mes sucres d'orge

Publié le 31 Janvier 2013

Wrestling_pictogram_svg.png                         Si elle pense m’impressionner avec sa voix rauque et son port de grosse brute, elle peut aller se rhabiller la Costaude des Epinettes, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va faire la loi. Du tranchant de la main, elle m’assène un coup derrière l’oreille et prestement se retourne, la jambe droite dressée mettant en valeur une jolie botte en cuir rouge. Furieux, je prends mon essor, la bascule sur le sol et l’empêche de se mouvoir. Yeux dans les yeux, nous nous défions et je ne peux m’empêcher de siffloter un petit air à l’accent ironique. L’effet est nul, elle s’enferre dans sa certitude d’être la plus forte et avec une rapidité de tigresse plante ses jolies dents blanches dans mon avant-bras. Sous l’effet de la douleur je relâche mon étreinte et me retrouve plaqué à mon tour sur le dos. Pas le temps de me morfondre, je veux gagner le combat et d’une rotation avisée je me retrouve sur les genoux. Nous nous agrippons par les épaules et nous tentons de nous relever sans lâcher prise ; une crampe malencontreuse dans le mollet gauche me dessert en faveur de la Costaude des Epinettes  qui rugit de sentir son triomphe à portée de main. En rage, je l’imagine déjà faire la relation de ses exploits à ses amies et cette idée insupportable me fait oublier la douleur. J’opère alors un déboulonnage en règle en la faisant tourner comme une toupie. Ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle va obtenir des faveurs dérogatoires, elle veut se battre et elle assume très bien, trop bien même à mon goût.
D’un "sus au dragon vert " elle retrouve l’équilibre et me tord le bras avec force tout en enfonçant traîtreusement ses ongles dans ma chair juste au moment où Maman me permet de sauver la face en mettant fin au combat d’un "Qui va à la boulangerie ? "
 
- Pas moi ! lance la Costaude et elle énumère les raisons de son refus : premièrement, deuxièmement… sixièmement..
 
Je ne l’écoute pas, elle a toujours les arguments adéquats. M’en fiche, avant de rentrer je passerai chez le confiseur histoire de remplir mes poches de friandises. Elles sont bêtes les quilles à la vanille ! Costaude des Epinettes et puis quoi encore ?
C’est Moi le plus fort !
 
 
 

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Publié le 8 Décembre 2012

         Ce texte écrit pour Miletune  est une suite à

"Le plus beau bouquet du monde"

publié ici même le 20/05/2012   (clic pour le redécouvrir) 

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

Je vous invite à le parcourir ici : clic

 - Tu m’en fais voir de toutes les couleurs, ça peut plus continuer, moi, j’en peux plus ! disait l’Marcel.

Jaco, il avait pas compris pourquoi son frère s’énervait, c’est vrai quoi, c’est joli les couleurs. Faut dire que depuis la mort de leur père, l’Marcel il s’occupait tout seul de la ferme alors que son rêve c’était de vivre pépère en ville comme il le répétait souvent. Jaco, lui, n’appréciait pas la ville. Ce qu’il aimait c’était d’accompagner son père dans la bétaillère quand il faisait sa tournée hebdomadaire pour acheter les veaux. C’est mignon les petits veaux qui viennent de naître et qui tremblent sur leurs pattes.

- Brosse les bien Jaco, disait Papa avant le passage du grand camion, on en retirera un meilleur prix.

Fini le commerce des veaux, l’Marcel il avait plus le temps et la bétaillère n’était plus dans la grange. Pfut ! Disparue un jour pendant la promenade de Jaco.

Souvent il y pensait la nuit, Jaco, et à son père aussi. Alors parfois, il ne savait pas pourquoi, il faisait pipi au lit et au matin l’Marcel il parlait des couleurs.

 

 Un vendredi, Jaco s’était rendu avec son frère chez Maître Angelot.

 - Non, pas Angelot, Jaco, Maître Angenot !

Jaco, il rigolait dans sa tête et continuait à dire Angelot en pensant à ceux qui entouraient la belle dame et son petit dans la chapelle du hameau.

Le Maître, c’était pas un Maître comme à l’école, il avait lu très vite des mots écrits sur un grand papier et puis l’Marcel il avait signé. La ferme était vendue et Jaco mis sous tutelle. Quel mot bizarre !

