vanina : « mon dos paraît rompu tant ma nuit fut un patchwork cousu d’hallucinations ou d’imbroglios inhumains »
Ricanant du discours abusif Vanina lui susurrait : « mon amour, aurais-tu tant à souffrir si un dit « flacon d’alcool » dormait toujours au fond du placard ? »
Quant à son tour Vanina montrait un air bougon pour raison d’un mal au front, Victor, taquin, lançait : « amour, bois un hanap d’alcool, il agit sur tout bobo »
Vanina implosait à ouïr discours si fanfaron. Pourtant un lundi matin, l’amant un brin fol la convainc d’agir à contrario. Du fond d’un litron Vanina vira par goût soudain aux magnums. Tout son magot y passa. A un jour grivois suivait un soir paillard, brouillamini sans fin. Ainsi au grand dam du concubin l’alcool pris goût du poison sournois.
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Conclusion : Oh ! Bacchus goulu d’alcool tords dix fois ton alambic avant d'offrir du rhum à ta nana.
 

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