Publié le 27 Mai 2020

Philharmonie de Paris - clic et clic

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Mon aïeul Pépé DD et moi, nous fêtons aujourd’hui notre anniversaire. Moi, j’ai quatorze ans et lui quatre-vingts mais c’est Mémé Kiki la plus âgée de la famille. Pépé DD dit souvent « Kiki tu es notre chef d’orchestre ! » Je vois alors Mémé Kiki sourire mais d’une façon un peu tordue. Pourquoi ? Je ne l’ai pas encore découvert.

 

Ce soir a également lieu le concert de notre harmonie dans la salle des fêtes du village. Papa, qui la dirige depuis peu et doit faire ses preuves, est un brin nerveux. Moi, je lui ai dit «cool Dad, tout ira bien tu peux compter sur nous »

 

Pépé DD au tuba, Papy, son fils et mon grand-père, à la clarinette et moi, Arthur, à la caisse claire à défaut d’une batterie complète, nous veillons au grain, à la bonne humeur entre les musiciens et tout et tout…

 

Mon aïeul, en plus de fêter ses quatre fois vingt ans, fête également son soixantième concert annuel, ce n’est pas rien ! (Je l’appelle toujours mon aïeul parce qu’il est une des racines de mon arbre généalogique, celui que Maman avait tracé quand j’étais môme pour m’aider à m’y retrouver dans les membres de ma famille paternelle)

 

Le président de notre harmonie fait monter Mémé Kiki sur scène aux côtés de Pépé DD et lui offre un bouquet de fleurs avant d’entamer un petit discours en l’honneur d’André, notre membre jubilaire comme il nomme mon aïeul. Mémé Kiki resplendit sous son originale bien qu’habituelle crinière rouge et je suis fier d’elle comme je le suis de Pépé DD à la longue barbe tressée !

 

Les applaudissements fusent, enfin nous allons pouvoir nous exprimer, mes baguettes en frétillent d’impatience. Papa s’avance, salue le public mais au lieu de se tourner vers nous les musiciens, hommes et femmes vêtus de notre uniforme vert cactus, il tend la baguette de chef d’orchestre à Mémé Kiki, sa grand-mère, mon aïeule (j’insiste pour que vous suiviez bien mon arbre généalogique) qui n’a pas encore quitté la scène pour rejoindre sa place.

Un sourire aux coins des lèvres, Mémé Kiki s’incline brièvement vers la salle, se dirige vers le pupitre, feuillette rapidement une partition, donne trois coups brefs sur le bois du lutrin tout en nous toisant. J’en ressens des frissons le long de mon échine.

 

Geste suspendu… Un, deux ! Les bras donnent le tempo, virevoltent, insistent à gauche, à droite, indiquent l’arrière des rangs, calment la vigueur, la ressuscitent et c’est « La vie est belle » qui s’envole du sol au plafond, se répand de nos instruments jusqu’au fond de la salle subjuguée par tant de vigueur.

 

A la fin du morceau et des applaudissements enthousiastes couronnés de quelques « bis », Pépé DD rejoint son épouse qu’il embrasse, se saisit d’un micro et déclare « je l’ai toujours dit, Christine, ma Kiki, est une vraie chef d’orchestre et oui, LA VIE EST BELLE !

 

Ensuite le concert reprend son déroulé normal sous l’égide de mon père…

 

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Mémé Kiki me racontera peu après comme elle aurait aimé, elle aussi, jouer d’un instrument de musique, s’intégrer dans la fanfare de son village natal… autre temps hélas où les filles n’étaient pas prises en compte dans ce genre de loisir… elle me dira que mon père, touché par ce manque qu’il ressentait en elle, lui avait dit qu’il n’y avait pas d’âge limite pour se faire plaisir et lui avait offert ce bon moment de partage-surprise avec des musiciens…

 

Oui, la vie peut être belle ! 

 

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Pour Mil et une sujet 21/2020 - clic et clic

Ce texte est une suite de clic

 

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Publié le 7 Avril 2020

 

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C’est comme un besoin, une évidence, aujourd'hui il lui faut parcourir les chemins de son enfance. Déjà elle gravit la butte menant à la petite chapelle. Dans la prairie, des chevaux tête-bêche unissent leurs efforts pour chasser à coups de queue les premiers insectes. Le printemps est là !

Deux cyclistes font tinter leur sonnette et la sortent de sa rêverie. Gare, ils sont pressés.

En passant devant la maison de Mathilde elle sourit. Pour sûr la nonagénaire à sa fenêtre aurait envie de faire un brin de causette mais inhabituellement elle se contente de faire un signe de la main puis elle lève un pouce en forme de « tout va bien pour moi »

Rassurée sur le sort de Mathilde elle dévale à présent le chemin menant au fond de la vallée. Un couple de marcheurs venant en sens inverse s’écarte vers le talus pour la laisser passer. Sensation étrange. Serait-elle pestiférée ?

 

Le ruisseau encore gonflé des dernières pluies et averses de neige serine son chant sans fin. Là, près du pont, elle allait jadis se baigner avec ses frères et ses amies dérangeant probablement les truites arc-en-ciel…

Le ciel ? Il est si limpide aujourd’hui sans les innombrables traces blanches des long-courriers rejoignant Londres, Amsterdam ou New-York.

Du clocher de l’église le temps s’égrène à travers la campagne… dix, onze coups de cloche et puis seuls les chants des oiseaux poursuivent l’animation. Une jeune femme précédée par son enfant juché sur son petit vélo s’approche d’elle. A son tour elle s’écarte pour les laisser passer en se risquant à un petit sourire. La femme, yeux rivés à son portable, l’a-t-elle seulement aperçue ? Elle en doute… Bof !

 

 

Le banc posé dans une courbe du sentier traversant le pré semble lui faire des reproches : Hé, tu me délaisses ? Ne suis-je plus qu’un peu de bois dur ? N’as-tu pas, comme d’habitude, envie de te reposer sur moi et d’observer la maison de ton enfance ? Mais pour toute réponse elle se contente de le caresser furtivement. Le pauvre ne sait pas qu’il est mis au ban de la société.