Maintenant, plus de lit froid et mouillé au réveil. Dans sa petite chambre à "L'Arc-en-ciel" Jaco se sent bien. Il l’a décorée avec les photos de Papa et avec tous les trésors qu’il avait ramassés pendant ses balades… une étagère pour les pierres, une autre pour les bouts de bois aux formes rigolotes… et sur le petit bureau il a placé le pot d'où jaillissent ses vieux crayons de couleur. Il y en a des longs puis des plus courts, des mâchouillés avec le bout tout décoloré et aussi des couleurs en double. Jaco aime bien dessiner et colorier.

Aujourd’hui, madame Marthe, une vieille dame qui s’occupe de la petite chapelle, a fait le trajet en bus jusqu’à "L’Arc-en-ciel" pour dire bonjour à Jaco et Jaco est très fier de la belle boîte de crayons de couleur offerte par son amie. Elle a aussi donné à Jaco une grande enveloppe sur laquelle elle a écrit son adresse et collé un beau timbre représentant une jolie crèche avec la belle dame et son petit comme dans la chapelle.

- Tu me feras un beau dessin et tu me l’enverras pour Noël. Promis mon Jaco ?

Jaco s’est mis à l’ouvrage sitôt le départ de madame Marthe. D’abord, il a étalé soigneusement les nouveaux crayons bien taillés en veillant à regrouper les couleurs. Les verts, puis les bleus… il a réfléchi où placer le noir… les mauve, les rose, l’orange, le jaune… Comme c’est joli et plein de vie !

Puis Jaco a saisi un de ses vieux crayons et, concentré, la langue sortant au coin de sa bouche, il a entamé le dessin de la chapelle.

Pour Marcel, il coloriera toutes les fleurs qu’avec d’autres jeunes adultes, handicapés comme lui, il cultive dans les serres de "L'Arc-en-ciel"

Sûr, Papa serait fier de lui ! 

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Publié le 15 Novembre 2012

 
 
 -cid_010E5E0E09894B4AB750AB883892E06C-AdminPC.jpg            Mon copain Ben, il a un chat, un vieux matou puant. Ben l’aime bien, ils ont grandi ensemble lui et cette grosse boule de poils hirsutes. C’est son chat quoi ! Mais mon copain Ben, il aime par-dessus tout les langues de chat. Sa mère dit en riant : « c’est son péché mignon à mon Ben » et chaque jour, elle lui en glisse dans son cartable. « Il n’y a que des bonnes choses là-dedans, pas comme dans toutes ces friandises bourrées de produits chimiques » qu’elle dit aussi.
 
Aujourd’hui, Ben mon copain, il a dix ans. On s’est donné rendez-vous dans le petit bois près de la plaine de sport, histoire de voir les filles à l’entraînement. Faut dire que notre camp secret dans un arbre il est super discret.
 
A peine installé là-haut, Ben a sorti de son sac à dos un ENORME paquet de biscuits. « Cadeau de ma mère » qu’il m’a dit. Moi, je regardais un coup Nadia tout au bout de la piste d’athlétisme, un coup Ben s’empiffrant de langues de chat. Nadia c’est ma préférée, elle est super rapide à la course et puis, à l’école, elle me sourit tout le temps. Les biscuits aussi je les aime bien seulement Ben il partage pas.
 
Quand Nadia est tombée, Ben a rigolé. « Quelle conne » il a lancé en ricanant et il a engouffré cinq biscuits d’un seul coup. « Là, il me cherche » que je me suis dit et je lui ai envoyé une baffe à lui faire avaler de travers ses péchés mignons. Il a toussé, gesticulé, essayé de cracher puis il est devenu tout rouge. Moi, tranquille, je le regardais. Il a voulu redescendre de l’arbre alors je l’ai refrappé et j’ai vu la panique dans son regard. « Tu ressembles à ton chat, lui aussi a eu peur quand je l’ai assommé » Ses yeux, on aurait dit qu’ils lui sortaient de la figure et pour plus les voir, je lui ai fourré le sac à dos sur la tête. Comme à son chat, pareil, sauf que lui je l’ai jeté du haut du pont dans la rivière.
 
Mon copain Ben, il a plus de chat et moi, j’ai plus de copain. Me reste seulement la boîte de biscuits. Même pas bons les péchés mignons, ils sont salés et tout mouillés.
 
Pas bons, je vous dis… Pas bons…
 
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
 
 

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Publié le 4 Novembre 2012

 

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    Je m’ennuie ! Mamy participe à son atelier de peinture et je n’ai pas voulu l’accompagner. Ses amies sont bien gentilles mais je devine leurs questions assommantes : les examens se sont bien passés ? Ainsi tu es en vacances chez Papy et Mamy ?

