Publié le 23 Juillet 2017

Je me rappelle fort bien comment j’ai cessé de peindre, ce fut de façon toute naturelle, sans effort, sans regret. Pour moi, l’ouvrage était terminé voilà tout. Et l’ouvrage, le bel ouvrage ça me connaît, jamais je n’ai rechigné à la tâche, jamais je n’ai bâclé le travail ou supporté la moindre imperfection. Je me rappelle fort bien ! C’était un jeudi de septembre, le 24 pour être précis et aux infos on venait d’annoncer le vol d’un tableau de Magritte. L’Olympia ! La représentation d’une jeune femme blonde aussi jolie et naturelle qu’Hélène, ma compagne depuis dix ans. clic

 

Ah ! Hélène ! Le bon goût fait femme ! Perfectionniste elle aussi et tellement classe. C’est grâce à elle que d’une vieille ferme abandonnée a jailli une maison si bien agencée qu’elle a fait l’objet d’un reportage dans l'émission "Bicoques Magazine" La gloire pour Hélène ! La fierté pour moi.

Pourtant, dans une séquence, notre chambre à coucher paraissait un peu terne et Hélène a suggéré d’en revoir l’agencement de fond en comble. Elle a pris des mesures, fait des plans et, passionnée, a couru de gauche à droite, passant d’un magasin de meubles à une boutique de décoration.

 

Quand tout fut choisi jusqu’aux moindres détails, je me mis à l’oeuvre. Vider et déménager les meubles, dépendre les tentures, protéger, décaper, reboucher, poncer, étendre une couche primaire, tout s’enchaînait avec bonheur et le soir, la chambre d’amis était pour nous un nid douillet, une douce escale amoureuse.

Pour les murs, Hélène avait opté pour un ton de bordeaux profond et chaud. Après en avoir peint deux couches, le résultat était très harmonieux mais ma Belle, soucieuse, le front plissé, se questionnait "du parme ne donnerait-il pas plus de vie, de gaieté ?" Un petit essai de cette nuance a conclu dans ce sens et, le rouleau à la main, j’ai à nouveau transformé le décor. Je me rappelle fort bien, ce ne fut pas facile d’obtenir ce parme tendre et lumineux sans que transparaisse la moindre trace de bordeaux. Trois week-ends se sont enchaînés et ce jeudi 24, premier jour de R.T.T. de l’année, j’ai enfin pu nettoyer le rouleau et les pinceaux.

 

Je me rappelle fort bien de cet instant, c’est l’instant aussi où Hélène est sortie de la salle de bain, nue, désirable comme une déesse et sa voix, je m’en souviens fort bien, trop bien. Si douce quand elle a dit "tu sais, au fond, je préférais le bordeaux"

 

Alors, Monsieur le Juge, ce fut de façon naturelle, sans effort, sans regret que j’ai serré son joli cou pour qu’enfin elle se taise.

 

Depuis, je n’aime plus Magritte.

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Pour Mil et une - 23/07/2017 -  clic

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