Un bourdon délaissant une jonquille vrombit autour de l’hôtel à insectes et déjà le chemin rejoint la plaine de jeux désertée de toute présence enfantine. Quel gentil génie les délivrera de ce sortilège maléfique elle, ces jeux et le banc là-bas ?

Probablement pas la police faisant son boulot, pas toujours facile, de veiller au bon respect des mesures exceptionnelles prises en ces temps troubles d’épidémie.

Circulez braves gens, seul ou à deux, à pieds ou à vélo en partant de chez vous et en vous tenant au minimum à un mètre cinquante de distance l'un de l'autre.

Circulez, il n’y a rien à voir !

 

Mais elle sait son enfance bien cachée dans un coin de son cœur et comme souvent c’est là qu’elle puise la force de continuer encore et encore son chemin de vie.

 

Où la mènera-t-il demain ?

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Pandémie du Covid-19 - clic

 

 

 

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Pour Mil et une - sujet 14/2020 - clic

image sujet Annick SB - clic

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Publié le 1 Mars 2020

 
J’aurai une armure et un casque avec un beau panache de plumes blanches et puis mon cheval sera blanc lui aussi, disait Gwendoline.

 

Arthur, son frère, occupé à trier ses nombreux chromos de footballeurs, ricanait : tu as déjà vu un chevalier à lunettes ? Et puis tu n’es qu’une fille…
 
- Et alors, Jeanne d’Arc aussi c’était une fille ! Tu n’as aucun imaginaire, pauvre crétin.
 
Et Gwendoline continuait à rêver sa vie. Tantôt fière chevalière, tantôt princesse choyée en son beau château perché. Parfois elle changeait de registre et partait à la découverte d’animaux étranges vivant dans des contrées lointaines. Elle était l’émule de Christophe Colomb et voguait sur la Nina ou sur la Pinta. A moins que ce ne soit sur la Santa Maria ? Bof ! Peu importe si il y avait une petite entorse à l’histoire, seule comptait l’aventure.
 
Au fil des livres et des bandes dessinées choisis dans les rayons fournis de la bibliothèque de son village, elle vivait ainsi une multitude d’aventures plus passionnantes les unes que les autres. 
 
Le Japon, si lointain que le soleil s’y levait, l’Egypte et ses pyramides majestueuses peuplées de momies, la Sibérie ou le Pôle Nord dont les seuls noms évoquaient un froid si intense qu’elle en tremblait, la jungle touffue et ses lianes tombant de la canopée, la Bretagne ou la Scandinavie aux mystérieuses légendes, la mer profonde de vingt mille lieues, l’île au trésor, les dessins rupestres ornant les grottes préhistoriques ou même la Lune là-haut dans le firmament… il y avait tant à découvrir et rien ne la rebutait.
 
Son frère se voyait le meilleur buteur de tous les temps (quel crétin !)
 
Gwendoline, c’était décidé, serait exploratrice !
 
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Arthur, après son travail à La Poste, entraîne une équipe de juniors et se donne à fond auprès de ces jeunes parmi lesquels, qui sait, germera peut-être un futur Ronaldo.
 
Gwendoline quant à elle gère désormais la bibliothèque municipale et à son tour conseille les lecteurs de tout âge, aux goûts divers.
 
Chacun à leur façon, ils sont les héros de leur propre vie et une complicité fraternelle jamais prise en défaut est un de leurs plus grands trésors.
 
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Pour Mil et une - sujet 9/2020 - clic
Illustration de Norman Rockwell - clic et clic
 
 

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Publié le 11 Février 2020

 

De marbre !

Ma décision est prise, dorénavant, je resterai de marbre et tant qu’à faire d'un marbre blanc de la plus fine qualité.

« Je le vaux bien » dixit la pub et pour une fois, je lui donne raison.

Alors fini de chercher à me culpabiliser, désormais ils n’y arriveront plus. Qu’ils se débrouillent sans moi.

J’entends déjà le tumulte et je me régale à l’avance de leurs œillades ahuries puis outrées suivies de :

- Mais maman !

- Voyons chérie !

Ou plus cajoleur (hypocrite, oui)

- Allons, ma petite fée tout à moi…

 

De marbre !

 

Et si la pile de linge sale, de linge à sécher, plier ou repasser, recoudre, allonger, raccourcir, customiser, remiser pour l’hiver ou pour l’été, de linge à trier pour le recyclage ou la revente sur le Net… (Pfff ! je reprends mon souffle…) de linge à prévoir pour le sport à l’école, la piscine, le linge à ranger dans la bonne armoire, à assembler par bonne paire, bonne taille, à ramasser sous un lit, derrière un radiateur, à désodoriser, détacher… et j’en passe… si la pile donc devient montagne ce ne sera plus de mon ressort.

 

- Comment ? C’est de la montagne qu'est extrait le marbre ?

 

Et bien oui, ce sera cette montagne qui m’aura générée, tant pis pour elle !

 

De marbre !

A bon(s) entendeur(s), salut !

 

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Pour Mil et une - sujet 6/2020 

Michelangelo Pistoletto - clic

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Publié le 22 Décembre 2019

- Tu dors, Nestine ?

- Mmm !

- Je suis passé chez le boucher, j’ai décommandé la viande prévue pour le réveillon. L’était pas contente Mélie, je l’ai bien vu à ses lèvres pincées malgré son éternel sourire commercial. Et son regard, je ne te dis pas ! Foudroyé je serais si je ne la connaissais cette chipie.

- Mmm !

- Oui, elle a quand même demandé de tes nouvelles. Oh ! discrètement tu penses bien… la grippe ce n’est pas bon pour la clientèle et donc pour son tiroir-caisse… Tu ne dis rien ?