Ben, oui, si je suis là, c’est que je suis en vacances et, non, les examens ne se sont pas bien passés, j’ai même réussi à avoir un échec en géographie. Pourtant, grâce à mon Papy, la géo c’est mon cours préféré !

 

Papy, il était capitaine au long cours et ensemble nous avons si souvent feuilleté son vieil Atlas rouge que je suis incollable sur les mers, les océans, les ports…

Zeebrugge, Tampa, Hong-Kong, Sydney, Le Havre, Rotterdam, Kobe, Singapour, Bombay, Marseille, Vancouver… je sais situer toutes ses villes sur une carte et citer la mer qui les borde. Alors mon échec, c’est un peu comme une épine dans un doigt !

 

- Marine, viens voir ce que j’ai retrouvé !

Papy est assis au salon et il feuillette un album-photo. Bof !

- Tu sais, quand je rentrais à la maison après un long voyage, j’étais content de circuler sur la terre ferme et de faire de longues promenades. Parfois, nous partions en camping. Regarde ces photos, elles ont été prises en montagne.

 

C’est rigolo de découvrir maman en petite fille comme moi.

Et Papy sans lunettes et avec des cheveux noirs.

Mamy est bien jolie avec sa longue tresse blonde, je ne l’avais jamais vue en short.

 

- Et là, Papy, vous êtes tout mouillés. Pourquoi ?

- Nous étions partis en promenade et un orage violent nous a surpris. En quelques secondes, nous étions trempés de la tête aux pieds et le froid nous faisait trembler. Heureusement, nous avons pu regagner assez vite la voiture et rentrer au camping mais là, une mauvaise surprise nous attendait. Regarde cette photo, tu y vois dans quel état nous avons retrouvé notre tente. La toile avait percé sous la quantité d’eau et tout le matériel, les vêtements, les couchettes en étaient imbibés.

- Et alors qu’avez vous fait ?

- D’abord, on s’est occupé de ta mère, nous avons veillé à la mettre à l’abri et au chaud et puis, comme sur un navire, nous avons fait le point : ou nous repliions bagages et rentrions chez nous au plus vite ou nous attendions la fin de l’orage pour décider de la suite de nos vacances.

Il était une fois.B (2)- Et ?

- Et nous avons attendu le retour du soleil. Bien sûr, cela ne s’est pas fait sans peine, il a fallu nettoyer et sécher le tout mais deux jours plus tard, nous étions à nouveau sur les chemins. Mais…

- Mais ?

- Et bien, je peux bien l’avouer maintenant, j’ai bien failli baisser les bras et reprendre au plus vite le chemin de la maison. Tu vois, parfois, il faut se laisser le temps de la réflexion. Tiens, écoute, voilà Mamy !

 

Elle est délicieuse la tarte aux cerises que Mamy a ramenée de la ville, Papy en est déjà à son deuxième morceau.

- Qu’avez-vous fait tous les deux pendant mon absence ? demande Mamy.

- Nous avons regardé des photos, répond Papy en me faisant un clin d’œil.

 

Il n’y a pas à dire, Papy est un peu magicien,  je sens qu’il a deviné qu'à la maison la météo est parfois à l’orage et que j’ai entendu Maman et Papa parler d’une petite escapade pour faire le point…

Je lui rends son clin d’œil avec un grand sourire.

 

L’épine dans mon doigt me fait déjà moins souffrir.

 

 

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Peinture : Danielle Allard (clic)

 

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Publié le 6 Octobre 2012

 
 
- Tu te souviens Marylou ?
- De quoi mon Julos ?
- Du jour où nous avons emménagé ?
- Si je me souviens, tu penses…il y a plus de trente ans de cela !
- Allons, fais pas ton oublieuse ma poulette, ta crampe, tu te souviens de ta crampe ?
Moi, je m’en souviens comme si c’était hier…
 
- Tu y es ?
- Ouais !
- A trois, on y va. Un, deux, t…
- Attends, j’ai une crampe !
- Une crampe ?
- Au mollet droit ! Aie ! Aie !
- Tends ta jambe, pose ton pied à terre… ça va ?
- M’ouais !… Oh ! Flûte !
- Quoi encore ?
- Mes mains… sur le mur… regarde…
- Ah ! Oui ! Bravo !
 
