Cheminement
Publié le 18 Octobre 2012
Ce jour-là, après avoir beaucoup marché, je parvins à une croisée des chemins et je profitai d’un coin
agrémenté d’un banc pour m’octroyer une pause afin de soulager mes pieds endoloris. Assise à l’ombre d’un chêne, rassasiée de quelques fruits, j’observai les différentes routes qui se
présentaient à moi. Celle de gauche me sembla la plus accueillante et bientôt je me remis en marche dans cette direction.
Cependant, après quelques lacets, je me retrouvai dans une contrée étrange où tout était voué à l’apparence. Les
personnes que j’y rencontrai étaient superficielles et vaniteuses. Sans cesse, elles admiraient leur reflet dans des miroirs placés un peu partout sur les murs des maisons. Pour elles, seul
comptait l’aspect extérieur et moi, vêtue à la diable, les cheveux ébouriffés par le vent, je fus observée avec mépris, nul ne répondit à mes tentatives de dialogue. A la sortie du village,
un miroir géant barrait la route, empêchant tout passage. Je rebroussai alors chemin suivie par les regards hautains et dédaigneux de la population. C’est avec un réel soulagement que je quittai
ce pays du paraître.
De retour au carrefour, j’optai pleine d’espoir pour un autre chemin. Après quelques centaines de mètres, deux gardes
vêtus d’uniformes stricts me réclamèrent un droit de passage. Je m’exécutai de bonne grâce, curieuse de découvrir ce qui justifiait cette demande. Hélas, cette vallée avait pour tout but la
rentabilité effrénée. Les gens se hâtaient en tous sens, il ne fallait pas perdre une minute de ce précieux temps qui valait de l’argent. Leurs yeux préoccupés me regardèrent sans me voir. Les
enfants et les vieillards délaissés et parqués à l’écart comme du bétail avaient un regard si triste que je m’enfuis en courant.
Dès lors, il ne me restait plus que une route à découvrir mais elle m’emmena au pays de la jalousie, de
l’envie malsaine, de la dénonciation calomnieuse. Les habitants se montrèrent méfiants, ils chuchotaient, toujours sur le qui-vive, et leurs visages portaient les marques de leurs peurs.
Moi-même, je me sentis soupçonnée pour je ne sais quelle raison et, mal à l’aise, je fis demi-tour.

Et puis vint la récompense, je pénétrai dans une clairière baignée de soleil. Au sol, un tapis de mousse semblait
m’inviter au repos et l’air était rempli de chants d’oiseaux. De-ci, de-là, passèrent à ma portée des feuillets couverts de signes. J’en saisis un au passage et je découvris des mots doux
comme une caresse, légers comme une plume. Ensemble, ils décrivaient l’amour de la vie.
Au bord d’un petit ruisseau à l’eau limpide, des artistes peignaient des tableaux animés ou donnaient vie à des
matières les plus variées. Certains jouaient d’étranges instruments dont s’échappaient des mélodies sublimes. Tous me sourièrent, m’invitèrent à partager leur quiétude. Tout ici était harmonie et
je compris instinctivement que mon voyage touchait à son terme. Par le plus grand des hasards j’avais enfin atteint mon jardin secret, celui qui depuis toujours était enfoui au plus profond de
moi et un sentiment de paix infinie m’enveloppa.
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