- Dorm…

- Dormir ? Oui, je vais te laisser dormir, ma bonne Nestine... Ah, j’ai rapporté de quoi te confectionner un grog ce soir, il n’y a rien de tel pour tuer les microbes… Bon, je te laisse tranquille… Pfff ! Je me suis souvenu tout à l’heure de la naissance de Gaëlle, la veille de Noël. Toi et elle à la maternité et moi, seul avec les deux garçons… On avait regardé des vidéos de dessins-animés puis j’avais fait chauffer du cassoulet… deux boîtes… Les petits étaient ravis et moi, j’ai vidé le plat… quel festin ! Alors tu vois, ne te tracasse pas pour le repas, ce soir je réveillonnerai devant la télé avec un cassoulet de Miniprix, cela me rappellera le bon vieux temps… et puis, tiens, je me servirai également un bon grog… Dors bien Nestine !

- Mmm !

- Non, ils n’ont pas appelé, pas encore ma Nestine, tu sais comment cela se passe aux sports d’hiver… non, tu ne sais pas ?… moi, non plus d'ailleurs !... Pfff ! Dors bien !

 

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Pour Mil et une, sujet 46/2019 - clic

image Mil et une 2014 

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Publié le 8 Octobre 2019

 

C’est un terrain en pente sillonné par un chemin discret. Souvent, j’arrête ma voiture à son ébauche et je grimpe là-haut. Souvent, oui, très souvent !

Suivant la saison ou la météo j’y surprends parfois une grenouille coassant, empressée de rejoindre un point d’eau ou un lapin en quête d’une chicorée bien fraîche. Même la neige ne me rebute pas et mes pas se mêlent alors avec bonheur aux traces d’un oiseau, d’un lièvre ou même, quel bonheur, d’un renard.

Arrivé au sommet le rituel est toujours le même, je ferme les yeux et me retourne lentement comme pour mieux appréhender le paysage qui va s’offrir à mon regard. La ville est là, si proche, si lointaine, illuminée de mille feux ou déjà éclairée par les premiers rayons de l’aube mais toujours bruissant de vie. D’une autre vie !

Une vie faite de bruits : klaxons, sirènes, circulation intense, qui prenant de plus en plus d’ampleur couvrent le chant d’un coq paradant dans un jardin de la proche banlieue ou le dernier cri d’un oiseau de nuit effarouché par tant de brouhaha.

« Oiseau de nuit » c’est le surnom dont m’a affublé ma douce Lou… J’aime quand le soir, avant de la quitter, elle me chuchote à l’oreille « demain matin, rendez-vous là-haut, mon oiseau de nuit » et que s’ensuit un petit-déjeuner improvisé pris debout dans nos doudounes ou étendus sur l’herbe fraîche. Tendres instants d’intimité avant que Lou ne m’abandonne pour se rendre à son travail et que je ne regagne notre appartement pour bénéficier de quelques heures d’un repos bien mérité.

Oui, je suis un oiseau de nuit, pion toujours vêtu d’un bleu de travail et faisant partie de la troisième équipe à l’usine. 

Mais je rêve, nous rêvons, d’une autre vie et qui sait un jour prochain, nous vous accueillerons peut-être à « L’Heure Bleue » dans nos chambres d’hôtes ?

Rêver c’est si bon !

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Mil et une - sujet 35/2019  - clic  

Jean - Michel Folon - Aube

Alain Souchon - Un terrain en pente me fiftie clic)

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Publié le 29 Septembre 2019

 

- Allons voir !

La voix d’Eddy a fusé sans le voile de la moindre hésitation. Pour lui, c’était une évidence, nous devions aller voir. Comme un automate bien programmé, j’ai une fois de plus suivi mon frère.

 

Allons voir…

Combien de fois avions-nous parcouru ce chemin étroit bordant l’ancienne carrière ? Des dizaines pour sûr ! Pourtant jamais encore la curiosité ne nous avait fait descendre dans ce fond nommé « le trou du loup » par le voisinage.

 

Allons voir…

Et si réellement un loup se terrait là-dessous ?

- Arrête de divaguer, Marco, des loups il n’y en a plus dans la région et puis ce que l’on voit ça brille un peu au soleil.

Il m’énervait Eddy à avoir toujours une réponse à tout.

 

Allons voir…

La descente fut périlleuse mais notre souplesse, notre entre-aide et quelques buissons ici et là auxquels s’accrocher en sont venu à bout et avec un brin de fierté nous avons relevé la tête pour mieux jauger la paroi vaincue.

- C’est dans ce coin là-bas, ai-je indiqué d’une main égratignée.

 

Allons voir…

Bof, ce n’était rien qu’une vieille caisse en bois dont la fermeture en métal avait attiré notre attention de là-haut. Mais déjà Eddy la triturait dans tous les sens puis à l’aide d’une pierre il finit enfin par la faire céder. Il souleva le couvercle, plongea ses deux mains curieuses dans le contenu puis brandit des...

 

Allons voir…

…je n’avais jamais vu de grenades, sauf en dessin…

Les explosions ont résonné encore et encore contre les parois de pierre.

La tête d’Eddy ? Où était passée la tête d’Eddy ?

Des villageois alertés par le bruit nous ont retrouvés, mon frère étendu sans vie et moi, hébété et en apnée, debout à ses côtés.

 

Allons voir…

Eddy avait seize ans et moi quatorze…

A présent j’ai… je ne sais plus mon âge… je suis vieux probablement, très vieux… Eddy, lui, reste un éternel ado…

Mais depuis ce temps d’après-guerre j’écris et j’écris encore à défaut de parler.

 

J’écris partout, j'écris sur tout : Allons voir

 

 

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Pour Mil et unesujet 34/2019 - clic

 
 

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Publié le 30 Juillet 2019

 

Détendez-vous, laissez voguer votre esprit librement, dit la Voix.

Voguer… voguer au fil de l’eau.

A chacun de nos coups de rame mon ami Victor marque la cadence d’un ho ! sonore.

Mes paluches ne sont que cals et pourtant manier l’aviron dans le courant, avec ou contre lui, quel bonheur !

Pas gaies tes mains, elles sont rêches et m’éraflent la peau, pique Anouchka en refermant presto son peignoir à fleurs.

Pagaie, pagaie !

Pas gaies les mains, pas gaie Anouchka ! Non, ce n’est pas gai, je le confirme.

C’est l’été, le soleil vous dore la peau, vous ressentez un bien-être immense, poursuit la Voix.