- Bravo ma Marylou ! Que voulais-tu que je te dise d’autre ? Un mur peint de la veille et l’empreinte de tes deux mains juste à l’endroit prévu pour notre lit.
- Quelle idée aussi de me faire empoigner cette vieille caisse pourrie !
- Caisse pourrie, caisse pourrie ! Une malle de l’armée US ? Une relique de mon père ? Un… un… trésor de guerre rempli de souvenirs ?
- Tu parles de souvenirs précieux ! Ils sont figés depuis trente ans et des poussières au grenier, parce que tu te souviens, nous avons fini par le hisser sous le toit ton trésor de guerre rouillé ?
- Si je me souviens… Ah ! ce fut notre première chamaillerie… Comme il faisait chaud au grenier ce jour là…
- Ouais ! Et neuf mois plus tard, ta fille était là !
 
- Tu dors Marylou ?
- Mmm !
- Dis-moi..
- Quoi encore ?
- Tu n’aurais pas une petite crampe ce soir ?
 
 
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Publié le 2 Août 2012

 

- Yvonne a toujours trois casseroles sur le feu, dit souvent Papy.

Yvonne, ma Mamy, est une grande organisatrice. Cet été, elle a emmené le groupe des retraités du village visiter la ville de Bruxelles et son Palais Royal.

Malgré le beau temps Papy souffrait d’une angine alors je l’ai remplacé auprès de Mamy.

- Je te la confie gamin, m’a-t-il dit d’une voix grave et enrouée.

Quand il m’appelle gamin, je sais que c’est du sérieux et que je dois faire gaffe.

 

Avec Maëlys, en vacances chez sa grand-mère, nous étions les seuls enfants dans le car bien rempli.

Pendant le trajet sur l’autoroute, Mamy a fait chanter les personnes, elle a proposé des devinettes, des quiz et puis, zut ! elle s’est souvenue de moi.

- Tibor, toi qui connais de si jolis poèmes, tu pourrais nous en réciter un au micro, a-t-elle lancé bien fort.

La honte ! J’ai senti mes joues s’échauffer !

- Tibor ! Tibor ! ont scandé les personnes pour m’encourager.

Pris au piège, le Tibor !

J’ai récité « Le caillou » de Pierre Coran, un texte très court.

Les gens ont apprécié et Mamy m’a soufflé  - récite aussi « La sauterelle »

Ce poème là, je l’aime trop parce que plus tard je veux être un spécialiste des insectes, un « en-to-mo-lo-gis-te » comme j’en ai vu à la télé. Mamy me l’a fait apprendre par cœur et avec des mimiques ce qui m’a valu les applaudissements des retraités.

Quand je suis revenu à ma place, Maëlys m’a décoché un grand sourire. Ouf ! Je n’avais pas été trop ridicule !

Mais déjà nous étions à destination et Mamy a repris le groupe en main.

 

Visite de la Grand-Place, passage chez le Manneken-Pis et ensuite nous avons fait une pause pour déjeuner librement.

A quatorze heures trente, nous étions à nouveau rassemblés et le chauffeur nous a conduits au Palais Royal. Ce bâtiment est grand, vieux et, bizarrement, le roi n’y vit pas. C’est comme un musée, rempli de choses anciennes. Avec Maëly on a rigolé en douce en voyant les pensionnés s’extasier devant des meubles antiques et des peintures grandes comme un pan de mur du salon. Mais surprise ! J’ai été fasciné de découvrir un plafond et des lustres garnis d’élytres de scarabées aux reflets verts et bleus. Triste aussi, d’imaginer toutes ces petites bêtes sacrifiées pour faire joli.

tumblr_l8ao5pq5U01qzhohno1_400.jpg 

Après la visite, il a fallu trouver au plus vite l’endroit des toilettes et en attendant que tout le monde y soit passé, Maëlys et moi on a joué dans la cour intérieure jusqu’à ce que Mamy batte le rappel.

- Allons, rassemblement ! L’autocariste nous attend pour le retour !

 

- Quarante-huit, quarante-neuf… Il manque quelqu’un !

- Qui manque ? a crié Mamy.

Tout le monde a regardé son voisin ou sa voisine et une voix a lancé : c’est madame Janssens.

J’ai vu passer une lueur d’interrogation et de panique dans les yeux de Mamy. Où était madame Janssens ?

- Mamy, de la cour j’ai vu une dame assise sur une chaise dans le grand hall.

