Publié le 16 Juin 2014

Pedro, ce n’est pas mon père, pas vraiment...

Quand il me dit "fils" je vois pourtant briller ses yeux.

Moi, je m’appelle Rana. C’est Pedro qui m’a donné ce surnom quand il m’a trouvé dans un fossé, là-bas dans le Nord, au bord d’une route lointaine.

- Couché sur le ventre, les membres écartés, et trempé par la pluie, tu ressemblais à une petite grenouille, fils !

Pourquoi passait-il par-là ? Qui m’avait abandonné, seul, dans la nature ? Que de questions j’ai pu poser à Pedro !

- Fils, c’est le destin qui nous a réunis toi et moi ! Ne sommes-nous pas heureux ?

Pedro est un incorrigible bavard quand il s’agit de sa passion, le spectacle.

- Que de bonheur, fils, quand les gens applaudissent ou quand les sourires illuminent les visages des enfants. N’avons-nous pas un métier merveilleux qui nous mène de bourgade en bourgade? Dès l’instant où nous enfilons nos costumes de scène nous sommes les rois !

Oubliées les heures d’entraînement quotidien, les douleurs musculaires ou les repas aléatoires… Pedro ne retient que le souffle court des spectateurs aux instants les plus périlleux, les éclats de rire, l’incrédulité ou l’ébahissement face aux tours de magie, les mains frappées à la cadence donnée par le trompettiste, le silence imposé par le roulement de tambour…

Oui, Pedro est un incorrigible bavard…

Mais Pedro se tait quand je maquille son visage…

Pourrais-je aujourd’hui le regarder dans les yeux ?

Violetta, tour à tour écuyère, danseuse, équilibriste, dresseuse de chiens… Violetta, mon amie, ma confidente, m’observe dans le reflet du miroir. Je sens son regard posé sur moi, son interrogation. Ma main tremble. Le pinceau dessine un sourire étrange sur la face enfarinée de Pedro. Le sourire dérisoire qu’il fera demain quand il s’apercevra de mon départ ?

Comment pourrais-je lui dire que je le quitte pour rejoindre ce Nord que m’a décrit Arturo, le peintre qui nous a accompagné pendant quelques jours ?

Comment lui faire comprendre que je veux connaître ces gens auxquels, paraît-il, je ressemble tellement ?

Mais surtout, surtout, comment lui avouer mon désir de rencontrer ce personnage de légende, ce Buffalo Bill ?

Pedro connaît-il son histoire ? Pourrait-il comprendre mon espoir de suivre un jour la troupe de cet ancien chasseur de bisons sur les routes et qui sait au-delà des mers ?

Violetta fredonne. Le chien renifle, s’ébroue.

Je me détourne, troublé, et range le pinceau.

- En piste, les enfants ! dit Pedro.

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Publié le 14 Juin 2014

C’est un mot, un petit mot étrange

Eux seuls connaissent sa signification et la savourent

Eux seuls…

 

Ce petit mot est un bijou précieux

Ils le portent souvent, pourtant nul ne le voit

Le murmurent et sont seuls à le percevoir

Son étymologie reste un mystère.

Il ne dérive d’aucunes langues connues

Ne peut se nommer code ni sésame

 

C’est un mot, un petit mot étrange

Eux seuls en jouent, l'échangent, le font vivre.

Eux seuls…

 

Ce petit mot les rend uniques dans la foule

Il se tapote sur un clavier

Se dit avec les yeux ou se susurre au creux de l’oreille

Et à chaque fois les trouve impatients

De rejoindre enfin le pays sans tabou

Où toute traduction est inutile

 

C’est un mot, un petit mot étrange

Il les mène à l’osmose des corps et des cœurs…

Eux seuls… Eux deux !

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Pour Mil et une - clic - sujet semaine 14/2014 - mot intraduisible

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