Dorer la peau ? La cuire, la rougir plutôt, pas blond pour rien. Et rougir de honte, les mains agrippées à la planche du plongeoir puis lentement, lentement, reculer un genou, une jambe et ravaler ma trouille.

Faire le pitre. Même pas peur ! Sauter dans le vide comme si de rien n’était, ressentir le contact de l’eau libératrice de la frousse et porteuse de promesse du tant espéré brevet de natation.

Mais pourquoi fait-il aussi chaud ? Pour dorer ? Encore ?

 Souvenez-vous d’une histoire d’eau, suggère à présent la Voix.

Une histoire d’os ? Et pourquoi pas de mort tant que l’on y est ?

Ma sœur est fière de sa collection de coquillages, moi, à son grand dégoût, je récolte des os de seiche. Elles ont un peu la forme d’une planche de surf sur laquelle je rêve de conquérir la mer. Maman refuse cette idée, moi je m’y accroche étalant ici et là mes trésors.

Tu vois, c’est un sport qui peut s’avérer dangereux. Nul besoin de la précision donnée par ma mère, la seule vue du cadavre d’un planchiste au fond du canot de sauvetage suffit à m’en convaincre.

Une histoire d’os, disait la Voix. Pourquoi ? Serais-je en danger moi aussi ? Vraiment ? Je m’accroche une fois de plus.

Mais elle poursuit…

Laissez voguer votre esprit, souvenez-vous d’un voyage lointain…ou pas.

Les voyages forment la jeunesse, disait Bon-Papa et Mémé ajoutait voir Venise et puis mourir. Elle est partie trop tôt sans avoir eu le loisir ou les moyens d’y mettre les pieds. Bon-Papa, lui, rattrape le temps perdu. A bord de navires de croisière il conquiert le monde. Lui, moi, nous qui envahissons en foule le moindre recoin qu’en faisons-nous de cette vieille dame, la Terre ?

J’aimerais tellement rentrer chez moi… dormir… mais la voix me réveille, impitoyable…

Vous est-il arrivé de sauter de joie alors que les circonstances ne se prêtaient pas à l’exubérance ? Oui, probablement, cherchez bien…

… j’avais un contrat de travail à durée indéterminée en poche et, oui, après avoir tant ramé en passant d’un petit job à un autre, j’allais enfin pouvoir penser à mon avenir. Quitter la maison familiale, payer un loyer sans souci, vivre avec Anouchka… ou pas, me gréer ce cours de peinture dont je rêvais depuis longtemps et…

Un orage violent, avec ses éclairs zébrés et sa pluie violente, a à peine ralenti mon enthousiasme tant j’avais envie de chanter, de danser, de crier mon bonheur aux passants courant pour se mettre à l’abri.

Quand j’ai rendu son costume et son parapluie à oncle John il n’a pu s’empêcher de faire la grimace. Mais malgré le tissu fripé et encore légèrement humide il ne m’a fait aucun reproche, tout heureux d’avoir pu m’épauler à sa façon pour décrocher ce boulot. Jamais je n’ai osé lui avouer avoir oublié d’ouvrir le pépin pour nous protéger, ses vêtements et moi, des trombes d’eau…

Je ne saute plus de joie mais la fournaise a laissé place à la pluie. Depuis combien de temps ? Peu importe, je la sens tomber sur moi par la fenêtre cassée et mouiller mes lèvres desséchées…

La Voix s’est tue ou alors ne suis-je plus capable de l’entendre. Il me semble tourner en rond dans un bocal comme le faisaient inlassablement les poissons rouges de tante Miette.

Tante Miette, aussi neurasthénique que ses cyprins dorés à qui elle distribuait avec parcimonie quelques granulés de nourriture sur lesquels, soudain intéressés, ils se jetaient avidement.

Oublier ma propre faim, tenter de crier encore et encore pour avoir une chance de me faire repérer par un passant, ne pas dormir, ne pas écouter la Voix si elle se fait à nouveau entendre.

Cherche-t-elle à m’amadouer ? Et si c’était la Mort ? Ne pas y céder, tenir encore…

Monsieur ? Monsieur ?

Je vois une main ouvrant la portière de la voiture et s’avançant avec précaution vers mon épaule droite. Des gens parlent, téléphonent. Un gyrophare émet une lumière d’aquarium. Une sirène hurle au loin.

Je ne suis pas mort ? Vivant, je suis VIVANT !

Cinq jours que l’on te cherche partout, dit avec émotion une voix aimée…

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Pour Mil et une sujet sujet 28/2019 - 2ème jeu de l'été - clic

 

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Publié le 24 Juillet 2019

 

Il était une fois...

C’est ainsi que commencent les histoires. Celle-ci, bien que banale, ne déroge pas à la règle.

Il était une fois une dame devant entreprendre un long périple pour rejoindre une ville située dans une contrée lointaine. Hélas, son bagage fait de quelques coffres lourds et volumineux ainsi que de babioles délicates et précieuses à ses yeux était bien difficile à acheminer pour elle, aussi se résolut-elle à faire appel aux services d’Al Adhin.

Au jour et à l’heure convenus, une ombre gigantesque assombrit le seuil de porte où, fébrile, la dame attendait. Elle leva les yeux et put admirer la dextérité avec laquelle Al Adhin surgi des cieux posa, sans un pli, son grand tapis persan sur le sol.

L’homme, de belle prestance, la salua d’une inclinaison brève du torse et sans un mot, pénétra dans la maison pour saisir tour à tour tous les bagages. Quand tout fut disposé à son goût sur le tapis, qu’il eut vérifié le bon équilibrage de la cargaison, il s’inclina à nouveau invitant ainsi la dame à s’installer auprès de la lanterne trônant au centre de l’équipage.

Un instant décontenancée par le départ imminent, la dame referma la porte à clef et inséra celle-ci dans la boîte aux lettres puis d’un pas résolu foula la laine douce et délicatement colorée du tapis qui doucement vibrait. D’un dernier regard elle dit adieu au lieu où elle avait vécu heureuse mais déjà, happée par l’air frais du matin brumeux, elle oublia toute mélancolie.