 

Gardienne de muséeDe retour au Palais Royal, Mamy et moi nous avons découvert madame Janssens profondément endormie sur sa chaise. Mamy, soulagée, l’a réveillée en douceur et madame Janssens, pas très fière, a rejoint le car sous les regards ironiques des autres retraités.

 

Quand nous sommes rentrés à la maison, Papy a demandé : quoi de neuf ? Pas de problème, tout s’est bien passé ?

Et Mamy en me faisant un clin d’œil a répondu : pas de problème, Henri, c’était une journée parfaite. Pas vrai Tibor ?

 

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Pour Miletune - Clic

 

La sauterelle de Pierre Coran - Clic

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Publié le 5 Juin 2012

     
Ana-Ana* était tout heureuse de se sentir en vacances par ce beau week-end de printemps. Depuis son lever, elle chantonnait et se sentait pousser des ailes à l’idée d’une longue balade à vélo avec ses parents.
 
Au potager, sa maman, le dos courbé, semait des carottes dans un petit sillon de terre. De la poche de sa salopette quelques sachets de semences diverses pointaient leur nez, impatients. Un peu plus loin, à l’ombre de la haie, des poireaux plongés dans du pralin attendaient sagement d’être repiqués dans la terre fraîchement retournée.
- Pas le temps d’aller me promener, dit maman à Ana-Ana, il faut soigner les légumes pour qu’ils aient une belle croissance et donnent une bonne récolte.
 
Dans l’allée du garage tous les meubles de jardin étaient alignés au garde à vous.
- Que fais-tu papa ?  questionna Ana-Ana en sautillant d’une chaise à l’autre.
- Je vais enduire le bois des meubles afin de le protéger des intempéries et des rayons du soleil, ainsi il vieillira bien, expliqua papa qui se débattait avec un couvercle de pot de peinture récalcitrant.
 
Dépitée, Ana-Ana enfourcha son vélo rose et lança : - je vais chez Pépé !
Seules les pies affairées dans leur nid lui répondirent en jacassant comme des commères.
 
Pépé, installé sur sa terrasse, se reposait un livre dans les mains. La veille, il avait soulevé l’échelle pour grimper dans un arbre où une branche brisée par les grands vents devait être dégagée.
- J’ai mal au dos, avoua Pépé, l’échelle est trop lourde pour mes vieux os. Puis, voyant la mine tristounette de Ana-Ana, il demanda : - veux-tu que je te raconte une histoire ? 
Pépé était un conteur né et la fillette adorait quand, installée derrière lui sur le dos du fauteuil, il l’emmenait vers des horizons où l’aventure était toujours au rendez-vous. Dans ces moments là, elle était plongée dans l’action et oubliait tout du quotidien.
 
Il-etait-une-fois.B--2-.jpg- … et c’est ainsi que Tom, retrouva…  Pépé fut interrompu par l’arrivée soudaine de son fils et de sa belle-fille.
- Ana-Ana, tu es là ! Nous nous demandions où tu étais !  s’inquiéta papa.
- Je te croyais occupée dans ta chambre, ajouta maman.
Alors, Ana-Ana répondit : - non, je vieillis ici avec Pépé puisque vous n’avez pas le temps de me voir grandir !
 
Pépé esquissa un petit sourire sous sa moustache mais ne dit mot et les parents échangèrent un regard dans lequel Ana-Ana descella une lueur désolée.
 
Le lendemain, après que papa eut frictionné avec vigueur le dos de Pépé avec une odorante pommade camphrée, la famille s’élança à vélo à l’assaut des chemins de campagne, le pique-nique solidement arrimé sur les porte-bagages.
- Carpe diem, avait dit maman et papa avait hoché la tête.
 
Ana-Ana se promit de demander à son Pépé qui, comme tous les grands-pères, avait réponse à tout, ce que les carpes venaient faire dans l’histoire et qui était ce mystérieux Diem au nom si charmant.
 
(*en clin d’œil à la délicieuse BD " Pico Bogue" et à ses truculents personnages)
 
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Pour Mille et une d'après une peinture de Danielle Allard
 

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Publié le 20 Mai 2012

Les textes de JACO  sont désormais réunis dans un livret.

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     - Fais attention à toi, Jaco, aujourd’hui c’est le premier avril. Y a du poisson dans l’air !

