Vole le temps !

Publié le 27 Juillet 2014

(ph. 3) - 9 heures trente

- Daddy ! Daddy ! scandent les enfants.

Impatients de partir, ils attendent le bon vouloir de Fernando, leur père. Eux sont prêts depuis un quart d’heure et déjà installés dans la voiture avec Conchita leur maman. Le temps est beau, les vacances de printemps sont là, la vie est belle. Fernando vérifie pour la troisième fois la fermeture de la fenêtre, jette un dernier regard sur l’ensemble du salon de coiffure et verrouille la porte sur laquelle est suspendu un grand "Closed" Plus de barbes à tailler, de toisons à discipliner, plus d’effluves de shampoing, de mousse à raser ou de serviettes humides, pendant cinq jours il va se consacrer à sa famille et à quelques parties de pêche en rivière.

- Ready ?

- Yes ! répond un chœur joyeux.

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(ph. 6) - 11 heures trente

Au Mohican Bar, Stella, la mère de Conchita est installée comme en chaque fin de matinée. Pour elle cette pause est sacrée et ce n’est pas l’arrivée incessante de sa fille et de sa famille qui la privera de ce moment de détente. Stella aime la ville, le brouhaha, les infos toujours à portée de main. Jamais elle n’a compris comment Conchita a pu s’installer avec son mari dans cette petite bourgade au fin fond de l’état. Elle se surprend à rire, non, ce n’est pas elle qui aurait pu élever une famille de six enfants, deux lui ont suffi amplement. Comme elle se réjouit de les revoir tous pendant quelques heures mais pourvu que sa fille ne lui annonce pas une nouvelle grossesse… Allons ! Il lui faut songer à rentrer, ils seront bientôt là, bruyants et affamés avant de poursuivre leur route vers le sud.

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(ph. 1) - 11 heures trente cinq

Crazy Jack en est à la moitié de la volée d’escalier et à sa neuvième prière. Quel pêché veut-il expier ainsi jour après jour ? Crazy Jack fait partie du décor, nul ne l’interroge, nul ne sait d’où il vient, ce qu’il fait dans la vie, mais immuablement il s’agenouille et gravit dans cette position l’escalier reliant le parc en contrebas au parking puis il replie soigneusement le tissu protégeant son pantalon du contact des marches et s’en va, le dos vouté. Parfois, des gosses le harcèlent en criant "Crazy Jack, Crazy Jack" sans apparemment le perturber et pourtant, à bien l’observer, on pourrait voir ses poings serrés et sa mâchoire crispée.

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(ph. 4) - 11 heures 50

La pluie survient brusquement et ne dure que trois minutes, déjà les parapluies sont repliés. Harold et Laurel intrigués par un rouleau de câble abandonné à même le trottoir se questionnent quant à son origine.

- C’est du Service des Eaux, dit l’un.

- Je te dis que c’est un câble électrique, lui répond l’autre irrité.

Harold et Laurel sans chamailleries, ce serait la fin de leur amitié vieille de soixante ans.

- On l’emporte !

- Non, on le signale à la Police.

- Vieille mule !

- Incivique !

Stella, tout en marchant, observe les deux hommes en grande discussion. Son sac est lourd de victuailles, elle est à présent pressée de rentrer. N’a-t-elle rien oublié ? La petite Mary est-elle toujours aussi gourmande et Tom aussi sensible aux produits laitiers ? Mentalement, elle passe la petite tribu en revue et s’impatiente de la retrouver. En face d’elle Crazy Jack traverse le carrefour, l’air hagard. Souvent elle le croise sans avoir jamais osé l’aborder. La ville est vivante mais peut aussi, hélas, se révéler un grand désert de solitude.

Des coups de freins, des bruits de tôles d’une rare violence, une odeur de brûlé. Le camion roulant à vive allure a coupé la route à la voiture de Fernando ne laissant aucune chance à ses occupants ni aux quatre personnes présentes sur le trottoir.

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(ph. 5) - 12 heures

Une poupée de chiffon éjectée de l’habitacle, dérisoire rescapée, sourit en vain dans une poubelle. Qui y prêtera attention ?

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Pour le jeu de l'été de Mil et une - semaines 30 et 31 clic

Rédigé par Mony

Publié dans #Moments de vie

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A
Quelle triste fin :(
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