Que le monde était beau vu du ciel ! Ici, les méandres de la rivière étincelaient ; là, l’immense forêt s’étendait à perte de vue. Des champs, des monts, des lacs, un désert... tout l’émerveillait. Parfois, d’une pression de main sur son épaule et d’un signe de bras, Al Adhin lui indiquait une ville, un monument ou simplement un nuage irisé. Nul mot ne s’échappait de ses lèvres. Seule une douce mélopée semblait à certains moments remercier, pour leur aide précieuse à la navigation. les trois oiseaux volant à leur côté.

Au loin le soleil déclina et un premier quartier de lune apparut dans le ciel. Le voyage touchait à sa fin, les oiseaux plongeaient par palier en direction d’une bourgade.

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Quand le camion freina et que cessa le ronronnement monotone du moteur, le déménageur s’étira longuement et dit : nous voilà rendus, Madame !

Alors, alors seulement, la dame prit pleinement conscience que sa vie venait de muer et qu’il lui faudrait désormais la reconstruire dans ce nouvel environnement. 

Dessinés sur la bâche de toile du poids lourd, sous la dénomination Al Adhin – déménageur tout pays, trois oiseaux stylisés semblèrent l’y encourager d’un battement d’aile…

D’un sourire reconnaissant mais retenu la dame remercia monsieur Al Adhin pour sa discrétion bienvenue dans ces moments émouvants et troublants pendant lesquels les vieux contes de son enfance avaient ressurgi pour adoucir le déchirement de son coeur causé par le déménagement…

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Pour Mil et une en octobre 2014

Peinture de Viktor Mikhaïlovitch Vanestsov - clic

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Publié le 5 Juillet 2019

 James R. Eads - clic - en collaboration avec Chris McDaniel - clic 

 

En déposant le café-crème sur la table, Arthur, le patron du Miranbar, fait un discret mouvement de tête en direction de la fenêtre donnant sur la place et dit "t’as vu ?"

En réponse Valentin hausse les épaules et grimace un "ouais, peux pas le louper"

Tout en pestant intérieurement de ne pas avoir commandé un cocktail rafraichissant plutôt que ce breuvage bouillant Valentin se replonge dans la lecture de la presse mise à la disposition des clients.

La première gorgée avalée, il tourne à nouveau son regard vers l’extérieur, un brin excédé.

"Peut pas passer son chemin, ce mec ? Il veut ma photo ?"

Après la deuxième gorgée, il lève sa tasse en l’air et fait signe au type figé face à la fenêtre, l’invitant à entrer dans le bar. L’homme, tétanisé, hoche finalement un "oui" de la tête pour aussitôt la secouer dans l’autre sens dans un "non-non" affolé.

"T’es grave, mon vieux, je ne suis pas le bon Dieu" pense Valentin tout en ouvrant la porte et en se dirigeant vers l’homme aux yeux irradiant des étoiles et marmonnant inlassablement "je le savais, je le savais"

"Vous saviez quoi ?" demande Valentin.

"Que vous étiez toujours vivant ! Dix ans qu’ils nous mentent !"

"Mais je ne suis pas…" 

"Puis-je vous toucher ?" quémande l’homme en tendant un bras hésitant.

 

Au fond, à quoi bon se justifier ? Si ce type veut y croire et que cela le réjouit où est le mal ? D’autres pensent dur comme fer que la Terre est plate…

 

"Yes but keep it a secret" dit d’autorité Valentin en serrant le type tout tremblant dans ses bras.

L’homme hoche la tête gravement tout en émettant des ronrons de bonheur.

"Promis, juré… je vous écoute en boucle… rien que vous… je vous, je v…"

"Il faut que j’y aille à présent, peut-être nous reverrons-nous un jour ?" crie Valentin en s’enfuyant sur la place.

 

Zut, il est en retard, le spectacle commence dans vingt minutes. Il lui faudra repasser entre les mains de Linda, la maquilleuse. La connaissant elle va encore râler et il peut le comprendre.

Alors Valentin-Michael Jackson lui promettra, une fois de plus, de ne plus se rendre au Mirambar en costume de scène… promis, juré !

 

 

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 Pour Mil et une - sujet 26/2019

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Publié le 21 Juin 2019

Une chaleur de nid

image Nicky Pe - clic

 

C’était un matin comme tous les matins, un matin où le réveil sonne toujours trop tôt et nous trouve engourdis de sommeil.

Elle s’est retournée dans le lit, est venue se blottir contre moi et elle m’a dit d’une voix pâteuse « j’ai une folle envie de fraises »

Moi, en temps normal, j’aurais déjà dû être sous une douche tiède, tu connais ma préférence à passer en premier dans la salle de bains, avant les buées d’eau chaude et la chaleur d’étuve. Il est vrai que je ne suis pas frileux !

Mais voilà, elle avait une folle envie de fraises… et moi, j’avais de plus en plus chaud, pas trop, non, juste ce qu’il faut. Comment dire ? J’étais entouré d’une chaleur bienfaisante, une chaleur de nid… pour un peu, je me serais rendormi.

En étirant un bras elle a répété « oui, j’ai une folle envie de fraises »

Chaleur ? Nid ? Fraises ? A ce dernier mot mon cerveau s’est enfin mis en mode éveil.

Des fraises ? Début janvier ? (il faut dire qu’à l’époque elles n’étaient pas présentes sur les étals quasi tout au long de l’année comme maintenant)

Où lui trouver des fraises alors que la température avoisinait les moins dix degrés et que la neige était prévue dans la journée ?

Alors le déclic s’est fait dans mon esprit et j’ai enfin compris ce qu’elle m’annonçait à sa manière. Heureux, oui, très heureux, j’ai pris ta mère dans mes bras et je l’ai embrassée.

Neuf mois plus tard, tu étais là mon fils, couché à nos côtés dans ton berceau.

Oui, cela fait bien longtemps maintenant mais j’en suis toujours très heureux…

Bon anniversaire !