L’est fou l’Marcel. Jaco sait bien que les poissons ça ne volent pas. Son frère Marcel et les autres, tous les autres, z’ont beau le prendre pour un idiot, Jaco tout ce qui l’intéresse c’est que le premier avril Madame Marthe, la veuve du grand Albert, elle ouvre les portes de la petite chapelle. Et Jaco, il attend ce jour là avec impatience.
Quatre, cinq, six… les gros doigts de Jaco comptent les mois. Une année, c’est combien de mois déjà ? Jaco n’a pas assez de ses deux mains. Bof ! Quelle importance ! Ce qu’il sait ce que pendant six mois il doit se contenter de regarder par les deux petits trous découpés dans les battants. C’est comme des carrés mais sur la pointe… des…des z’anges comme dit Marcel. Des z’anges ! L’est fou l’Marcel ! Les z’anges y z’ont des ailes et y font pas des pointes.
Jaco, lui, il en fait des pointes sur ses godasses pour pouvoir jeter un regard par les ouvertures faites dans la porte. Chaque jour, qu’il vente, qu’il neige ou que le brouillard envahisse tout le hameau, il va regarder la belle dame en bleu assise avec son enfant sur les genoux. L’est bien gentil le petit ! Et tout bouclé comme lui.
L’aurait bien voulu, lui aussi, être sage et tout contre sa maman mais Jaco ne se souvient plus d’elle. Avait-elle une belle robe bleue avec de grands plis et un aussi joli sourire que celui de la belle dame dans la chapelle ? Il n’a jamais osé le demander à son père, ni à Marcel. Personne à la maison ne parle de maman. N’y a même pas sa photo sur le buffet !  Jaco a fouillé tous les tiroirs, pas de maman. Peut-être qu’il n’en a jamais eu ?
 
Jaco, heureux, flâne par les chemins. Les oiseaux chantent à tue tête leur amour et surtout les fleurs recommencent à pousser. Dans le pré de l’Antoine Jaco cueille des cardamines et quelques primevères, il y ajoute une branche de saule couverte de chatons et une de prunier toute fleurie. Bientôt il y aura des boutons d’or, des pissenlits, des marguerites… Tous ces trésors pour fleurir la belle dame.
  
Quand Marthe, cachée par le voilage de son rideau, voit arriver Jaco le bouquet à la main, elle a le cœur serré. La grande bouteille de jus d’orange qu’elle a remplie d’eau jusqu’à son large col attend le plus beau bouquet du monde.
Une femme, là-bas, on ne sait où, ne saura jamais l’immensité de l’amour dont elle s’est privée par peur d’un petit être différent.
Et Marthe, mère et grand-mère, la plaint plus qu’elle ne la juge. Elle se doute de la terrible souffrance et ne sait comment elle y aurait fait face.
 
Toc ! Toc ! Les deux coups frappés à la fenêtre sortent Marthe de ses pensées.
- Z’ai mis des fleurs à la belle dame. Ze reviendrai demain. Merci, madame Marthe d’avoir ouvert les portes de la chapelle !
 
L’est fou l’Marcel ! Jaco a bien vu deux truites dans le ruisseau, pas dans les airs ! Pour sûr, l’a voulu lui faire un poisson d’avril…
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Pour lire la suite de ce texte : clic  -  Pour Mille et une - Peinture de  Pablo Picasso

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Publié le 13 Mai 2012

 
 
                                                                               
- Bonjour Max ! Tu veux bien que je t’appelle Max comme le font tes copains ? Ne crains rien, je suis là pour t’aider.
M’aider, tu parles !  Qu’est-ce qu’elle croit cette infirmière ? Je suis assez grand pour me débrouiller tout seul.
-  J’ai une idée ! Si tu faisais un dessin... ça te plairait de faire un dessin ? Regarde dans cette boîte, tu y trouveras des feutres de toutes les couleurs et voilà un bloc de papier. Je te laisse un moment, profites-en pour dessiner ce qui te passe par la tête et après, si tu le veux, nous discuterons.
Ho là ! Elle veut me piéger cette dame. J’ suis plus un petit môme et puis dessiner quoi ? Faudrait pas qu’il traîne en chemin Schmock. Oui, j’sais, j’exagère, j’ai toujours besoin de lui… surtout ces derniers temps.
- Schmock ???…  Schmock ???… 
D’habitude, il apparaît au premier appel mais ici je ne peux pas crier trop fort, même pas dans ma tête. L’infirmière n’est pas loin, elle me surveille et j’veux pas  qu’elle regarde en moi.  Pff ! J’ai envie de retourner en classe, c’est justement l’heure de math. J’adore ça les maths même que Monsieur Bruno prépare des questionnaires rien que pour moi et mes copains ils ricanent : « chouchou, chouchou »
- Schmock ???…
Pff, où il est ? Il était plus rapide avant, comme la première fois où je l’ai rencontré.  Je m’ souviens, c’était pendant une leçon de piano. J’aime pas le piano ! Moi, je rêve de jouer de la guitare comme Serge le copain de Papa, mais maman dit d’un air pincé que le piano c’est plus Pres -Ti – Gi- Eux.
Des gammes et encore des gammes, on voit bien que c’est pas elle qui s’y colle.
   