 

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Pour Mil et unesujet 24/2019 - clic

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Publié le 31 Mars 2019

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

Je vous invite à le parcourir ici : clic

Jaco en un seul livretJaco en un seul livret
Jaco en un seul livretJaco en un seul livret
Jaco en un seul livretJaco en un seul livret

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Publié le 30 Mars 2019

Ce texte est une suite aux écrits suivants :  clic - clic - clic - clic - clic

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

Je vous invite à le parcourir ici : clic

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- Tu es triste, madame ?

Jaco prend place sur le banc et observe avec attention la femme assise à ses côtés. Elle ne lui répond pas, pourquoi ? C’est peut-être la faute à son sma, sma, sma ??? Il ne connait plus le nom de cette chose qu’elle tient en main, bof, un téléphone quoi !

Sma phone ! Oui, c’est ça, sma phone, comme lui quand le docteur a dit qu'il était à phone parce qu'il avait perdu sa voix. Perdu sa voix ! Il en a de bonnes ce docteur, sa voix elle était dans sa tête tout simplement. La voix de la dame c’est peut-être pareil ?

- Ta voix est dans ta tête madame ? Tu veux que je t’aide à la faire sortir ?

La femme relève un peu la tête et jette un coup d’œil furtif à l’intrus. Encore un dragueur ? Heu, non, il ne semble pas dans la séduction… Ado ? Adulte ? Difficile à dire mais la gaité illumine la face de lune de son voisin. Un pensionnaire de l’…

- Je m’appelle Jaco et je vis à «l’Arc en ciel» Tu aimes les arcs-en-ciel, madame ? Moi, j’aime bien les couleurs et puis les fleurs. Tu as vu l’arbre en face de nous ? C’est lui que je viens saluer, c’est un vieux copain. Tu vois, il a mis son costume de printemps, il est superbe, tu ne trouves pas ?

Le regard interloqué de la femme va de l’arbre en fleurs au visage de Jaco.

- Ecoute, tu entends les zzzz et puis les zzzbbbrr et les ziiiiiii ? Tu les entends ? Ce sont tous les insectes et surtout nos abeilles. Elles sont sorties des ruches, les gourmandes.

La femme range son portable dans la poche de son gilet et tends l’oreille. Elle n’a pas aperçu cet arbre en fleur ni perçu ce bourdonnement intense et plein de vie. Pourquoi ? C’est le printemps, le renouveau ! Depuis combien de temps est-elle en léthargie ?

- Tu vois madame, il ne faut pas être triste, ça ne sert à rien. Moi quand je suis triste parce que Marcel, mon frère, ne vient pas souvent me voir, je lui fais un dessin et je lui envoie. Alors ma tristesse elle s’envole dans l’enveloppe, zouuuuu, dis-pa-rue !

Un sourire éclaire le visage de la femme qui sans réfléchir dit : je m’appelle Hélène !

- Je vais te dire un secret, madame Hélène, avant j’avais une amie. Elle s’appelait madame Marthe mais Marcel a dit qu’elle était partie au paradis. C’est dommage, je lui faisais des dessins. Dis, tu ne veux pas être mon amie et me donner ton adresse, je t’en enverrai à toi aussi ?

La main de la femme serre le portable au fond de sa poche. Il n’a pas vibré. La énième dispute avec son amoureux semble celle en trop. Pourquoi attendre en vain qu’il l’appelle. Pourquoi s’entêter dans une relation toxique ? Le renouveau, oui, une nouvelle étape de sa vie s’ouvre à elle…

- Je n’ai pas de quoi noter mon adresse et t… et vous, Jaco ?

- Tu peux me dire toi, madame Hélène, je préfère si on est des amis.

Et puis je vais te dire un autre secret, j’ai toujours dans ma poche un petit bout de papier et un mini crayon, regarde !

La femme émue a noté son adresse sur le papier rose et dans la mémoire de son portable celle de Jaco puis elle a continué sa promenade.

Jaco, lui, s’est approché de l’arbre dont il a caressé doucement le tronc.

- On s’est fait une nouvelle amie grâce à toi mon vieux ! Chouette hein ? 

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Pour Mil et une sujet 13/2019 - clic

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Publié le 30 Mars 2019

Ce texte est une suite aux écrits suivants : clic - clic - clic - clic -

 

Il est content Jaco, Marcel, son frère, l’a emmené en ville visiter une exposition. Jaco aime bien observer les statues, les dessins ou les peintures cela lui donne des idées pour bricoler à son tour dans sa chambre à l’Arc-en-ciel où il vit depuis la mort du père.

 

- Il ne s’agit pas de bricolage, Jaco, ce sont des œuvres d’art, dit Marcel. 

 

Des œuvres d’art ! Pff ! Alors, lui, Jaco est un artiste ? Hi, hi, ça le fait rire… un artiste !

 

Du mieux qu’il le peut Jaco découpe de grandes lettres dans les magazines que lui apporte madame Marthe, sa vieille amie, quand elle vient lui rendre visite.

 

- Ils sont un peu vieux, mon Jaco, mais tu pourras quand même y découvrir des merveilles et cela te fera passer le temps.

 

Passer le temps ! Quelle drôle d’expression ! Comme s’il fallait passer le temps, il passe bien tout seul, le temps.

 

Passer pour aller où ? se demande Jaco.

 

Parfois madame Marthe se plaint : Le bus était en avanceJ’ai failli le rater ! dit-elle. Parfois, c’est le contraire : Il était en retard aujourd’hui, j’espère ne pas avoir pris froid à l'attendre. Ou encore : C’était Jules au volant, lui est toujours à l’heure.

 

En avance, en retard, à l’heure, bof tout cela n’a pas grande importance pour Jaco. Lui, il vit le temps présent bien que parfois il repense à sa vie à la ferme à l’époque de son père et alors il revit pour quelques instants le bon vieux temps.

 

Voilà encore une expression étrange que ce bon vieux temps…

 

Jaco apprécie tous les temps, ceux d’avant ou de maintenant !

 

Le bâton de colle à la main, il installe sur un grand carton les lettres découpées. Il y en a des rouges et des vertes mais aussi des bleus, des noires… Un vrai arc-en-ciel !

 

Le front plissé sous l’effort il vérifie si tout est bien dans l’ordre, comme dans la phrase écrite en grand par madame Marthe.

 

D M A N   E S T   U N   A T    J U R

 

Un grand sourire illumine son visage, il est un vrai artiste !

 

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Pour Mil et une sujet 09/2017 - clic

Ben au musée Maillol - clic 

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Rédigé par Mony

Publié dans #Jaco

Publié le 28 Mars 2019

(Pour Mil et une sujet 12/2019 - clic et clic)

La vie c’est parfois comme une chanson pour les enfants l’hiver, ça parle de bonhomme de neige avec une pipe en bois et donne envie de se rouler dans la neige, d’un poêle rouge auprès duquel on peut réchauffer ses mains gelées malgré les moufles, alors que depuis huit jours une pluie battante empêche de sortir et de prendre l’air.

 

La vie c’est parfois un déjeuner d’un lundi matin dans une belle famille, gâché par un bulletin digne du cancre de la classe et qu’il faut faire signer coûte que coûte, la sueur au front.

 

La vie c’est parfois un passage chez la fleuriste de la rue des Coquelicots, cette rue si bien nommée et qui évoque des brassées de fleurs des champs, mais d’où l’on sort avec à la main un bouquet si bien agencé qu’il en devient banal et stéréotypé.

 

La vie c’est parfois un grand homme doux, gentil, intelligent ou une femme avenante, gaie, sensible, qui se révèle peu à peu manipulateur, acariâtre, égoïste, pensant être toujours célibataire et avoir quartier libre pour flirter sans vergogne, en un mot invivable et à fuir à toutes jambes par respect envers soi-même ou par simple survie.

 

La vie c’est parfois un message sibyllin venant d’une personne inconnue et disant : « être ange, c’est étrange » alors que l’on se pose mille questions existentielles auxquelles s’ajoute une plus troublante « et si ce message émanait de mon ange gardien ? »  

 

La vie parfois est trop lourde ou elle nous joue des tours peu agréables. Alors, il nous faut en casser le fil et libérer les perles noires de dépit et patiemment réenfiler d’autres éléments composés de matières plus naturelles.

 

Quand la vie est un collier porté par un être, autant qu’il ne soit pas un joug mais soit parfaitement ajusté à son cou et agréable à porter en toute circonstance.

 

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Publié le 6 Mars 2019

Françoise Lesage - clic

 

Il y eut la communale : découvrir la lecture, les divisions, les soustractions…

Ce que préféraient Noémie, Noëlle et Nora, contrairement à leurs condisciples séchant sur le sujet, c’était la règle de trois mais aussi les sciences avec l’anatomie en tête.

 

Phalange, phalangine et phalangette, avait un matin énuméré l’instituteur en pointant sa grande règle sur l’index de la main géante affichée au tableau.

Alors, abandonnant les trois No dont elles se qualifiaient depuis la fin de la maternelle, Noémie, Noëlle et Nora décidèrent à la récré suivante que désormais elles porteraient le nom de Phalange, Phalangine et Phalangette. 

Qui était l’une, qui était l’autre, qui la troisième ?  Peu importait, elles ne formaient qu’un seul doigt pointé vers l’avenir.

 

Il y eut l’adolescence, les premières amours, le choix des études.

Phalange, Phalangine et Phalangette bien qu’ayant opté pour des orientations différentes se retrouvaient toujours avec le même bonheur à l’Académie de musique.

Les leçons de solfège étaient loin déjà et à présent chacune chantait et pinçait ou grattait avec bonheur les cordes d’un instrument : guitare pour deux d’entre elles, contrebasse pour la troisième.

 

Il y eut le fil de la vie… deux mariages, le boulot, l’attente du grand amour qui tardait, le boulot, les enfants, le boulot, Noël, le boulot, mardi-gras, le boulot, Pâques et déjà l’été finissant…

Des jours ensoleillés, des petits matins gris. Quelques jours de vacances en trio qu’elles s’octroyaient tous les deux ans avec parfois un petit pincement au cœur.

Allons, disait l’une à celle qui se culpabilisait, ils se débrouilleront bien sans toi.

 

Il y eut des questionnements : n’ai-je pas fait fausse route ? / Pierre et moi ce n’est plus ça. Ferions-nous mieux de divorcer ? / J’ai une furieuse envie de créer ma propre entreprise mais où trouver les fonds ? / Ma fille est partie vivre avec son copain, comment vais-je surmonter son départ du cocon familial ? / Mon fils à l’autre bout du monde va être papa pour la troisième fois. Six fois grand-mère en tout, qui aurait prédit cela ?/ Je suis vouée au célibat, peut-être est-ce mon destin ? / Nous approchons à grands pas de la retraite sommes-nous vieilles déjà ?

 

Mais toujours la musique les réunissait avec le même bonheur et pour fêter en trio leur anniversaire elles décidèrent d’inviter leurs proches à un petit concert surprise.

 

Il y eut des oh ! des ah ! des rires et des applaudissements quand elles apparurent sur scène déguisées d’une perruque formant un petit chignon blanc au sommet de leur tête, d’une robe rouge enfilée sur un pantalon noir et garnie d’un large tablier aux carreaux assortis à leur paire de pantoufles confortables. Et l’ambiance continua à monter au fil des morceaux parfois endiablés, choisis parmi ceux des décennies passées mais aussi à la grande joie des plus jeunes parmi le top du moment.

 

Et face à tous, Noémie, Noëlle et Nora, Phalange, Phalangine et Phalangette, prouvèrent avec humour et talent qu’elles étaient femmes de hier, d’aujourd’hui, de demain mais amies pour toujours !

 

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Pour Mil et une - sujet 09/2019 - clic

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Publié le 24 Février 2019

 

Daria Petrilli - clic et clic

 

Avoir une épaule sur laquelle s’épancher

 

Main dans la main suivre le chemin de la vie

 

Ne pas douter de leur force, jamais

 

Encore rire, se souvenir, partager, se reconnaitre

 

Se perdre de vue un temps... une heure ? un an ?