511966096 Ce jour là, le métronome m’énervait, m’énervait et tout bas, je disais « schmock, schmock » à chaque battement comme pour me venger de ne pas pouvoir le jeter à la tête de la prof. « Schmock » et j’ai aperçu, assis sur le tabouret, un autre moi. C’était bizarre et super chouette, je pouvais entrer, sortir, jouer à la play-station et mon autre moi, lui, jouait du piano. Bien d’ailleurs, très bien. Si bien que la prof avait l’air étonné et qu’elle a dit : « Bravo, Maximilien, tu as fait d’énormes progrès » C'est depuis lors que Schmock est devenu mon plus fidèle ami. Il est toujours d’accord pour me remplacer quand je l’appelle.
Mais, zuuut ! aujourd’hui, il n’apparaît pas. Il est peut-être fâché ou bien il en a assez de vivre ma vie ? Sûr, c’est pas le pied.
   
- Schmock ???...
Je t’en prie, Schmock, sors-moi d’là. Je déteste cette salle, je m’ sens prisonnier et ces feutres me brûlent les doigts. Ouais ! D’accord ! T’ en as marre de prendre les coups à ma place… je n’ t’en veux pas, tu sais ? Quand mes parents ils s’ disputent, c’est toujours Maman la perdante et je la protège. C’est ainsi. Enfin, TU la protèges en t'interposant.
Quoi ? C’est plus possible ? Comment, tu ne veux plus m’aider ? Schmock, ne m’ laisse pas tomber, sans toi jamais je n’ résisterai. Tu m’ vois, tout seul face à eux ? Et puis, s’ils se disputent c’est peut-être de ma faute... « Maximilien ceci, Maximilien cela » ils ne sont jamais d’accord à mon sujet. Sûr que je les gêne et qu’ils en ont marre de moi !
Non, j'pleure pas... mais bon d'accord, t' as raison Schmonck, je vais dessiner !
 
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(Dessin d'un blog disparu)

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Publié le 3 Avril 2012

 
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- Vot’ père, c’est qu’un gros patapouf ! a ricané fortement Gaël en pointant un doigt pas très net vers les caleçons du paternel. Moi et mon frère Loïc, on a levé les yeux vers Gaël qui promenait son chien dans le sentier longeant notre maison puis on a regardé le linge que Maman avait suspendu sur le séchoir, puis de nouveau Gaël et on a continué tranquillement à se faire des passes avec le ballon de foot.
- Gros patapouf ! Gros patapouf ! il a chantonné Gaël et nous on s’est pas révoltés, on a laissé ce grand con faire son burlesque.
- Ce soir ! a murmuré Loïc, puis, avec un fleuret imaginaire, il a tracé une arabesque que moi seul sais piger. Va y avoir de la mascarade dans l’air !
 
- Que faites-vous les jumeaux ? a demandé Maman en jetant un regard dans notre chambre.
- Nos devoirs, on a répondu. On prépare notre dissert… Elle nous a laissé pianoter sur le pc et a rejoint le paternel occupé, comme souvent en soirée, à faire des dessins avec ses crayons aquarelle ou ses gouaches.
J’ai choisi une police bien claire et les plus gros caractères et Loïc a branché l’imprimante puis il a refermé la porte de la chambre.
- Va-y Simon, il a dit, lance l’impression.
Ça nous a pris le temps de sucer quatre berlingots à la violette chacun mais le résultat  était à la hauteur. On a manié la colle, l’agrafeuse… Super la banderole ! Du vrai travail de pro !  
                                                                                                            
Vers 21 h 30, on a prétexté un coup de fatigue et on a embrassé les parents. Maman nous a caressé les cheveux puis le paternel a glissé nos caboches, une sous chacun de ses bras, et en nous ceinturant la taille il nous a soulevés de terre en lançant en rigolant « ce que vous devenez grands, mes fils »
On adore quand il fait ça, on sent ses bourrelets bien doux et puis toute sa force. C’est quelqu’un notre Pater !
 