 

Ignorer mais pressentir un besoin, un non-dit

 

Et pour toujours savoir ce lien du sang qui les unit

 

 

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 Pour Mil et une - sujet 08/2019 - clic

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Publié le 17 Février 2019

Mon père et moi, moi et mon père. L’échiquier entre nous. Silence.

On s’observe par en dessous. Patience.

J’avance un pion, mon père sort de son nuage et grimace.

Moi, je zieute l’enveloppe qu’il m’a apportée tout à l’heure.

L’heure des visites, pas même le temps de finir une partie…

Sur l’étiquette je lis :

Je pense

que je suis

un cadeau,

mais je

m’emballe

peut-être

Au fond de moi, je ricane, ils sont cons mes potes ! Ils m’ont assez bassiné avec cette phrase que ma mère me répétait souvent quand j’étais môme "tu es mon plus beau cadeau, Sam"

Samcadeau qu’ils m’avaient surnommé, tu parles d’un présent.

Mon père lève le bras, hésite, moi, je devine ce qu’il veut faire. Patience.

Il se décide, bouge un pion de place puis regarde sa montre en disant "il est l’heure, le boulot m’attend. Maman viendra ce soir"

Il me reste jusqu’à demain pour parfaire ma stratégie.

Demain ?

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Mes potes ne peuvent pas venir me voir pour l’instant. Trop fragile disent les toubibs mais ils pensent à moi à leur manière…

Bouly a fait un dessin d’une nana, très belle, la femme de ses rêves, des miens ?

Gaël me tente avec une partition de musique sur laquelle il a noté "je t’attends pour un duo" Je la chantonne et du coup ma guitare me manque et je m’évade dans le poème en forme de S.M.S. écrit par Marine. Sensibilité à fleur de peau, j’en frisonne.

Et puis je déplie le tee-shirt sur lequel est imprimé le texte repris sur l’étiquette de l’enveloppe. Sont cons mes potes.

Oui, ils sont cons ! Je vois bien, moi, que ma mère est pâle, qu’elle sourit toujours en me voyant malgré mes quatorze ans mais que des cernes bleuissent à présent son regard. 

J’aimerais tellement gagner la partie et vaincre cette saleté de p. de maladie, pour mes parents, mes potes...

Tu parles d’un cadeau, Samcadeau !

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Pour Mil et une sujet 07/2019 - clic

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Publié le 16 Février 2019

 

Le chien a dressé les oreilles quand les gonds de la petite barrière ont couiné, il a humé l’air puis s’est redressé pesamment et d’un pas un peu bancal s’est dirigé vers l’homme marchant dans l’allée. Arrivé à ses côtés, il a passé sa langue râpeuse sur les mains qui se tendaient vers lui. Pas d’aboiements, ni de jappements, pas d’ennemi à signaler.

A leur tour, les mains de l’homme ont flatté l’animal. En lissant longuement les poils soyeux il a répété plusieurs fois : tu es si doux, mon chien.

Le chien, les oreilles toujours dressées, semblait se noyer dans les paroles chuchotées plus que parlées et une larme coulait de son œil droit.

-          Toujours cette irritation, Conny ? Te mettait-elle bien tes gouttes ? Tu me manques, tu sais, mon vieux compagnon…

Le chien a donné des coups de tête dans les jambes de l’homme qui a secoué la tête : non, mon Conny, pas de promenade aujourd’hui…

Le chat installé sur le perron observait la scène entre la fente de ses paupières, ne donnant aucun signe, ni d’accueil, ni de crainte, indifférent, et quand l’homme s’est approché davantage il a détourné la tête dédaigneusement.

-          Toujours aussi snob et rancunier, Sacha ? Tu m’en veux d’être parti ou cela te laisse-t-il de marbre ? a demandé l’homme en appuyant sur la sonnette.

L’homme a attendu en vain, la porte est restée close. Alors en soupirant, il a sorti une enveloppe de la poche intérieure de sa veste puis l’y a refourrée découragé en disant : à quoi bon, elle refuse même de décrocher son téléphone quand je l’appelle !

 Le chien l’a suivi jusqu’à la barrière entrainant le chat dans son sillage.

-          Gare à vous deux, Conny et Sacha, prenez soin d’elle, je compte sur vous… moi, elle ne me supporte plus.

Et en caressant l’un et l’autre animal il a constaté : vous vous entendez comme chien et chat et cela vous réussit… pourquoi n’y arrivons-nous pas elle et moi ?

La barrière s’est refermée toujours en couinant, le chien a regagné l’ombre du bouleau et le chat le soleil baignant le perron.

Tapie derrière une fenêtre légèrement entrouverte une femme les joues baignées de larmes a réalisé qu’elle aussi aurait bien besoin de gouttes pour les yeux mais qu’hélas il n’en existait pas pour les peines d’amour.

 

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Pour Mil et une sujet 06/2019 - clic

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Publié le 31 Janvier 2019

Rafał olbiński - clic et clic 

Certains sont définitivement cloitrés dans leur surdité

D’autres, mine de rien, tendent l’oreille

Et celui-ci demande : voulez-vous répéter, ce n’est pas clair pour moi ?

Celle-là tente malgré un certain brouhaha d’élever les idées

Le râleur, automate bien huilé, serine : c’est toujours pareil

Et l’optimiste de s’enthousiasmer : on avance

Les yaqua malgré leurs grandes idées ne mouillent pas leur liquette

Les utopiques, eux, s’accrochent à leur vision idéale

Mais les pragmatiques s’exclament : soyons réalistes

Ici on prédit un avenir sombre

Là un ciel serein

 

Tour à tour, la parole est donnée à chaque instrument de l’orchestre

On tente de repérer les couacs, les tempos trop lents ou à contretemps

Aucune fausse note ne devrait entacher l’harmonie

Et de répétition en répétition, d’écoute en écoute

Les violons s’accordent peu à peu

 

L’œuvre est ardue mais sublime à exécuter

Et chaque jour il faut s’exercer pour tenter de la magnifier

Celle que l’on nomme Notre Belle Démocratie

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Pour Mil et une - sujet 04/2019 - clic

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