23 h 30,  Madame Pitt aère Mickey et Minnie pour un dernier petit pipi.
 
23 h 40, tout est calme, on peut y aller. Doucement, doucement, pour ne pas réveiller les parents et on sort par la porte de derrière. Entre Loïc et moi pas beaucoup de paroles, on se comprend en pensées. Lui, embusqué en sentinelle près du mur du jardin de chez Gaël et moi qui saccage les tournesols, les dahlias et les asters pour atteindre la grande fenêtre donnant sur la rue, on fait une sacrée équipe et un beau désastre. A la clarté de ma petite lampe torche je vérifie que les mots sont dans le bon sens et, à coups de dents, je déchire des bouts de scotch pour fixer la banderole.
 
 24 h ! On repart incognitos vers nos lits douillets. Du couloir, on entend le paternel qui ronfle et on est bien, mais bien !
 
Demain, tout le monde saura où vit un grand con.
 
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Publié le 7 Mars 2012

     
- Pas pleurer bô b’bé, pas pleurer ! Viens promener avec moi ! Pas pleurer ! Ludo va chanter.
   
« Dodo, b’bé do, toi dormir bien vite »
« Dodo, b’bé do, dormir bientôt »

Plus de pleurs, le jeune enfant intrigué par cette chanson douce s’est calmé. La poussette roule sur les trottoirs dans l’indifférence générale. Pas plus d’attention pour cet équipage que pour les pubs d'un appareil photo futuriste ou d'un parfum musqué. Les regards frôlent son ombre puis se détournent captés par d’autres images.

« Dodo, b’bé do »

La berceuse et le roulis de la poussette font miracle, le bambin s’endort calmement. Face à lui un sourire s’affiche sur une douce face de lune perdue dans son monde. Bien-être au fond d’un cœur pur.

« B’bé do » chantonne la voix émue.

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Les curieux tendent le cou pour ne rien perdre du spectacle. La sirène de l’ambulance s’est tue mais le gyrophare éclaire toujours par à coups la vitrine de la boulangerie-pâtisserie où tout le monde est en émoi. Sur le seuil, le médecin-urgentiste tente en vain de réanimer une jeune femme tombée en syncope parmi des tranches de pain éparses.
Les commentaires vont bon train : « t’as vu comme elle est maigre, fait régime la p'tite dame »
La boulangère affirme ne pas connaître cette cliente occasionnelle. Regards à la ronde, têtes qui font « non », haussements d’épaules, anonymat de la grande ville.
- Elle n’a que son porte-monnaie en poche, pas de papiers sur elle. On l’embarque, dit le médecin fataliste. Déjà les gens s’éparpillent et reprennent leur routine. Dans l’avenue un fourgon de police roulant à vive allure détourne les préoccupations. Banalités urbaines.
- Mon petit, murmure la dame qui lentement reprend ses esprits.
- Calmez-vous Madame, on s’occupe de vous, rassure l’infirmier en refermant les portières de l’ambulance.
De la galerie marchande proche surgit un homme inquiet suivi par un trio de personnes handicapées.
- Où est passé Ludo ?

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Ludo prend le petit sac en toile qui se trouve dans le filet suspendu à la poussette et le dispose comme oreiller sur le banc. Il veut dormir lui aussi. Le parc Josaphat est calme et cette absence de bruit réveille l’enfant qui se met à geindre doucement.
- Pas pleurer bô b’bé, Ludo va encore chanter.
« Dodo, b’bé do, toi dormir bien vite »
« Dodo, b’bé do, dormir bientôt »
Ludo s’est endormi en berçant la poussette. A ses côtés sous un chêne centenaire, l’enfant gazouille en regardant les canards sillonner l’étang proche.
Sur les ondes et sur le Net un avis de recherche d'un petit enfant disparu est lancé. Les médias à l’affût pointent déjà un doigt accusateur sur la négligence d’une jeune mère inconsciente à leurs yeux.

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En quittant l’hôpital accompagnée de policiers une femme effondrée se tord les mains, folle d’inquiétude, tandis qu’au même moment au commissariat un homme signale la disparition d’un des pensionnaires du home « Des Lilas »
Dans le parc Josaphat, une patrouille de police entame sa ronde habituelle.
 
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